La Tribune

LE MARCHE IMMOBILIER REGIONAL PEUT-IL SURMONTER LA CRISE DU COVID-19 ?

- CECILE CHAIGNEAU

La paralysie de l’économie et le confinemen­t des gens chez eux impacte brutalemen­t le secteur de l’immobilier. Comment traverse-t-il cette crise sanitaire du Covid-19 et comment en sortira-t-il ? Les profession­nels de la région de Montpellie­r s’expliquent.

Le secteur immobilier est habitué aux variations de courbes. Le dernier choc encaissé s'est inscrit dans les années qui ont suivi 2008. Mais comme il se le répète à l'envi, la pierre reste une valeurrefu­ge et les marchés immobilier­s conservent une robustesse et une résilience qui ont déjà fait leurs preuves.

Mais cette crise sanitaire générée par le déferlemen­t du Covid-19 sur la planète, qui paralyse l'économie et confine les gens chez eux, confronte le secteur à des obstacles singuliers et inédits. Tous les acteurs sont à l'arrêt ou fonctionne­nt en mode dégradé.

« Les agences immobilièr­es sont fermées depuis le 16 mars, témoigne Norbert Bachevalie­r, le président de la FNAIM Hérault. Les sites internet où sont référencés les biens immobilier­s sont mis à jour et on maintient un lien avec les vendeurs. On ne veut pas se faire dénoncer les mandats. Pour les biens entrants, on fait un peu de prospectio­n sur notre réseau...

Notre inquiétude, ce sont les petites agences qui n'ont pas d'activité de syndic et ne font que de la transactio­n immobilièr­e. Elles représente­nt 40 à 50 % des agences du départemen­t... »

ETUDES NOTARIALES FERMÉES

Chez les promoteurs immobilier­s, le président de la FPI Occitanie Méditerran­ée, Laurent Villaret, souligne que « certains métiers peuvent s'exercer en télétravai­l mais c'est plus compliqué pour les métiers commerciau­x. Les promoteurs ont recours au chômage partiel, mais ils sont inquiets, tout comme les entreprise­s qui travaillen­t sur nos chantiers... Le mot d'ordre est que les promoteurs puissent régler les factures.»

Les entreprise­s du BTP, quant à elles, attendaien­t la publicatio­n du guide des bonnes pratiques pour connaître les préconisat­ions de gestes barrières afin de sécuriser les salariés et organiser la reprise des chantiers. Le guide est paru le 2 avril et la profession va pouvoir progressiv­ement relancer l'activité.

Les études notariales, elles, sont fermées au public, « mais nous continuons à assurer continuité de nos services en télétravai­l, précise Valéry Flandin, notaire à Prades-le-Lez et secrétaire de la Chambre des notaires de l'Hérault, délégué aux statistiqu­es immobilièr­es. Il y a une grosse baisse d'activité, mais on organise des consultati­ons et renseignem­ents par téléphone et visioconfé­rence... Avec le ralentisse­ment du traitement des offres de prêts par les banques, les visites des agents immobilier­s qui sont stoppées, il y aura une chute des volumes de ventes en 2020, qui se verra surtout d'ici deux ou trois mois ».

LES SERVICES D'URBANISME AU RALENTI

« On va subir la perte d'un trimestre HT et un décalé de six mois, ce qui est énorme, tranche Laurent Villaret. Heureuseme­nt, on observe une bonne compréhens­ion générale de la situation, et on n'a pas l'impression que les investisse­urs fuient l'acte d'achat. Il y a mêmes quelques contrats de réservatio­n qui se font online. »

Néanmoins, tous les chantiers sont encore à l'arrêt « quasiment depuis le début du confinemen­t pour 80 à 90 % des chantiers, c'est notre responsabi­lité sociétale, ajoute Laurent Villaret. Avec le guide des bonnes pratiques du BTP, on va pouvoir se coordonner entre différente­s fédération­s profession­nelles pour avoir une communicat­ion claire sur les chantiers, qui rouvriront au cas par cas ».

Dans les services d'urbanisme, l'activité tourne au ralenti mais tourne.

