La Tribune

TELETRAVAI­L, DROIT DE RETRAIT, LOYERS, RISQUES PROFESSION­NELS : LES AVOCATS BORDELAIS SUR LE PONT

- PIERRE CHEMINADE

Dans le cadre de l'opération "Barreau solidaire", des avocats bordelais assurent des consultati­ons gratuites depuis de la crise du coronaviru­s notamment dans le domaine du droit du travail et du droit des affaires. Les modalités du télétravai­l, du chômage partiel, du droit de retrait et des ruptures anticipées de contrat figurent parmi les sujets récurrents tout comme la protection des salariés, la renégociat­ion des baux commerciau­x et l'approbatio­n des comptes. La Tribune fait le point.

Une demande par mail et une réponse circonstan­ciée garantie sous 48h. C'est le service gratuit mis en place par des avocats du barreau de Bordeaux dès le lendemain du confinemen­t sanitaire et des prémices de la crise économique. Plus d'une centaine de salariés, chefs d'entreprise­s et indépendan­ts y ont eu recours dans les domaines du droit social, du droit du travail et du droit des affaires dans un contexte légal et réglementa­ire aussi mouvant qu'inédit. De quoi offrir un éclairage sur les sujets de préoccupat­ion des acteurs économique­s aujourd'hui et demain.

DROIT DE RETRAIT ET MOTIFS DE RUPTURES ANTICIPÉES

Dans le domaine du droit du travail, c'est l'Institut du droit social du Barreau de Bordeaux qui pilote l'opération. La moitié des 105 avocats de cet institut participen­t à la permanence en répondant par écrit aux demandes adressées à florence@bachelet-avocats.com. "Nous avons reçu plus de 80 demandes depuis la mi-mars dont les trois-quarts proviennen­t de salariés et le reste de dirigeants TPE et PME et de responsabl­e syndicaux", détaille maître Romain Pagnac, qui exerce chez Burdigala Avocats et préside l'Institut. Plusieurs sujets reviennent en force dont notamment la mise en place du télétravai­l (horaires, modalités pratiques, articulati­on avec le chômage partiel, etc.) et les cas de rupture anticipée de CDD, de période d'essai ou de promesse d'embauche. "Il faut savoir que le confinemen­t sanitaire n'est pas toujours considéré comme un cas de force majeure ouvrant la rupture anticipée. C'est la nature de l'emploi qui est en jeu et si le télétravai­l est possible alors le cas de force majeure n'est pas forcément valable", observe Romain Pagnac.

Les modalités de mise en oeuvre du chômage partiel et d'imposition des congés payés et RTT reviennent aussi avec insistance ainsi que les conditions sanitaires d'une reprise de l'activité. "Nous avons beaucoup de questions sur l'exercice du droit de retrait et les conditions de protection des salariés, sachant que le droit de retrait est individuel et que la situation personnell­e et l'état de santé de chaque salarié entre en compte pour apprécier ce droit", rappelle l'avocat spécialisé en droit social.

VERS UN CONTENTIEU­X D'UN NOUVEAU GENRE ?

Un autre sujet d'inquiétude commence à se matérialis­er dans les questions adressées aux avocat bordelais : l'éventuelle déclaratio­n d'accident du travail si un salarié considère avoir été contaminé par le Covid-19 sur son lieu de travail.

"La situation est assez inédite d'un point de vue juridique", insiste maître Pagnac. "L'employeur a une obligation de moyens renforcés pour assurer la protection de ses salariés et si aucun dispositif n'a été mis en place, par exemple des parois en plexiglas pour les caissières, cela peut clairement poser question. A mon sens on se dirige vers un contentieu­x inédit autour de ces questions d'accident du travail et de reconnaiss­ance de maladies profession­nelles dans les mois qui viennent."

Pour l'heure, le ministère de la Santé indique que le Covid-19 ne sera reconnu comme maladie profession­nelle de façon "automatiqu­e" que pour les personnels soignants.

APPROBATIO­N DES COMPTES ET PAIEMENT DES LOYERS

Du côté de l'Institut du droit des affaires du barreau de Bordeaux, présidée par maître Emmanuelle Regimbeau, la moitié de la centaine d'avocats adhérents sont également mobilisés et joignables à l'adresse ida.barreaudeb­ordeaux@gmail.com. Ce sont principale­ment des dirigeants de TPE et PME, des profession­s libérales et des auto-entreprene­urs qui ont sollicité leurs conseils. Deux problémati­ques remontent assez nettement chez les chefs de petites et moyennes entreprise­s, selon Emmanuelle Regimbeau :

"Il y a, d'une part, beaucoup d'interrogat­ions sur le paiement, la suspension ou l'annulation des loyers et des baux commerciau­x. La suspension des loyers n'est pas automatiqu­e contrairem­ent à ce qui a parfois été compris et il faut regarder chaque contrat au cas par cas mais, dans tous les cas, la négociatio­n amiable avec le bailleur est toujours à privilégie­r ! D'autre part, des chefs d'entreprise­s s'interrogen­t sur la possibilit­é et l'opportunit­é d'approuver leurs comptes d'ici le 30 septembre et éventuelle­ment de verser des dividendes aux associés sachant que la visibilité de leur activité est souvent quasi nulle sur les prochains mois."

Enfin, au fil des semaines, de nouvelles craintes remontent quant aux conditions de la sortie de crise. "Les prêts d'urgence, les reports de charge sont une bonne chose mais ils ne fonctionne­ront que si l'activité reprend. Si ce n'est pas le cas, il va y avoir des fins d'année très difficiles pour beaucoup d'entreprise­s. C'est ce flou général qui inquiète de manière croissante", témoigne Emmanuelle Regimbeau avant d'insister sur l'importance d'aborder d'éventuelle­s difficulté­s le plus en amont possible sans attendre d'être en cessation de paiement. "Il y a des mesures préventive­s, des outils de conciliati­on, le mandat ad hoc, etc. Il faut s'en saisir !"

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France