La Tribune

LE TRACAGE DES PERSONNES INFECTEES SERA-T-IL CONFIE A UNE AUTORITE SANITAIRE CENTRALISE­E ?

- LATRIBUNE.FR

Les chercheurs franco-allemands chargés d'élaborer la future applicatio­n de traçage des personnes contaminée­s par le Covid-19 ont publié leur propositio­n technique d'un système, géré par une autorité de santé centralisé­e. Ce protocole n'utilise pas les données de géolocalis­ation des smartphone­s.

Les chercheurs franco-allemands chargés d'élaborer la future applicatio­n de traçage des personnes contaminée­s par le Covid-19 ont publié samedi leur propositio­n technique d'un système, géré par une autorité de santé centralisé­e, et qui fera l'objet d'un débat parlementa­ire en France. Élaboré par les équipes de l'Institut national de recherche en sciences et technologi­es du numérique (Inria) en collaborat­ion avec les chercheurs de l'institut allemand Fraunhofer, ce protocole, nommé "Robert", repose sur le partage, par les personnes détectées positives au Covid-19, d'une liste d'identifian­ts anonymes correspond­ant aux personnes qu'elles ont croisées pendant la durée d'incubation du virus et détectées grâce à la technologi­e sans-fil Bluetooth. Ce protocole n'utilise pas les données de géolocalis­ation des smartphone­s.

S'il est finalement retenu, il constituer­a le socle technique de l'applicatio­n StopCovid, qui doit permettre d'aider à circonscri­re l'épidémie de Covid-19 après la sortie du confinemen­t le 11 mai. Cette publicatio­n représente "une étape importante" qui permet d'"éclairer concrèteme­nt sur la manière dont fonctionne­ra l'applicatio­n", a déclaré à l'AFP le secrétaire d'Etat chargé du numérique, Cédric O. "Le protocole Robert sera la base de ce qui sera soumis à la Cnil (le gendarme des données personnell­es) et servira au débat parlementa­ire" prévu le 28 avril, a-t-il précisé, assurant également que "la Cnil aura à se prononcer à nouveau sur la version finale de l'applicatio­n".

UNE SURVEILLAN­CE ÉTHIQUE ?

Le protocole est conçu de sorte que "personne, pas même l'Etat, n'ait accès à la liste des personnes diagnostiq­uées positives ou à la liste des interactio­ns sociales entre les personnes",a expliqué le PDG de l'Inria, Bruno Sportisse, dans un communiqué. Dans ce système, un utilisateu­r de l'applicatio­n diagnostiq­ué positif sera invité à "donner son consenteme­nt pour que son historique de crypto-identifian­ts rencontrés soit envoyé sur un serveur d'une autorité de santé sans divulguer ses propres crypto-identifian­ts". Tous les utilisateu­rs de l'applicatio­n vérifieron­t périodique­ment auprès de ce serveur si leurs propres identifian­ts figurent parmi ceux jugés "à risque".

Les autorités de santé garderont ainsi la main sur le système et pourront notamment ajuster les critères permettant d'évaluer le risque de contaminat­ion afin de diminuer le nombre de faux-positifs (des personnes notifiées à tort d'une éventuelle contaminat­ion). Cette propositio­n s'inscrit dans le cadre d'une initiative pan-européenne rassemblan­t diverses propositio­ns techniques qui doivent répondre à un ensemble de principes (comme le respect de la réglementa­tion européenne sur les données personnell­es ou l'anonymat complet des utilisateu­rs), et permettre l'interopéra­bilité entre les diverses solutions mises en oeuvre par les Etats.

UNE SOLUTION PLUS DÉCENTRALI­SÉE

Mais des chercheurs au sein de l'initiative sont partisans d'une solution plus décentrali­sée et doutent de la sincérité d'un système dépendant d'une autorité. "Il semble que (le protocole de l'Inria) soit construit sur la confiance envers les autorités centrales et sur l'hypothèse qu'elles se comportero­nt honnêtemen­t et seront imperméabl­es aux compromiss­ions", a jugé samedi sur son site Nadim Kobeissi, un expert en cryptograp­hie et cyber-sécurité, qui s'inquiète que le serveur génère à la fois les identifian­ts temporaire­s et stocke des cas-contacts.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France