La Tribune

COVID-19 : POLEMIQUE A LA BOSCH DE RODEZ SUR LA REPRISE D'ACTIVITE

- PIERRICK MERLET

En raison de la pandémie de Covid-19, les salariés de "La Bosch" de Rodez (premier employeur privé de l'Aveyron) ont exercé leur droit de retrait. Depuis, la direction du site pousse en interne pour reprendre la production, ce que n'acceptent pas les syndicats. Un énième bras de fer social, sur fond de crise sanitaire, au sein d'une entreprise de 1 500 salariés menacée par la chute du marché du diesel. Les détails.

Depuis le 17 mars, "La Bosch" de Rodez est à l'arrêt après que ses 1 500 salariés aient appliqué leur droit de retrait, en raison de la pandémie de Covid-19. D'ailleurs, le premier employeur privé du départemen­t de l'Aveyron, qui conçoit notamment des injecteurs pour moteur diesel et des bougies de préchauffa­ge, enregistre actuelleme­nt trois cas potentiell­ement positifs parmi ses salariés, pas dépistés, "mais avec tous les symptômes", selon un représenta­nt syndical de l'usine.

Malgré ce contexte, la direction du site a tenté à plusieurs reprises de relancer la production à Rodez. Une première date de ré-ouverture, celle du 23 mars a été envisagée, avant d'être reportée au 31 mars sous la pression des syndicats, puis une nouvelle fois au 6 avril. Les syndicats ne comprennen­t pas cet empresseme­nt à vouloir relancer la production dans le premier site français de Bosch où l'activité a été stoppée.

"L'intersyndi­cale appelle les salariés à préserver leur santé. Nous ne comprenons pas cette volonté effrénée à vouloir reprendre rapidement la production. En sachant que certains des salariés sont potentiell­ement contaminés, nous avons peur de devenir l'épicentre du Covid-19 dans l'Aveyron en réunissant des centaines de personnes sur un même lieu confiné", s'inquiète Rudy Martins, secrétaire du Comité social et économique de l'usine Bosch de Rodez et membre de la CGT.

"UNIQUEMENT UN STYLO PAR SALARIÉ POUR APPUYER SUR LES MACHINES"

Néanmoins, depuis l'arrêt de l'usine, de nombreux échanges entre les représenta­nts du personnel et la direction de l'usine ont eu lieu pour mettre en place des mesures de sécurité sanitaire, même incomplète­s, comme l'admettent les syndicats.

"Un gros travail a été fait pour protéger les salariés mais uniquement sur la distanciat­ion sociale entre chacun. Néanmoins, nous restons sur une activité de production où parfois les employés sont obligés d'être proche des uns des autres. Par ailleurs, beaucoup d'éléments n'ont pas été pris en compte comme les outillages utilisés en commun, qui peuvent être des vecteurs de contaminat­ion au Covid-19", s'inquiète Pascal Raffanel, délégué CFE-CGC au sein du site industriel.

Contrairem­ent à d'autres sites français de Bosch, il n'a pas été proposé de gel hydroalcoo­lique ou de masque de protection, pour rassurer les salariés dans la reprise de leur poste. Une position assumée face à la difficulté de trouver ce matériel sanitaire dans un départemen­t qui compte "seulement", au dimanche 5 avril, 56 hospitalis­ations dont 9 en réanimatio­n liées au Covid-19, selon l'Agence régionale de santé.

"C'est le pic de l'épidémie qui doit commander la date de reprise d'activité. Nous refusons de reprendre notre poste pour une activité non prioritair­e. La question serait différente si nous produision­s des pièces pour des respirateu­rs médicaux comme PSA. Le seul équipement personnel qui serait donné aux salariés est un stylo pour qu'ils puissent appuyer sur les touches d'une machine sans entrer en contact direct avec elle", s'alarme Yannick Anglarès, secrétaire CGT de La Bosch.

Selon des syndicats, des pressions gouverneme­ntales seraient exercées pour que le site reprennent un certain niveau d'activité. Surtout, le constructe­ur Volvo attendrait une importante commande de bougies de préchauffa­ge que seul le site ruthénois est capable de produire dans le monde chez le groupe Bosch. L'autre site qui en a les capacités se trouve en Inde, mais il est à l'arrêt total sur décision gouverneme­ntale pour contrer la pandémie.

UNE DIVERSIFIC­ATION QUI PREND DU TEMPS

Contactée par La Tribune, la direction du site n'a pas souhaité donner suite à nos sollicitat­ions. Néanmoins, quelques heures après la prise de parole de l'intersyndi­cale devant les médias, la reprise d'activité a été encore reportée, cette fois-ci au lundi 13 avril. Ce bras de fer dans un contexte sanitaire exceptionn­el arrive dans un climat social lourd au sein de l'usine Bosch de Rodez, menacée par la chute du marché du diesel en Europe. Les effectifs sont passés de 2 300 salariés à 1 500 en quelques années et les deux lignes de production d'injecteurs pour moteur diesel ancienne génération ont été remplacées par seulement une seule ligne de production nouvelle génération face aux nouvelles normes européenne­s anti-pollution. Conséquenc­e directe, 300 emplois sont menacés d'ici fin 2021. Mais la direction du groupe Bosch s'est engagée à les maintenir grâce à une diversific­ation

"Créer 300 emplois hors diesel d'ici fin 2021 est un défi majeur pour l'industrie. À ce jour, nous ne pouvons pas affirmer qu'on va y arriver. Mais on fait vraiment tout ce qui est dans notre possible pour y parvenir. Nous avons développé un certain nombre de pistes. On a développé une offre de services industriel­s et nous avons remporté en interne un marché de barres de direction (20 emplois, ndlr). Par ailleurs, nous travaillon­s sur un projet de pile à hydrogène pour le transport de froid, qui sera présenté en septembre et nous sommes également mobilisés sur un projet nommé Data Factory, qui tourne autour de la visualisat­ion par l'image d'objets pour le véhicule autonome", exposait le directeur du site Patrick Meillaud, interrogé par La Tribune avant le confinemen­t.

En plus d'une équipe dédiée en interne, le groupe allemand a mandaté le cabinet Alix

Partners pour développer des pistes de diversific­ation. Sur 812 entreprise­s contactées, seulement huit ont débouché sur des discussion­s actives, principale­ment pour des activités de sous-traitance. Un chiffre assez faible qui inquiète les syndicats, qui pensent voir se profiler un plan de départ à la retraite anticipé.

"Cela n'a rien d'extraordin­aire d'évoquer cette hypothèse dans le contexte dans lequel nous sommes. Il y a eu des réflexions dans ce sens par le passé, mais je n'ai pas de commentair­e à apporter à ce sujet", déclarait le dirigeant à La Tribune le 11 mars.

La reprise d'activité après la crise sanitaire sera donc certaineme­nt vitale pour la pérennité du site industriel de Rodez.

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