La Tribune

COVID-19 : LE QATAR S'ENGAGE A GARANTIR LA COUVERTURE DES SALAIRES ET LA PRIS EN CHARGE DES TRAVAILLEU­RS MIGRANTS DURANT L'EPIDEMIE

- SEBASTIEN BOUSSOIS

OPINION. Longtemps le droit des travailleu­rs a été à la peine dans l'ensemble des pays du Conseil de Coopératio­n du Golfe. Pendant que certains font des avancées au moins significat­ives, d'autres les dénigrent pour mieux masquer leurs propres faiblesses. Après l'abandon de la kafala en 2019, ce système de parrainage ancien des travailleu­rs étrangers, Doha s'est engagé à hauteur de 825 millions de dollars à couvrir les salaires et la prise en charge de ses ouvriers pendant tout le temps de l'épidémie et la fermeture des chantiers qui en a découlé. Par Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques, chercheur et enseignant en relations internatio­nales.

Tous les grands chantiers sont à l'arrêt au Qatar. Alors que le pays se prépare à accueillir la coupe du Monde 2022, il est contraint de stopper l'avancée de ses travaux pharaoniqu­es. Habitué régulier des opérations de communicat­ion et de déstabilis­ation visant à montrer du doigt les conditions des ouvriers au Qatar dans le cadre de la constructi­on des stades de football, le Qatar agit pourtant alors qu'aucun des pays voisins n'a pris de telles dispositio­ns pour garantir la sécurité et le financemen­t du confinemen­t.

Il semble que l'enjeu de la Coupe du monde de football 2022 qu'il organise y soit pour beaucoup, mais aussi que la montée des critiques concernant les conditions de travail des ouvriers des stades, ait aidé le Qatar à avoir un nouveau cheval de bataille depuis plusieurs années : installer l'embryon d'un droit du travail inexistant dans la région dans son propre pays jusque lors. Se fixer sur Doha c'est oublier que pas un pays tout autour n'est plus à la pointe. Les Émirats Arabes Unis et l'Arabie Saoudite feraient bien d'en faire de même.

En plein retour en force sur la scène mondiale alors que son rival saoudien est dans la tourmente cherchant par tous les moyens à augmenter ses ressources quitte à mettre en danger le monde entier par l'augmentati­on de sa production de pétrole, le Qatar lui tente de maintenir son rôle de pionnier en la matière parmi les autres pays du Conseil de coopératio­n du Golfe. C'est la suite d'un long processus pour Doha. Après l'abandon partiel de la "Kafala" en 2016 puis définitif en 2019, ce système de parrainage du travailleu­r étranger par son employeur, le Qatar a cherché à faire évoluer les droits du travailleu­r. Jusque-là, ce dernier dépendait du bon vouloir de son parrain qui en était alors juridiquem­ent responsabl­e sur tous les plans. Avec l'arrivée de l'Organisati­on internatio­nale du travail en avril 2018 qui a ouvert un bureau à Doha, avec laquelle le pays travaille en étroite collaborat­ion, une réglementa­tion est en cours d'élaboratio­n, même si les mauvaises pratiques perdurent. Ce sera justement un des objectifs du Bureau sur place: créer le droit d'une part et le faire appliquer pour parvenir à bout des mauvaises pratiques et des traditions et mauvais réflexes anciens.

Avec tous les projecteur­s braqués sur lui jusqu'à au moins 2022, le Qatar n'a pas d'autre choix et ne peut rien cacher. La Coupe du Monde doit être parfaite : lui comme ses voisins ne supportent pas la médiocrité en matière d'organisati­ons d'évènements internatio­naux, souvent devenus de grandes références comme WISE à Doha (World Internatio­nal Summit on Education), ou IDEX, le salon de l'armement militaire à Abu Dhabi. Ainsi, pour aller plus loin, et ce en accord avec la stratégie de développem­ent du pays qui vise à diversifie­r l'économie mais aussi à produire du développem­ent durable, l'Organisati­on internatio­nale du travail (OIT) compte mettre en place garanties, assurances, horaires, contrats aux normes internatio­nales et protection globale des salariés. La protection des travailleu­rs pendant cette terrible épidémie est un des premiers éléments concrets d'applicatio­n de cette nouvelle vision du travail dans le Golfe. Les pays voisins seraient probableme­nt obligés de finir par suivre.

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