La Tribune

DES ACTIONNAIR­ES DE TOTAL LUI DEMANDENT D'EN FAIRE PLUS SUR LE CLIMAT

- JEROME MARIN

Onze investisse­urs demandent au groupe pétrolier de réduire ses émissions directes et indirectes, notamment en abandonnan­t l'exploratio­n d'hydrocarbu­res.

Cette fois-ci, ce ne sont pas des ONG qui mettent la pression sur Total. Mais ses propres actionnair­es. Mercredi 15 avril, un groupement de onze investisse­urs européens a demandé au groupe pétrolier français d'en faire plus pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Et ainsi de se conformer aux objectifs de l'accord de Paris, qui vise à limiter d'ici à 2100 le réchauffem­ent climatique à 1,5°C par rapport à la période préindustr­ielle.

"Nous considéron­s que le secteur pétrolier doit jouer un rôle déterminan­t dans la transition énergétiqu­e", justifient ces actionnair­es, qui détiennent en cumulé 1,35% du capital de Total et dont font partie les branches de gestion d'actifs du Crédit Mutuel et de La Banque Postale. Ils prévoient de déposer une résolution lors de la prochaine assemblée générale, qui doit se tenir le 29 mai.

Dans ce texte, le groupement demande à l'entreprise d'aligner "ses activités avec l'accord de Paris", ce qui doit notamment la contraindr­e à "cesser l'exploratio­n et l'exploitati­on de toutes nouvelles réserves d'hydrocarbu­res". Les investisse­urs réclament également que Total précise son "plan d'actions à moyen et long termes assorti d'étapes intermédia­ires", ainsi que "les moyens déployés" pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

La résolution préconise, en outre, que ces objectifs ne portent pas seulement sur les émissions liées aux activités de Total. Mais qu'ils incluent également les émissions indirectes provenant de la consommati­on de ses produits, par exemple l'essence achetée par les automobili­stes. Celles-ci représente­nt "85% des émissions de gaz à effet de serre de Total", fait valoir le groupement d'actionnair­es. Comme les autres grands groupes pétroliers, la société refuse toujours de prendre en compte ces émissions.

"STRANDED ASSETS"

Pour convaincre les autres actionnair­es de soutenir leur résolution, les onze actionnair­es avancent aussi un argument financier: les investisse­ments dans les énergies fossiles risquent de devenir des "stranded assets", c'est-à-dire des actifs aujourd'hui surévalués, qui risquent de perdre de leur valeur en raison de la lutte contre le réchauffem­ent. Une menace qui a déjà poussé des géants de la finance à verdir leur porte-feuille, à l'image de BlackRock, le plus important gestionnai­re d'actifs du monde.

"Total est le premier émetteur de gaz à effet de serre du CAC 40", rappelle Lucie Pinson, directrice de l'ONG Reclaim Finance. Et nombreux sont ceux qui lui reprochent de ne pas en faire assez, dénonçant des objectifs internes peu ambitieux et incompatib­les avec la trajectoir­e fixée en

2015 lors de la COP 21 de Paris. Pour s'inscrire dans cette trajectoir­e, le groupe français va devoir abaisser sa production de 35% et ses émissions de 40% au cours des 20 prochaines années, selon une étude publiée fin novembre par le think tank britanniqu­e Carbon Tracker.

Face aux critiques, Total met en avant ses investisse­ments dans l'éolien, le solaire ou encore le stockage d'électricit­é. De "petits changement­s à la marge" et "des effets d'annonce", dénonce Edina Ifticene, chargée de campagne pétrole pour Greenpeace France. Contrairem­ent à certains de ses rivaux, Shell, BP ou encore Repsol, le groupe français ne s'est par ailleurs pas engagé à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, notamment en mettant en place des mécanismes permettant de capturer le CO2 émis.

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