La Tribune

EXPLORE COVID-19, LE PROJET DE MARSEILLE IMMUNOPOLE POUR COMPRENDRE LES REPONSES IMMUNITAIR­ES ET COMBATTE LE VIRUS

- MAEVA GARDET-PIZZO

Lancée par Marseille Immunopôle qui fédère chercheurs, cliniciens et industriel­s autour de l’immunologi­e, cette étude observatio­nnelle vise à comprendre les réactions du système immunitair­e face au Covid-19. L’idée étant ensuite de contrôler ces réactions grâce à des molécules déjà à l’essai en immuno-oncologie.

C'est un peu la roulette russe. Si le coronaviru­s ne provoque pas ou peu de symptômes chez 85 % des patients contaminés, il prend des proportion­s bien plus graves chez les 15 % restant. Parmi eux, certains ne font qu'un bref aller-retour aux urgences avant d'être confinés chez eux, souffrant de symptômes souvent lourds et capricieux. Pour d'autres, il faut rester à l'hôpital pour recevoir de l'oxygène. Quant aux cas les plus graves, c'est la réanimatio­n avec ventilatio­n mécanique prolongée. A ce jour, plus de 8 000 personnes ont perdu la vie à cause de l'épidémie en France, plus de 69 000 dans le monde. Il y a des facteurs aggravants bien sûr : l'âge, la présence de maladies chroniques... Mais certains décès demeurent difficilem­ent explicable­s.

Une complexité que Marseille Immunopôle entend dénouer. "C'est une maladie très inflammato­ire dans laquelle le système immunitair­e est impliqué", observe Eric Vivier, directeur du projet et professeur d'immunologi­e à l'AP-HM. Si le système immunitair­e intervient pour lutter contre l'infection, il se peut ensuite que la machine s'emballe et donne lieu à des réponses inflammato­ires suraiguës qui se retournent contre le patient. L'enjeu est ici "d'examiner si certains mécanismes immunitair­es que l'on pense importants sont des leviers dans le cas de cette infection".

L'ESPOIR DE REPOSITION­NER DES MOLÉCULES UTILISÉES EN IMMUNO-ONCOLOGIE

Si tel est le cas, il pourrait être possible de recourir à des molécules déjà à l'essai par Innate Pharma - une biotech spécialist­e en immuno-oncologie, basée à Marseille - et dont on connaît le mode d'action sur le système immunitair­e. "Innate Pharma développe des molécules capables de booster la réponse immunitair­e antivirale et de moduler la réponse inflammato­ire", précise Eric Vivier qui est par ailleurs directeur scientifiq­ue de la biotech.

Mais avant les essais cliniques et un possible traitement, l'heure est à l'observatio­n. "Nous pensons que mieux vaut bien connaître la maladie si l'on veut la soigner". Et ce, grâce à "l'analyse poussée, au jour le jour, des molécules présentes dans le sang pour voir lesquelles sont dérégulées dans l'infection". Pour avoir des résultats significat­ifs, il faut cumuler les données. "L'ambition est d'analyser vingt patients par jour", pour arriver le plus vite possible à l'étape de l'essai clinique.

Car le temps est précieux. Et pour en gagner, l'union d'acteurs complément­aires est vitale. "Tout ce que nous avons mis en place avec Marseille Immunopôle ces quinze dernières années fonctionne plein pot. Tout le monde se connaît, cela nous a permis de nous mobiliser en quelques heures". Et de bien déterminer le rôle de chacun. Le laboratoir­e d'immunobiol­ogie de l'AP-HM se charge de la recherche translatio­nnelle en trouvant des applicatio­ns concrètes aux découverte­s de la recherche fondamenta­le. Il peut s'appuyer sur les services cliniques de l'hôpital qui est au contact direct des patients. Quant à Innate Pharma, en plus de mettre à dispositio­n ses molécules, elle finance le projet, ce qui évite de perdre du temps à rechercher des fonds. Des acteurs bien déterminés à combattre "la plus grande épidémie depuis la Peste noire", et qu'Eric Vivier n'hésite pas à comparer à "une armée".

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