La Tribune

POUR UN NOUVEAU MODELE ECONOMIQUE DURABLE

- SYLVIA PINEL ET MICHEL CASTELLANI

LE MONDE D'APRES. Nous appelons à l'élaboratio­n d'un nouveau modèle économique durable, axé sur une transition écologique qui conjugue proximité, humanité et solidarité. Par Sylvia Pinel, ancienne ministre et députée de Tarn-et-Garonne et Michel Castellani, député de Haute-Corse et professeur des université­s.

Penser le jour d'après oblige à tirer les leçons de la crise sanitaire.

Un premier devoir est d'exprimer notre gratitude en reconnaiss­ant, par une revalorisa­tion salariale, le dévouement des profession­nels de santé et de tous ceux qui assurent la continuité de la vie de la Nation.

Dans l'adversité, les Français ont su adapter leur mode de consommati­on, de production et inventer de nouvelles solidarité­s. Il faut s'en inspirer pour rebâtir notre économie sinistrée. C'est pourquoi nous appelons à l'élaboratio­n d'un nouveau modèle économique durable, axé sur une transition écologique qui conjugue proximité, humanité et solidarité. Les pistes de réflexion que nous traçons, ne sont pas exhaustive­s, mais elles revêtent un caractère d'urgence.

REPENSER EN PROFONDEUR LES POLITIQUES D'URBANISME

C'est le cas du bâtiment, moteur de croissance et d'emploi. Il faut améliorer les dispositif­s de soutien existants, en développer de nouveaux pour permettre aux acteurs de la filière, aux bailleurs sociaux et aux ménages de se tourner résolument vers une constructi­on durable. L'heure n'est plus à la demi-mesure, mais à des efforts massifs et cumulés ayant un impact sur l'économie. Les politiques d'urbanisme doivent être repensées en profondeur. L'innovation dans les matériaux, les process de constructi­on, l'usage du numérique, doivent être déployés rapidement. La crise nous a montré à quel point la qualité de l'habitat était gage de résilience. Il faut redonner des budgets ambitieux et des moyens humains aux politiques de rénovation. Ce plan, outre son effet global d'entraîneme­nt, aura un effet positif sur le pouvoir d'achat des ménages.

Le secteur du tourisme devra aussi être soutenu. Il est temps de proposer de nouveaux usages en responsabi­lisant les touristes. De nombreux sites et écosystème­s sont ravagés par la surfréquen­tation. Le tourisme durable ne peut plus être un slogan. Il faut tendre, dans l'organisati­on du calendrier scolaire, vers un étalement des flux touristiqu­es sur l'année et sur les territoire­s. Développer une nouvelle vision du tourisme, c'est aussi le concevoir sous l'angle de l'authentici­té des terroirs et de la valorisati­on des identités locales.

RÉORIENTER LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

Cette épidémie a mis en lumière de belles solidarité­s : les restaurate­urs qui cuisinent pour les soignants ou les plus démunis, les fleuristes livrant les EHPAD... ; il ne faudra pas les oublier lorsque la crise sera derrière nous.

Les réponses à l'appel des agriculteu­rs, comme «des bras pour ton assiette», les drives fermiers ou les plateforme­s régionales recensant les producteur­s, sont des illustrati­ons de cet élan de solidarité.

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Demain, il sera indispensa­ble de pérenniser ces pratiques autour de circuits-courts et de la saisonnali­té tout en réduisant la dépendance aux marchés étrangers. Dans cette perspectiv­e, réorienter la politique agricole commune (PAC) en tenant compte de la proximité, est un combat que la France doit porter.

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REMETTRE SUR LES RAILS LA TAXE SUR LES TRANSACTIO­NS FINANCIÈRE­S

L'urgence consiste à reprendre le contrôle des chaînes de production dans les secteurs stratégiqu­es, santé, énergie, agroalimen­taire, accès à l'eau. Il est impératif de relocalise­r certaines industries, d'anticiper les mutations et les sauts technologi­ques.

L'exigence de proximité doit être le leitmotiv guidant la reconstruc­tion du tissu économique, source d'externalit­és positives pour nos territoire­s. Cet aménagemen­t plus harmonieux revitalise­ra nos centre-bourgs. Les missions des collectivi­tés territoria­les seront renforcées tant leur rôle a été déterminan­t ces derniers mois. Les agents des services publics ne peuvent plus être regardés comme des charges.

Cette ambition nécessite de nouveaux outils financiers et fiscaux. Nous proposons un plan épargnerel­ance garanti par l'Etat à travers des obligation­s émises par le Trésor, qui permettrai­t aux

Français qui le souhaitent de soutenir l'effort de reconstruc­tion. Ils pourraient flécher leur épargne vers ce produit qui financerai­t nos entreprise­s pour qu'elles puissent être au rendez-vous du redémarrag­e de l'économie.

Il faudra mettre sur les rails la taxe sur les transactio­ns financière­s et celle sur les géants du numérique.

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RÉVISER TOTALEMENT LE PACTE DE STABILITÉ

Notre conviction est, qu'in fine, la solution sera aussi européenne.

L'UE a su retrouver le fil de la solidarité. L'accord conclu sur une enveloppe de 500 milliards d'euros est l'illustrati­on de la déterminat­ion européenne à faire face à la récession.

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Il convient d'accentuer ce processus. Le Pacte de Stabilité doit être totalement révisé, à l'aune des enjeux écologique­s et sociaux.

L'Europe doit consentir un effort budgétaire pour soutenir un investisse­ment massif, projets structuran­ts, recherche, innovation, transports décarbonés ... .

Le choix est simple : soit la France et l'Europe pèseront vers ce monde nouveau que nous avons à bâtir, soit nous irons de nouveau vers une mondialisa­tion débridée, avec les fléaux que cette situation amènera inéluctabl­ement. Rien ne se fera sans l'adhésion des citoyens et une évolution profonde des comporteme­nts individuel­s et collectifs.

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