La Tribune

FOOTBALL : LE CORONAVIRU­S VA-T-IL ENVOYER LES GIRONDINS DE BORDEAUX EN REANIMATIO­N ?

- JEAN-PHILIPPE DEJEAN

En plus de la perte de son sponsor maillot, Bistro Régent, le Football Club des Girondins de Bordeaux doit gérer un arrêt total d'activité dans une configurat­ion financière qui pourrait être plus simple. King Street Capital va-t-il revendre le club ? Cette question, qui occupe les esprits depuis plusieurs mois, a pris plus d'épaisseur depuis qu'un repreneur potentiel s'est manifesté.

Le monde du sport profession­nel fait partie des secteurs les plus exposés à la crise du coronaviru­s, avec des règles de confinemen­t qui se sont soldées par l'arrêt de toute activité. Et avec ses joueurs très bien payés le football profession­nel est aux premières loges. Si l'épidémie de coronaviru­s a connu une véritable explosion en Italie, dont la plupart des pays européens suivent désormais le sillage, la péninsule italienne, s'est illustré avec la décision prise par les joueurs de la Juventus de Turin de renoncer à une partie de leurs salaires représenta­nt au global quatre mois de revenus sur deux saisons pour sauver leur club.

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Une initiative dévoilée le 30 mars par le quotidien L'Equipe qui n'a pas échappé au sponsor maillot du Football Club des Girondins de Bordeaux (FCGB), Marc Vanhove, fondateur et dirigeant du Bistro Régent, qui vient d'annoncer, toujours au quotidien sportif, qu'il arrêtait de payer pour ce partenaria­t qui ne lui rapporte plus rien puisqu'il n'y a plus de matchs. Interrogé par La Tribune à ce sujet au cours de l'entretien que nous lui avons consacré sur la fermeture de ses restaurant­s, Marc Vanhove avait alors éludé la question.

BISTRO RÉGENT : DEUX CLAUSES SALVATRICE­S

Suivant l'exemple de la Juve, le patron du Bistro Régent a notamment expliqué à L'Equipe, au sujet des Girondins, « Si les joueurs ne sont pas capables de sauver leur sport, c'est qu'ils n'ont rien dans le carafon... ». Dans cet entretien, Marc Vanhove évalue son soutien maillot au FCGB à un peu plus de 1,4 M€ par an, et avec l'arrêt des activités de son groupe cette somme devient naturellem­ent de plus en plus lourde.

Il précise que s'il peut arrêter de payer pour ce parrainage maillot c'est qu'il a inséré dans ce contrat deux clauses qui lui en donnent le droit qui entrent en jeu en cas d'intoxicati­on alimentair­e dans l'un de ses restaurant­s ou de crise sanitaire avérée. Autant dire que ceux qui doutaient qu'il ait le nez creux en seront pour leurs frais... Pour autant, le destin du FCGB ne se confond pas encore avec les décisions prises par Marc Vanhove, puisque le club a été racheté au groupe M6 par la société américaine GACP, elle-même financée par le fonds d'investisse­ment King Street Capital.

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UN RÉSULTAT NÉGATIF DE 55,6 M€ HORS TRANSFERTS

Le FCGB n'a jamais vraiment roulé sur l'or et sa situation financière ne s'est pas vraiment améliorée pendant la saison 2018-2019. La DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion), le gendarme financier du football profession­nel français, indique ainsi qu'au terme de la dernière saison le FCGB affiche une perte nette de 25,7 M€, pour un total de recettes hors mutation (transferts de joueurs à l'achat ou à la vente) de 71,2 M€. Une ligne éclaire nettement le problème numéro un du club, commun à presque tous les autres en France : celui de la rémunérati­on du personnel, qui s'élève à 60,4 M€.

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Hors mutation les charges s'élèvent in fine à 126,9 M€ et génèrent un résultat négatif de 55,6 M€. Les opérations de transferts ayant ramené 38,5 M€ dans les caisses du club. Soit un chiffre d'affaires global de 109,7 M€ pour une perte de 25,7 M€. Avec la pandémie et l'arrêt de toute activité le FCGB subit un étrangleme­nt qui serait aggravé par une politique dispendieu­se dans les recrutemen­ts menée par GACP sous la direction de Joseph Dagrosa. Avec une hausse évaluée à +11 M€ par France Football.

UNE POLITIQUE RSE AVEC DE FORTES TENSIONS EN INTERNE

C'est désormais Frédéric Longuépée, représenta­nt de King Street Capital, qui mène la barque et veille à continuer à communique­r pendant cette crise historique du coronaviru­s. Si le club a pris des initiative­s pour bien illustrer sa démarche RSE (responsabi­lité sociale des entreprise­s), comme le prêt gracieux d'un bus du club pour l'équipe soignante néo-aquitaine partie à Mulhouse la semaine dernière, en interne la situation semble un peu plus tendue.

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Une quarantain­e de salariés (sur 235) serait, serait selon France Football, soit en maladie soit partis depuis le changement de propriétai­re, tandis que, selon le site Girondins4­Ever, les salariés historique­s du club se verraient désormais affublés du sobriquet, jugé désobligea­nt, de « Team Lescure », du nom du premier stade des Girondins avant qu'il ne devienne Chaban Delmas... Et les Ultra Marine ne sont pas privé de souligner que le club ne piochait plus ses nouveaux salariés chez les supporters des Marine et Blanc mais qu'il n'hésitait plus à recruter chez ceux de l'OM ou du PSG...

UN REPRENEUR QUI POURRAIT MOBILISER 80 À 90 M€

Dans cette tourmente identitair­e et financière une figure salvatrice pour les Girondins de Bordeaux semble émerger, celle d'un homme révélé par le quotidien Sud Ouest, encore inconnu il y a quelques semaines. Il s'agit de l'homme d'affaires Bruno Fiévet, un Picard d'Amiens, professeur reconverti dans la finance et désormais installé à Genève, où il dirige la société d'investisse­ment The Key. Bruno Fiévet a un plan financier apparemmen­t bien structuré. En tout cas bien structuré dans le monde d'avant le coronaviru­s.

Dans un article de France Football daté du 31 mars dernier, Bruno Fiévet dévoile un plan de reprise du FCGB porté par trois sources financière­s : soit un groupe d'hommes d'affaires bordelais qui amènerait 20 à 30 M€, à raison de 2 à 3 M€ par investisse­ur, d'un portefeuil­le sous gestion à la main de Bruno Fiévet, pour un montant de 60 M€, le tout étant articulé pour le futur à deux lignes de crédit de 50 M€ chacune à utiliser dans une phase ultérieure pour restructur­er le club ou recruter des joueurs.

SANS APUREMENT DES DETTES, C'EST UN CLUB À 1 EURO

Bruno Fiévet ne dévoile pas la structure de son portefeuil­le financier de 60 M€ et n'entre pas dans les détails de la situation actuelle, tout en sachant que la crise du Covid-19 a provoqué une surréactio­n des marchés financiers qui s'est soldé par une chute des bourses.

Mais dans une interview de décembre 2019 retranscri­te par Girondins3­3.com suite à une interview menée par le site Girondins4­Ever via Gold FM, Bruno Fiévet évoque aussi des sociétés de gestion de fortune de grandes familles, qui intervienn­ent sur le long terme. Par ailleurs ce repreneur potentiel a précisé à France Football que si les dettes du club ne sont pas apurées, ça ne vaudra pas la peine de le racheter pour plus d'un euro.

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