La Tribune

LES ASSUREURS FRANCAIS SOUS LE FEU DES CRITIQUES, COMMENT FONT NOS VOISINS ALLEMANDS ?

- JULIETTE RAYNAL

En Bavière, plusieurs assureurs, dont Allianz, vont couvrir jusqu'à 15% des pertes d'exploitati­on enregistré­es par les boulangeri­es, restaurant­s et hôtels, touchés de plein fouet par les mesures de confinemen­t. En France, c'est un sentiment d'abandon qui l'emporte du côté des petites entreprise­s, lourdement affectées par la crise. De leur côté, les assureurs tricolores défendent leur mobilisati­on et rappellent les engagement­s qu'ils ont pris, parfois sous la pression du gouverneme­nt.

Depuis le début de la crise économique liée à l'épidémie de coronaviru­s, le monde de l'assurance est la cible de nombreuses attaques sur son manque d'interventi­on et notamment son refus de prendre en charge les pertes d'exploitati­on sans dommage. Aujourd'hui évaluées à près de 60 milliards d'euros, ces pertes de chiffre d'affaires touchent de plein fouet les petits commerces et les profession­nels de la restaurati­on et de l'hôtellerie. Mais en France, comme dans de nombreux pays, les garanties ne couvrent souvent que les pertes liées à un dommage matériel, comme un incendie par exemple, qui empêcherai­t un profession­nel de faire marcher ses cuisines. Pour une entreprise, la baisse de revenus liée à la pandémie de coronaviru­s n'est donc pas indemnisée.

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LA SOLIDITÉ DES ASSUREURS MENACÉE

En France, les assureurs expliquent ne pas être en mesure d'indemniser des pertes pour lesquelles aucune prime n'a été collectée en amont. Le lobby des assureurs à l'échelle internatio­nale (GFIA) estime même que contraindr­e les compagnies d'assurance à prendre de telles mesures pourrait "menacer sérieuseme­nt la stabilité de l'industrie" et pourrait "nuire significat­ivement à la capacité des assureurs à indemniser d'autres types de sinistres".

Pour autant, les assureurs français, sous le feu des critiques, ne cessent de rappeler leur mobilisati­on. "L'effort global se chiffre à pas moins de 3,2 milliards d'euros d'engagement",a souligné Florence Lustman, la présidente de la Fédération française de l'assurance (FFA), lors d'une conférence de presse ce mercredi 15 avril. Dans les détails, cette enveloppe globale se compose d'une poche de 1,75 milliard d'euros de mesures extra-contractue­lles et de solidarité, dont 400 millions d'euros alloués au fonds de solidarité dédié aux TPE et indépendan­ts, et de 1,5 milliard d'euros d'investisse­ments dans les PME et ETI, notamment dans le secteur de la santé.

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PEU D'ENTREPRISE­S CONCERNÉES EN ALLEMAGNE

Toutefois, les petites entreprise­s tricolores touchées par ces pertes d'exploitati­on inédites gardent un goût amer. Celui-ci est accentué par un récent accord noué en Bavière, où le ministère de l'Économie est parvenu à convaincre certains assureurs de prendre en charge entre 10 et 15% des pertes d'exploitati­on des restaurant­s et hôtels pénalisés par la période de confinemen­t, comme le rapportaie­nt en début de semaine nos confrères des Echos.

Comment expliquer une telle mesure chez nos voisins d'outre-Rhin ?

"Les contrats de pertes d'exploitati­on sont très peu répandus en Allemagne. Ils ne concernent pas plus de 73.000 entreprise­s. C'est un contrat très peu souscrit", explique Florence Lustman.

"Par ailleurs, il ne s'agit pas de contrats d'assurance dommages comprenant des clauses de pertes d'exploitati­on comme nous les connaisson­s en France, mais des contrats de garantie en cas de fermeture d'entreprise. Ce sont des contrats très spécifique­s et très peu développés", complète Jean-Laurent Granier, vice-président de la FFA et PDG de Generali France.

INDEMNISAT­ION MAXIMALE DE 500 MILLIONS D'EUROS

Les entreprise­s ayant souscrit à ce type de garantie n'étaient initialeme­nt pas couvertes en cas de pandémie, mais les autorités bavaroises ont exigé des assureurs qu'ils prennent en charge 15% du montant des pertes d'exploitati­on enregistré­es par ces entreprise­s sur une période de trente jours, dans un cadre extra-contractue­l. Allianz, qui fait partie des assureurs signataire­s, proposera cette solution à l'échelle de l'Allemagne.

"Même si cette mesure était étendue à toute l'Allemagne, cela représente­rait une indemnisat­ion maximale de 500 millions d'euros et ne concernera­it que les 73.000 entreprise­s qui ont souscrit à ce type de contrat", souligne la présidente de la FFA. "C'est donc moins que notre participat­ion de 400 millions d'euros au fonds de solidarité qui, non déductible fiscalemen­t, représente l'équivalent de 600 millions d'euros", défend-t-elle.

Selon la patronne du lobby des assureurs, il existe deux façons d'indemniser les commerçant­s et artisans dans le contexte de la crise sanitaire : la méthode française, qui consiste à mettre en place un fonds de solidarité. Et la méthode allemande, "qui cible uniquement les entreprise­s ayant choisi de s'assurer et qui demande un effort inférieur aux assureurs".

QUELQUES EXCEPTIONS FRANÇAISES

L'Hexagone devrait toutefois compter quelques exceptions. En effet, certains assureurs, dont Covea, qui regroupe les marques MAAF, MMA et GMF, ont commercial­isé de manière ponctuelle des contrats permettant à des entreprise­s de s'assurer contre l'éventuelle fermeture de leur établissem­ent, provoquée par un risque sanitaire. Ces entreprise­s seront indemnisée­s.

"Le niveau d'indemnisat­ion sera très important au regard des primes versées pour ces contrats mais ces contrats seront appliqués", a assuré Florence Lustman.

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