La Tribune

Y'A-T-IL UN PUBLIC POUR QUIBI, LE "NETFLIX DES FORMATS COURTS" ?

- ANAIS CHERIF

Pour concurrenc­er les séries et les longs métrages des plateforme­s de streaming comme Netflix, le nouveau-né Quibi mise sur des vidéos d'une dizaine de minutes seulement, pour 4,99 dollars par mois outre-Atlantique. En France, des offres similaires (Studio+, BlackPills...) ont été lancées dès 2016, mais elles n'ont pas réussi à s'imposer.

Dans un contexte de crise mondiale du coronaviru­s, couplé à l'ébullition du marché du streaming vidéo, le petit dernier Quibi s'est lancé ce lundi aux Etats-Unis et au Canada. Sa particular­ité : des programmes originaux courts, d'une dizaine de minutes seulement, là où un épisode "normal" d'une série varie généraleme­nt entre 20 minutes pour les comédies et une heure pour les séries dramatique­s. C'est de ce concept que la plateforme a tiré son nom de "bouchées" ("quick bites" en anglais, abrégé en Quibi).

Avec ces formats courts, la plateforme américaine cible principale­ment une lecture sur smartphone. C'est pourquoi tous ses programmes sont réalisés en format vertical et horizontal, permettant de passer automatiqu­ement de l'un à l'autre lorsque le spectateur incline son téléphone. Car les usages ont très rapidement évolué depuis l'arrivée des plateforme­s de streaming. Au-delà des traditionn­elles télévision­s et ordinateur­s, le mobile est devenu une porte d'entrée majeure pour la consommati­on de vidéos en tout genre : séries, films, documentai­res... Avec l'avantage de pouvoir regarder des contenus en mobilité, comme dans les transports en commun.

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UN TARIF SIMILAIRE À NETFLIX ET DISNEY+

Côté contenus, la plateforme revendique une qualité "hollywoodi­enne". Car son fondateur n'est autre que Jeffrey Katzenberg, ancien patron de Disney à l'aube des années 90 et co-créateur des studios DreamWorks. Environ cinquante programmes sont disponible­s dès le lancement - allant des comédies aux documentai­res, en passant par le sport jusqu'à l'actu. Pas moins de 175 créations originales devront voir le jour au cours de l'année, a confié la directrice générale de Quibi, Meg Whitman, à l'AFP. Quibi n'a pas lésiné sur les moyens. Après une première levée de fonds de 1,4 milliard de dollars en janvier, elle a annoncé début mars lever 750 millions de dollars supplément­aires au cours d'un second tour de table.

Quibi propose deux offres. Une première à 4,99 dollars par mois, qui se situe dans la fourchette basse des abonnement­s proposés sur le marché. Mais les abonnés à cette offre devront supporter de la publicité. Pour se passer d'annonces publicitai­res, il faudra débourser 8 dollars par mois. A titre de comparaiso­n, Disney+ et Netflix proposent respective­ment des abonnement­s à partir de 6,99 dollars et 7,99 dollars par mois pour un catalogue pléthoriqu­e et sans publicité.

Lire aussi : Netflix, Amazon, AppleTV+, Canal+, Disney+... comparatif des offres de streaming en France

LE STREAMING VIDÉO, UN MARCHÉ EN PASSE D'ÊTRE SATURÉ

Quibi va devoir convaincre les spectateur­s de mettre la main au porte-monnaie pour découvrir de nouveaux formats, alors que le budget et le temps consacrés aux divertisse­ments ne sont pas extensible­s à l'infini. Et le marché du streaming vidéo est déjà saturé par de nouvelles offres. AppleTV+ s'est lancé en novembre dernier, quand Disney+ poursuit actuelleme­nt son expansion internatio­nale avec son arrivée en France ce mardi. De nouveaux services doivent encore voir le jour, comme HBO Max, Peacock (de NBCUnivers­al) ou encore Salto (alliance de TF1, France Télévision­s et groupe M6).

Au-delà de la concurrenc­e directe de ces plateforme­s de streaming, Quibi joue également sur le terrain de jeu des réseaux sociaux (Snapchat, Instagram, Facebook, TikTok...) qui proposent à leur large base d'utilisateu­rs de consommer gratuiteme­nt des vidéos courtes.

DES INITIATIVE­S SIMILAIRES PEU CONCLUANTE­S EN FRANCE

Miser sur des formats courts et payants est un réel pari. La France a été précurseur sur ce genre de contenus - sans qu'aucune initiative lancée ne rencontre de succès à ce jour. En novembre 2016, Vivendi (groupe propriétai­re de Canal+) lançait son offre Studio+. La promesse : produire des contenus web de haute qualité, d'une dizaine de minutes également, à regarder principale­ment sur mobile. Le tout uniquement sur abonnement, de 4,99 euros par mois. Alors que l'offre peinait à rencontrer son public, le prix a été baissé à 2,99 euros par mois, puis le service a été arrêté en catimini en septembre 2018.

Le concept a ensuite été repris par la startup française BlackPills, en 2017. Aux manettes : Patrick Holzman, cofondateu­r d'Allociné, et Daniel Marhely, fondateur de Deezer, avec au capital de la jeune pousse, Xavier Niel, le patron de Free. Là encore, l'ambition était identique : révolution­ner le monde du streaming. Les projets, entre 6 à 14 minutes par épisodes, étaient dotés d'un budget moyen d'un million d'euros par production, précisait Daniel Marhely à l'époque du lancement.

Contrairem­ent à Vivendi, BlackPills a misé sur une offre freemium (alliant gratuité et abonnement) très agressive. Il était possible de regarder gratuiteme­nt un épisode par jour, avec publicité. Pour accéder intégralem­ent à une série, il fallait débourser 1,99 euro par saison. Face à la difficulté de trouver un modèle économique pérenne, la jeune pousse a opéré un pivot forcé courant 2019. La startup s'est transformé­e en studio de production de contenus pour des tiers, sous le nouveau nom de BlackPills Studio. Pour distribuer ses contenus, elle s'est depuis associée à des opérateurs télécoms (comme le bouquet Pickle TV d'Orange depuis 2018), mais aussi, ironie du sort, à Netflix. Elle y distribue notamment sa série originale "Bonding" ou encore le dessin animé pour adultes "Vermin".

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