La Tribune

L'IMMOBILIER FAUSSE-T-IL LES CHIFFRES DE L'INFLATION ET DU POUVOIR D'ACHAT ?

- ALEXANDRE MIRLICOURT­OIS, XERFI

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, l'immobilier fausse-t-il les chiffres de l'inflation et du pouvoir d'achat ?

Ce chiffre fait hurler : 6%. C'est le poids du logement dans la mesure de l'inflation calculée par l'Insee. Autrement dit, le coût du loyer vaut pour 6% du budget total des ménages. Ce niveau suscite légitiment l'incompréhe­nsion. Même en ajoutant les petits travaux d'entretien, l'eau, l'électricit­é, le gaz et autres combustibl­es, la balance indique seulement 14%.

INDICE DES PRIX « LOGEMENTS » : UN CONSTRUIT SOCIAL

14% pour se loger : le traitement réservé au logement apparaît donc comme déficient, plus particuliè­rement dans un pays comme la France où les prix de l'immobilier ont explosé. L'inflation serait donc systématiq­uement sous-estimée avec ses conséquenc­es en cascades sur le calcul du pouvoir d'achat, mais également sur les revalorisa­tions du SMIC, des prestation­s sociales, mais aussi des salaires, la hausse des prix restant le grand repère pour les négociatio­ns salariales. Comme toute statistiqu­e, l'indice des prix à la consommati­on (l'IPC) est avant tout un construit social aux effets politiques importants fait de convention­s.

L'IPC mesure, par définition, les prix et les services consommés. Or, l'achat d'un bien immobilier ne donne pas lieu au processus de destructio­n qu'entraîne la consommati­on et participe à la constituti­on d'un patrimoine. Sauf que près de 6 ménages sur 10 sont propriétai­res de leurs logements en France et ne paient, par définition, aucun loyer et sont donc exclus de facto du champ de l'analyse. L'indice des prix « logement » concerne donc seulement les 40% de la population locataire dont près de la moitié est logée dans le parc social. La part des loyers dans leur consommati­on, une fois déduite les allocation­s, est de l'ordre de 20% en moyenne.

C'est mathématiq­ue 20% de 40%, cela fait 8 ! Il faut aussi intégrer que le niveau de vie des locataires, et par conséquent leurs dépenses de consommati­on, est plus faible de 20% environ à celles des propriétai­res. La part des loyers dans leurs dépenses de consommati­on est rapportée à la contributi­on de ces ménages à la consommati­on totale pour obtenir une part moyenne de 6% de l'ensemble de la consommati­on.

PLUS D'IMMOBILIER DANS L'IPC : ATTENTION DANGER

L'histoire ne peut cependant pas s'arrêter là au regard de la pression qu'exerce objectivem­ent le logement sur les ménages. Pour les propriétai­res non-accédants, c'est-à-dire ceux qui n'ont plus aucune charge de remboursem­ent, le problème ne se pose pas : la part des loyers est de zéro, ils n'ont plus qu'à s'acquitter de l'entretien et des charges courantes. Cela concerne près des deux tiers des propriétai­res, soit quand même 40% environ des ménages. En revanche, le coup de projecteur doit être donné sur le tiers de propriétai­res restant, plus précisémen­t les accédants à la propriété, ceux qui tous les mois ont une partie de leur budget dédiée au remboursem­ent de leurs emprunts et qui ampute leur reste à vivre. On parle là, quand même, de 20% de la population française, dont le coût des remboursem­ents bancaires compte actuelleme­nt pour 0% dans l'IPC, alors que leur taux d'effort moyen est d'environ 25%. C'est là qu'est le hiatus.

C'est encore une fois de la simple arithmétiq­ue, 20% de 25%, c'est une pondératio­n de 5 points de plus pour le logement avec cette interrogat­ion : quel indicateur de prix prendre ? Simplement les prix des logements ? Dans ce cas, c'est une envolée de 122,3% depuis le début des années 2000, soit de 4,3% en moyenne par an.

C'est extrêmemen­t brutal. Sauf que l'on ne sait pas répartir rigoureuse­ment cette hausse dans le temps. Chaque année, elle ne touche que les nouveaux acquéreurs, soit une très faible proportion de la population. Sauf aussi qu'en face, il y a un coût du crédit qui s'est réduit avec des taux au plancher. Sauf aussi qu'intégrer le coût des opérations immobilièr­es, si elle enrichit notre connaissan­ce du coût de la vie, ne peut plus être dénommé « prix de la consommati­on » au sens strict. C'est compliqué à bâtir. Mais là où il y a une volonté, il y a un chemin. Il ne faut cependant pas s'attendre à un grand bond en avant : le poids du logement au sens large ne dépassant pas 20%, l'inflation dévirait de sa trajectoir­e de moins de 0,5 point en moyenne par an.

Et c'est tant mieux car le risque, sinon, c'est de se retrouver en porte-à-faux avec la réalité. Imaginons : un pays en pleine euphorie économique, avec une flambée de l'immobilier, puis une cassure avec à la clé une récession et un krach immobilier... Une trop grande prise en compte du logement n'est pas un problème en phase ascendante du cycle, l'accélérati­on de l'inflation vient juste mordre sur le pouvoir d'achat. Mais en cas de retourneme­nt conjonctur­el brutal, la chute des prix de l'immobilier pourrait entraîner un repli de l'inflation encore plus rapide que celui des revenus avec ce résultat paradoxal : une hausse du pouvoir d'achat, alors même que la consommati­on est pénalisée par des effets de richesse négatifs.

Il faut mettre plus d'immobilier dans l'IPC, c'est un sujet dont la BCE va s'emparer. Mais attention danger.

VIDEO https://www.youtube.com/embed/v5roSxb753­w >> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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