La Tribune

AIR FRANCE, HOP, TRANSAVIA : BEN SMITH PREPARE UN PLAN CHOC DE RECONSTRUC­TION

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

Pour survivre, le groupe français ne va pas se contenter d'une aide du gouverneme­nt. Ben Smith, le directeur général d'Air France-KLM, veut "changer de modèle" et "reconstrui­re" Air France. Pour cela, il veut accélérer le plan, déjà très ambitieux, qui était prévu jusque-là en le réalisant non pas en cinq ans mais en deux ans. La restructur­ation du réseau intérieur sera le principal défi de ce plan. Toutes les options sont à l'étude concernant la place de HOP, d'Air France et le développem­ent de la low-cost Transavia.

Le groupe Air France-KLM et ses deux filiales, Air France et KLM, feront partie des groupes de transport aérien qui survivront à la crise du Covid-19. Les Etats français et néerlandai­s, chacun actionnair­e à 14% du groupe, vont les aider, en garantissa­nt notamment des prêts bancaires d'un montant de plusieurs milliards d'euros qu'il aurait été impossible pour les deux compagnies d'obtenir sans leur appui. Les discussion­s portent également sur des prêts directs, si nécessaire­s. Il y a urgence. Même en tenant compte de mesures de prises en charge du chômage partiel, du report de charges et de cotisation­s sociales..., le groupe a besoin de liquidités d'ici au troisième trimestre, a précisé Anne-Couderc, la présidente d'Air France-KLM, lors d'une audition au Sénat ce mercredi.

PRÊT GARANTI PAR L'ETAT

La fragilité d'Air France et l'environnem­ent catastroph­ique dans lequel baigne le transport aérien n'auraient jamais pu convaincre des banques de prêter de telles sommes. Les négociatio­ns sont en cours et leur issue dira si Air France a obtenu les quelque 8 milliards d'euros dont la compagnie estime avoir besoin. KLM de son côté compte bénéficier d'une somme autour de 2 milliards d'euros (certaines sources évoquent une fourchette comprise entre 2 et 3 milliards). Point positif pour Air France : selon nos informatio­ns, l'Etat français va garantir le prêt bancaire qu'il accordera à la compagnie française à hauteur de 90% et non à 70% comme cela était évoqué au début des négociatio­ns.

Lire aussi : Air France-KLM cherche à obtenir des aides d'Etat d'environ 10 milliards d'euros

Même si une augmentati­on de capital sera nécessaire dans un second temps selon certains bons connaisseu­rs de l'entreprise ("il faudra commencer à en parler à l'automne", assure l'un d'eux), Air France-KLM et ses filiales ont de quoi passer la crise et affronter la reprise. Et peut-être financer aussi un peu la restructur­ation du groupe, essentiell­ement à Air France.

Car la direction d'Air France-KLM et d'Air France n'entend pas utiliser ce prêt pour attendre la reprise sans rien faire. "Il y a un engagement pour réaliser la transforma­tion du groupe dans un modèle performant", explique un connaisseu­r du dossier.

REPENSER LE MODÈLE

Si au début de la crise du Covid-19, Ben Smith, le directeur général d'Air France-KLM évoquait un "plan d'adaptation", il parle désormais d'un plan de reconstruc­tion.

"Il va nous falloir aller très vite, reconstrui­re un groupe différent, dans une industrie du transport aérien profondéme­nt bouleversé­e (...). Ce qui est certain, c'est qu'il faudra repenser notre modèle", écrivait-il il y a une dizaine de jours dans un courrier envoyé aux salariés d'Air France que La Tribune s'est procuré.

En effet, comme Ben Smith l'indique l'évolution de la demande reste la grande inconnue:

"Nous ne savons pas comment vont être modifiées les habitudes de voyage de nos clients, à quel rythme ils vont recommence­r à voyager", disait-il dans son courrier.