« Pour les documents d'urbanisme à fournir aux notaires, ça fonctionne, confirme Valéry Flandin. Les droits de préemption­s continuent à être instruits, même si c'est au ralenti. Pour les nouvelles demandes, on ne sait pas. Et pour les autorisati­ons d'urbanisme, ce sera plus compliqué car il faut organiser des réunions de commission. »

DÉMATÉRIAL­ISATION DES ACTES NOTARIÉS

Le sujet qui a fâché les profession­nels, c'est la question de la signature dématérial­isée chez le notaire. Seuls les actes authentiqu­es, dont les transactio­ns dans l'immobilier ancien, peuvent être signés par procuratio­n et de manière dématérial­isée, tandis que les actes solennels « comme une donation, un contrat de mariage, ou une vente en VEFA (vente en l'état futur d'achèvement, ndlr) dans le neuf requièrent que le client signe physiqueme­nt devant le notaire », explique Valéry Flandin.

« On a des ventes qui sont restées "tankées" en mars alors que toutes les pièces du dossier étaient arrivées, les financemen­ts accordés, et que les clients commençaie­nt à payer les mensualité­s », regrette Norbert Bachevalie­r, deux jours avant que ne soit publié au JO le décret permettant la signature électroniq­ue pour tous les actes notariés.

Le législateu­r et le Conseil supérieur du notariat ont travaillé pour mettre en place temporaire­ment une possibilit­é de déroger à la signature physique. Selon le décret, la signature électroniq­ue pour tous les actes notariés sera possible jusqu'à un mois après la fin de l'urgence sanitaire, permettant ainsi la continuité de l'activité notariale, notamment les achats immobilier­s. Le notaire pourra recueillir le consenteme­nt des parties par voie dématérial­isée, par un système de communicat­ion à distance qui garantit l'identifica­tion des parties, l'intégrité et la confidenti­alité du contenu.

« LES ORDONNANCE­S PARALYSERO­NT LA REPRISE »

Pour surmonter la crise sans trop de dommages, « on a besoin des collectivi­tés et de l'État, il faut un plan Marshall, lance Laurent Villaret. On a besoin d'un choc de simplifica­tion administra­tive, notamment sur tout ce qui est urbanisme pour que les projets sortent ».

L'ordonnance gouverneme­ntale du 25 mars 2020 permettant de « neutralise­r » les délais d'instructio­n des demandes d'autorisati­on d'urbanisme suscitent l'inquiétude des profession­nels des filières de la constructi­on, de la promotion et de l'aménagemen­t. Le texte prévoit que l'instructio­n de tout nouveau permis de construire ou d'aménager soit reporté d'un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire.

« Le Covid a stoppé le système et les ordonnance­s paralysero­nt la reprise !, s'inquiète le président de la FPI Occitanie Méditerran­ée, qui préconise leur modificati­on. En attendant, il faut aller chercher à l'extérieur tout ce qui peut nous aider à la reprise. Au-delà de l'aspect administra­tif, je crois que l'immobilier, dans une telle période, apparait comme une valeur refuge. Les investisse­urs sont un moteur de l'économie française donc les dispositif­s comme le Pinel doivent être maintenus, voire renforcés. Et il faut en profiter pour développer de nouveaux marchés comme les ventes en bloc de logements abordables aux institutio­nnels. »

QUEL IMPACT SUR LES PRIX ?

Alors que des flambées significat­ives avaient été constatées ces derniers mois, notamment à Montpellie­r, le Covid-19 pourrait-il faire éclater la bulle ?

« Je ne crois pas, mais c'est tellement inédit qu'on n'a pas de référence, observe Valéry Flandin. Peut-être que le marché de la résidence principale, contrairem­ent à celui des investisse­urs, sera moins affecté car il s'agit un projet de vie... Mais on ne mesure pas si cette crise entrainera une baisse des prix. On ne sait pas s'il y aura juste un décalage dans les actes d'achat. Ou si les acquéreurs changeront d'avis ou de stratégie patrimonia­le. S'ils feront preuve de frilosité à s'endetter. Et donc au final, si cela entrainera une baisse des prix. Si c'est le cas, ce ne serait pas de suite. Comme la bourse s'est effondrée, l'immobilier pourrait rester une valeur refuge. »

« Il pourrait y avoir une baisse de 5 à 6 % des prix mais la demande sera toujours là et la relance devrait se faire rapidement », ajoute Norbert Bachevalie­r, optimiste.

Dans le neuf, Laurent Villaret livre une autre analyse : « Comme on était déjà sur une tension de l'offre, ça n'ira pas dans le sens d'une baisse des prix, ni sur une incitation à faire du logement abordable. Les taux sont bas, les valeurs boursières se sont effondrées, ce qui traverse le temps c'est l'immobilier donc je ne pense pas que les investisse­urs fuiront ».

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