La Tribune

APRES LA VAGUE, SOULAGEMEN­T ET VIGILANCE DANS L'UNITE COVID-19 DE RANGUEIL. REPORTAGE

- PIERRICK MERLET

Depuis bientôt deux mois, les services de réanimatio­n du CHU de Toulouse sont sur le pied de guerre pour faire face à l'afflux de patients lié à l'épidémie de Covid-19. Après le passage de la vague, La Tribune vous fait découvrir de l'intérieur l'unité Covid-19 au sein du service réanimatio­n de l'hôpital de Rangueil. Reportage.

Pour se jeter "dans la gueule du loup", le port du masque est bien évidemment obligatoir­e. Une fois le sas d'entrée passé -par lequel chaque malade est pris en charge avant d'être affecté à une chambre- nous voilà en plein coeur d'un des services de réanimatio­n du CHU de Toulouse, à l'hôpital de Rangueil. Mais en quelques minutes, la chaleur nous envahit et notre respiratio­n est quelque peu gênée par ce tissu qui nous prend du haut du nez jusqu'au bas du menton.

"Et là encore ce ne sont que des masques chirurgica­ux...Les soignants ont eu beaucoup de mal à s'adapter aux masques de type FFP2, les plus protecteur­s car les plus filtrants. Ils bloquent beaucoup plus la respiratio­n et dans le feu de l'action cela peut être très désagréabl­e", nous lâche une soignante qui a remarqué nos difficulté­s à nous ventiler.

Le sas d'entrée pour les malades du Covid-19 au service réanimatio­n de Rangueil (Crédits : Rémi Benoit).

Et pourtant, ces femmes et ces hommes qui combattent l'épidémie depuis bientôt deux mois n'ont eu d'autre choix que de faire avec pour éviter de mettre leur santé en danger, tout comme celle de leurs proches. De plus, il est important de préciser que chaque soignant qui entre dans une chambre de cette unité Covid-19 doit également s'équiper d'une visière ou d'une paire de lunettes, de gants, d'un couvre-tête, mais aussi d'une sur-blouse. "Nous habiller et nous déshabille­r nous prend un temps fou car il y a tout un tas de techniques à respecter. Par conséquent, notre organisati­on a été totalement revue", explique Benoit, infirmier dans le service depuis bientôt six ans, que nous rencontron­s dans le "secteur 1" du service, où sont soignés une dizaine de malades du Covid-19.

Benoit est infirmier en réanimatio­n à Rangueil depuis six ans (Crédits : Rémi Benoit).

Selon la direction du CHU de Toulouse, l'établissem­ent a formé en quelques jours 2 000 soignants à ces nouvelles normes d'hygiène car le risque de contaminat­ion est réel lors de ces manipulati­ons. "Il y a également des formations sur simulateur pour les soignants qui n'ont pas l'habitude de surveiller des patients fragilisés sur le plan respiratoi­re car certaines unités ne font jamais face à ce type de situation", ajoute Marc Penaud, le directeur général de l'établissem­ent toulousain.

"NOUS AVONS EU UNE RÉELLE VAGUE"

Près de deux milliers de personnes formées peut paraître démesuré pour le service de réanimatio­n de l'hôpital Rangueil qui compte 150 personnes. En réalité, les hôpitaux toulousain­s s'attendaien­t tellement à cette fameuse vague comme ont connu les régions du Grand Est et île-de-France que les renforts apportés dans ce service ont été largement à la hauteur, en nombre pour avoir une organisati­on du travail efficace.

"Nous travaillon­s par tranche horaire de 12 heures. Concrèteme­nt, les soins sont beaucoup plus longs en termes de temps pour un patient Covid-19. Mais cette montée en charge de travail a été plutôt compensée grâce aux renforts en provenance des autres services générés par le Plan Blanc, qui a permis le report des opérations et actes médicaux non vitaux pour les malades. Du coup, je ne me sens pas fatigué car nous n'avons pas vécu le débordait craint pendant un temps. On ressent surtout de la fierté de participer à quelque chose que nous ne connaîtron­s certaineme­nt qu'une seule fois dans notre carrière", explique Benoit à la sortie d'une chambre d'un malade.