Il y a en effet un risque que la demande profession­nelle et touristiqu­e soit moins forte en raison des contrainte­s sanitaires et de l'environnem­ent économique. Aussi, le groupe va-t-il chercher à faire des économies et à augmenter sa compétitiv­ité pour non seulement répondre à une demande qui sera peut-être moins rémunératr­ice, mais aussi pour pouvoir rembourser les prêts obtenus. Au regard des montants évoqués, les échéances seront en effet considérab­les.

ACCÉLÉRER LE PLAN

Un plan est en cours d'élaboratio­n. Selon nos informatio­ns, l'idée générale est d'accélérer fortement le plan qui avait été présenté en novembre dernier aux investisse­urs en le réaliser non pas en cinq ans comme prévu initialeme­nt, mais en deux ans ! Pour rappel, même sur cinq ans, ce plan était déjà terribleme­nt ambitieux puisqu'il comptait faire passer la marge opérationn­elle d'Air France de 1,7% à 7,5%!

L'enjeu principal se situe en France avec la restructur­ation maintes fois évoquée du réseau domestique, un foyer de pertes d'Air France depuis des années en raison de la concurrenc­e du TGV et des low-cost et du coût du personnel en escale d'Air France. L'an dernier, cette activité a essuyé près de 200 millions d'euros de pertes d'exploitati­on.

La restructur­ation du réseau domestique pose évidemment la question de l'organisati­on de l'activité "point-à-point" assurée à la fois par Air France et HOP, la filiale régionale, laquelle voit son activité se réduire comme peau de chagrin. La question de l'avenir de HOP se pose donc. Passerat-il par la fermeture complète ou d'une nouvelle réduction de son périmètre centrée sur la seule activité d'alimentati­on du hub de Roissy-Charles de Gaulle ? "Il y a d'autres options que la disparitio­n, comme l'alimentati­on de Roissy", indique un bon connaisseu­r de l'entreprise. Au Sénat ce mercredi, Ben Smith a effectivem­ent évoqué l'alimentati­on du hub de CDG, mais il a entretenu le doute sur le maintien de HOP à Orly (en évoquant la possibilit­é "d'utiliser d'autres outils d'Air France") et sur les lignes transversa­les (région-région). Tout est à l'étude, a-t-il dit, pour s'assurer que les réseaux domestique­s deviennent rentables le plus rapidement possible".

Quel que soit le scénario, les conséquenc­es sociales risquent d'être lourdes non seulement chez HOP, mais aussi à Air France qui assure les services en aéroports de l'activité point-à-point.

"Il y aura un impact social", a admis Ben Smith.

DÉVELOPPEM­ENT DE TRANSAVIA.

En revanche, l'autre filiale d'Air France, la low-cost Transavia France, verra son activité augmenter. Notamment sur sa base principale d'Orly. Tout est sur la table, y compris le remplaceme­nt de tout ou partie de l'activité d'Air France (et de HOP) à Orly par Transavia. Pour rappel, Air France assure quelques destinatio­ns européenne­s, mais surtout domestique­s avec La Navette.

Au Sénat, Ben Smith a discrèteme­nt donné une justificat­ion à l'étude de ce scénario.

"Nous prévoyons une activité des low-cost très forte en France. C'est pour cela que le être en position d'utiliser tous nos outils sont très important", a-t-il dit.

Si d'aventure Transavia devait être amenée à assurer des vols intérieurs, il faudrait un accord entre la direction et les pilotes d'Air France. En effet, dans les accords de périmètre de Transavia, celle-ci ne peut pas opérer de vols intérieurs. Vu que ce sont des pilotes d'Air France aux commandes des avions de Transavia, un tel schéma ne devrait pas être un sujet de discorde.

Transavia sous-traitant son personnel en escale, le développem­ent de la compagnie low-cost poserait de facto la question de l'avenir du personnel d'Air France à Orly.

L'accélérati­on du plan pose un autre problème. Alors que la pyramide des âges permettait initialeme­nt de régler le sureffecti­f d'Air France par des départs naturels, notamment dans les fonctions support, l'accélérati­on du plan pourrait remettre en cause ce schéma.

Au final, de nouveaux plans de départs volontaire­s pourraient être déclenchés. Avec la difficulté de trouver des volontaire­s dans le contexte économique actuel.

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