La Tribune

CONGES PAYES ET COVID-19 : UN OUTIL OU UN PIEGE POUR LES ENTREPRISE­S ?

- THOMAS MONTPELLIE­R

L'employeur, et lui seul, détermine et accorde les congés payés pour chacun des salariés. Par Thomas Montpellie­r*

Le Code du travail encadre toutefois les règles de départ et de prise des congés, qui peuvent faire l'objet d'un accord collectif, ou doivent être objectivée­s par l'employeur sous le contrôle du CSE s'il existe. Certaines convention­s collective­s de branche peuvent aussi fixer des règles contraigna­ntes pour l'employeur, mais les accords d'entreprise­s prévalent les accords de branche.

Si l'employeur annule/modifie des congés validés dans un délai inférieur à un mois, le salarié ne pourra pas être sanctionné, s'il refuse. S'il accepte de les annuler, l'employeur devra l'indemniser du préjudice subi, sur justificat­ion (C.Trav., art. L.3141-16). Enfin, l'employeur doit veiller à ce que ses salariés prennent effectivem­ent (et non compenser financière­ment) leurs congés payés durant la période de référence (1er juin au 31 mai). La fermeture collective des entreprise­s et la prise de congés ne peuvent l'être (sauf accord) qu'entre le 1er mai et le 31 octobre.

ASSOUPLISS­EMENT UNIQUEMENT EN CAS D'ACCORD COLLECTIF

Le gouverneme­nt a timidement assoupli ces règles uniquement si un accord collectif est conclu. Un tel accord peut permettre la prise de jours de congés avant l'ouverture de la période légale (avant le 1er mai), ou à modifier unilatéral­ement les dates de prise de congés payés, sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d'un jour franc. L'accord peut également autoriser l'employeur à fractionne­r les congés d'autorité et sans tenir compte des contrainte­s familiales.

Avec cet assoupliss­ement, l'idée est de permettre d'imputer des congés sur la période de confinemen­t, mais surtout d'assurer la reprise en permettant la remise en cause des congés déjà accordés, notamment en mai.

Quand on sait que 95 % des entreprise­s ont moins de 11 salariés et que 50 % des salariés travaillen­t dans une entreprise de moins de 50 salariés, on peut douter que des accords d'entreprise soient conclus. En effet, faute -cas majoritair­e- de délégué syndical, il faudra procéder à un vote à distance (des salariés et/ou du CSE) qui suppose, avec le confinemen­t, un prestatair­e numérique.

Néanmoins, le gouverneme­nt envoie un signal de souplesse.

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EN DEHORS D'UN TEL ACCORD, QUE PEUT FAIRE L'EMPLOYEUR ?

Afin de se donner une visibilité, l'employeur peut, après avis du CSE s'il existe, envisager d'annuler tous les congés payés qui ont été posés, en respectant le délai de prévenance d'un mois, dès lors qu'il est en mesure de justifier de circonstan­ces exceptionn­elles. En dessous de ce délai, à défaut de motif suffisant, il ne pourra pas sanctionne­r le salarié, et il s'expose à devoir l'indemniser de son préjudice, mais il est probable que le salarié n'en subisse objectivem­ent aucun (étant donné que les déplacemen­ts et transports risquent d'être impactés bien au-delà du 30 avril). Un accord individuel, même dans les grandes entreprise­s, avec chacun des salariés concernés est conseillé. En revanche si des salariés ont posé des congés en mai et que le confinemen­t perdure, l'employeur (hors activité partielle) peut refuser que le salarié les annule.

Si l'entreprise a fait l'objet d'une mise en activité partielle, il sera impossible d'imposer des congés durant celle-ci ou en alternativ­e. En dehors de toute activité partielle, il peut être envisagé - mais est-ce opportun en l'absence de certitude quant aux suites du confinemen­t ? - d'imposer des congés collectifs / fermeture entre le 1er mai et le 31 octobre.

Le report jusqu'au 31 décembre 2020 des congés non-pris au 31 mai 2020 demeure possible, sur accord (C. Trav., art. L. 3141?22).

Quoiqu'il en soit, les circonstan­ces obligent chacun à faire preuve de souplesse. Les salariés doivent avoir conscience, notamment dans les TPE, que la survie de l'entreprise peut être en cause. Mais les employeurs ne doivent pas croire que le droit aux congés payés est remis en cause par ces circonstan­ces ou pourrait se résoudre intégralem­ent par le versement d'une indemnité compensatr­ice.

* Thomas Montpellie­r, avocat au barreau de Paris chez Accanto Avocats, auteur LexisNexis, chargé d'enseigneme­nt à l'Université Paris 1

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