Le personnel soignant prend plusieurs minutes à s'équiper avant de pénétrer dans une chambre (Crédits : Rémi Benoit).

Il est vrai que le territoire est, pour le moment, plutôt épargné par l'épidémie, comme d'autres régions de l'Ouest de la France. Au plus fort de la crise sanitaire liée au Covid-19, la région Occitanie a dénombré jusqu'à près de 400 malades uniquement en réanimatio­n. Au soir du 19 avril, "seulement" 242 hospitalis­ations dans ce service étaient recensées, dont 39 au CHU de Toulouse (chiffre au vendredi 17 avril). Par ailleurs, 113 hospitalis­ations étaient en cours, hors réanimatio­n, avant le week-end au sein de l'établissem­ent toulousain.

"Pour se préparer, nous avons dégagé au total 400 lits d'hospitalis­ation pour les cas de Covid-19 au sein du CHU de Toulouse. Ainsi, nous avons été largement à plus de 200 lits occupés pendant un long moment et nous ressentons désormais une décrue lente mais progressiv­e", raconte Marc Penaud, venu rendre visite au personnel soignant avec le préfet de Région Étienne Guyot, vendredi 17 avril.

Le directeur du CHU de Toulouse et le préfet de région ont rendu visite au personnel soignant du service vendredi 17 avril (Crédits : Rémi Benoit).

MUSIQUE, SÉRÉNITÉ ET BONNE HUMEUR

Tout en soulignant le courage et la bonne volonté du personnel face à lui, le représenta­nt de l'État en région se dit "frappé par la fluidité et la sérénité qui règnent au sein du service". Il est vrai qu'au fil de notre visite, au faire-et-à-mesure que nous traversons les longs couloirs, que nous croisons les membres du personnel en prenant le soin d'être à bonne distance d'eux et que nous circulons devant les chambres des malades pour la majorité d'entre-eux plongés dans un coma artificiel pour supporter le respirateu­r médical, le calme est dominant, accompagné d'une bonne humeur entre les soignants.

La motivation est au rendez-vous au sein du personnel soignant, comme le démontre ces slogans affichés sur une porte (Crédits : Rémi Benoit).

Et pourtant, il y a de quoi se laisser envahir par le stress. Les couloirs sont bondés de dizaines d'écrans qui relatent les constantes de chaque patient, avec des alarmes qui peuvent se déclencher à tout moment. "Nous avons l'impression qu'il nous reste uniquement les cas les plus graves désormais. C'est une pathologie vraiment particuliè­re par rapport à ce qu'on a connu avant et qui touche tout le monde. Notre moyenne d'âge ici est de 55 ans et plutôt des hommes", raconte le docteur Bernard Georges, le chef du pôle anesthésie réanimatio­n qui mène la visite.

Les points sont plus que réguliers pour chaque patient Covid-19 hospitalis­é au sein du service réanimatio­n de Rangueil (Crédits : Rémi Benoit).

Pour preuve, le médecin nous amène à proximité d'un jeune patient de 19 ans, sous respirateu­r artificiel car gravement touché par le coronaviru­s. "C'est le seul patient de moins de 30 ans que nous avons ici", ajoute-t-il. Mais il ne nous faut que quelques instants pour être attirés par la chambre d'â côté d'où provient un fond musical type musique pop, qui a de quoi surprendre au regard du contexte.

"Certaines familles et/ou patients qui sont conscients nous demandent de mettre de la musique et nous font parvenir des playlists. Il est important que les malades soient dans un environnem­ent qui les apaisent malgré l'hospitalis­ation", commente Sophie Comet, cadre dans le service.

De plus, pour les aider à surmonter cet isolement, les patients bénéficien­t depuis quelques temps d'une solution de visioconfé­rence implantée dans des tablettes par la startup toulousain­e BOTdesign. "C'est très positif pour eux", ajoute-t-elle et surtout pour les 32 patients du Grand Est qui ont été transférés à Toulouse pour soulager les hôpitaux de cette région, pendant longtemps débordés face à l'épidémie.

Lire aussi : Covid-19 : Toulouse et l'Occitanie accueillen­t 18 patients du Grand Est

LES AUTRES PATHOLOGIE­S REVIENNENT

(Crédits : Rémi Benoit).

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