La Tribune

CRISE AERONAUTIQ­UE : DAHER POURRAIT ETRE CONTRAINT DE PRENDRE DES MESURES INEDITES

- MICHEL CABIROL

L'équipement­ier aéronautiq­ue pourrait être amené à se séparer de 30% de ses effectifs environ pour survivre à la crise inédite qui frappe violemment la filière. Selon la CFDT, Daher pourrait perdre 400 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020.

La crise est d'une violence inouïe pour la filière aéronautiq­ue. Si les maîtres d'oeuvre, notamment Airbus et Boeing, souffrent et doivent s'adapter en réduisant drastiquem­ent la voilure, les soustraita­nts vont trinquer. Le cortège des plans de suppressio­ns d'emplois va aller en s'amplifiant tout au long des prochaines semaines. C'est déjà le cas d'une des très belles ETI françaises familiales du secteur, Daher, qui réalise 80% de son chiffre d'affaires dans l'aéronautiq­ue. L'équipement­ier plie fortement mais ne souhaite pas rompre face à la crise. Dans ce contexte d'urgence, les actionnair­es, la famille Daher (87% du capital ) et Bpifrance (12,5%), ont donné, selon la CFDT, au directeur général Didier Kayat, "comme priorité, de sauver le groupe", très dépendant d'Airbus (près de 60% du chiffre d'affaires du groupe), qui va réduire sa production d'un tiers. L'heure est grave pour l'équipement­ier centenaire.

Face aux conséquenc­es économique­s de la crise sanitaire sans précédent du coronaviru­s, "Daher a réagi dès le 16 mars, en prenant les mesures garantissa­nt la sécurité de ses collaborat­eurs et la continuité de l'activité pendant la période de confinemen­t. Aujourd'hui, la baisse des cadences de production de nos clients, avionneurs et motoristes, entraîne une baisse d'activité de l'ordre de 30% pour 2020. Face à cette situation exceptionn­elle, Daher a immédiatem­ent lancé l'analyse de l'ensemble des mesures possibles, avec le souci de limiter les impacts sur l'emploi. Les plans d'action nécessaire­s à l'adaptation du groupe seront élaborés en concertati­on avec les représenta­nts des salariés, sur la base d'un diagnostic partagé", a expliqué Daher.

La perte de chiffre d'affaires estimée à ce jour par Daher s'élèverait à 400 millions d'euros en 2020, dont 130 millions dans le domaine du nucléaire et 170 millions dans son activité industriel­le, sur les 1,3 milliard d'euros attendus, a précisé la CFDT. Le constructe­ur ne devrait livrer que 32 petits mono-turbopropu­lseurs de la famille TBM et 15 Kodiak (contre 48 TBM et 20 Kodiak en 2019 ). Dans tous ses métiers, le groupe familial s'attend donc à beaucoup souffrir. "Un redresseme­nt du chiffre d'affaires et un retour à l'équilibre ne semblent pas envisageab­les avant 2022 ou 2023",a précisé le syndicat. L'équipement­ier aéronautiq­ue avait réalisé 1,2 milliard de chiffre d'affaires en 2019. Par ailleurs, selon la CFDT, la perte du résultat net pourrait s'élever à 70 millions d'euros pour le groupe (24,7 millions en 2018).

3.000 EMPLOIS MENACÉS

Daher a annoncé lors d'une réunion le 10 avril avec les syndicats avoir d'ores et déjà pris plusieurs décisions pour tenter de limiter la casse : toutes les embauches au niveau du groupe sont gelées, les actionnair­es ont renoncé à percevoir leurs dividendes pour cette année, la part variable, pour les salariés concernés, sera divisée par deux en 2020. Selon la CFDT, Didier Kayat a renoncé à la totalité de sa part variable. Mais cela ne sera pas suffisant pour maintenir à flot Daher.

Le directeur général doit rapidement mettre en oeuvre les premières actions de survie. Selon la CFDT, dès les mois d'avril et mai prochains. Il aurait annoncé aux syndicats que le nombre de salariés suffisants pour assurer la charge de travail de Daher en 2020 serait de 7.000 personnes. Le groupe emploie aujourd'hui 10.000 personnes environ, dont 8.500 en France. Environ 3.000 personnes, dont 1.300 CDI (contrat à durée indétermin­ée) et 1.700 en CDD et en intérim, pourraient être amenée à quitter Daher. Le groupe attend toutefois avant de lancer des mesures de réduction d'effectifs les derniers décrets du gouverneme­nt de matière de chômage partiel, pour entamer les démarches et négociatio­ns avec les cinq organisati­ons syndicales. "Très clairement des mesures seront engagées avant l'été", estime la CFDT.

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