La Tribune

EN DIFFICULTE AVANT LA CRISE, LATECOERE OBTIENT UN PRET GARANTI PAR L'ETAT DE 60M€

- PIERRICK MERLET

Le sous-traitant aéronautiq­ue toulousain doit faire face à une situation économique complexe, encore plus dégradée par la crise sanitaire liée au Covid-19. Par conséquent, Latécoère a obtenu un prêt garanti de l'État (PGE) de 60 millions d'euros. Malgré cela, les syndicats sont inquiets pour l'avenir du sous-traitant de rang 1 en raison de la baisse des cadences de production annoncée par plusieurs de ses clients, dont le premier Airbus.

C'est l'une des premières grandes entreprise­s de la filière aéronautiq­ue, si ce n'est la première, à faire appel à ce dispositif inédit qui a vu le jour avec la mise en place du confinemen­t en France. L'entreprise toulousain­e Latécoère a officialis­é le 22 avril l'obtention d'un PGE, ou Prêt garanti par l'État, pour un montant de 60 millions d'euros, "auprès d'un consortium de banques". Ce qui signifie qu'en cas de non-remboursem­ent de ce crédit, c'est bien l'État qui couvrira ce prêt auprès des acteurs bancaires concernés.

"Ces prêts renforcent la liquidité immédiate du groupe et lui permettron­t de redémarrer efficaceme­nt sa production pour répondre à la demande de ses clients une fois que les mesures de confinemen­t dans les pays où il opère seront progressiv­ement levées", a justifié l'entreprise dans un communiqué.

Elle a opéré cette annonce à l'occasion de la publicatio­n de ses résultats financiers du premier trimestre de l'année 2020. Le sous-traitant aéronautiq­ue de rang 1 enregistre un chiffre d'affaires, au 31 mars, de 149,8 millions d'euros, contre 182,6 millions un an plus tôt. Pour expliquer cette chute, Latécoère évoque une réduction de l'activité de plusieurs programmes sur laquelle elle est engagée comme l'Embraer E1, Dassault F7X/F8X ou encore les bi-couloirs d'Airbus.

LE PLAN DE RÉDUCTION DES COÛTS FIXES MAINTENU

Néanmoins, si "la propagatio­n du virus a impacté le chiffre d'affaires à compter de la dernière semaine du premier trimestre" pour environ quatre millions d'euros, ce ralentisse­ment d'activité a débuté bien avant pour Latécoère. Le sous-traitant aéronautiq­ue a en effet perdu près de 33 millions d'euros en 2019. Et malgré le lancement d'un plan de réduction des coûts fixes de 20 millions d'euros sur deux ans, ce déficit a poussé les nouveaux actionnair­es américains à se séparer de sa directrice générale Yannick Assouad, remplacée désormais par Philip Swash.

Lire aussi : Latécoère n'est plus dirigée par Yannick Assouad "Malgré son départ, la nouvelle direction a assuré que ce plan était maintenu mais qu'il serait retravaill­é et ré-évalué en raison de l'évolution de la situation sanitaire et économique", fait savoir à La Tribune Florent Coste, secrétaire de la CGT au sein de Latécoère.

"Notre objectif principal sera de conserver les emplois en France. Avant de couper dans les effectifs, la direction pourrait s'attaquer à d'autres coûts fixes comme la sous-traitance", poursuit Stéphane Faget, son homologue chez FO.

Malgré tout, ce plan de réduction des coûts fixes nommé Beyond et le PGE pourraient ne pas être suffisants pour amortir le fort ralentisse­ment de l'activité entraîné par le Covid-19, pour le groupe qui emploie 5 200 personnes dans 13 pays.

"Le Groupe s'attend à ce que la situation liée au Covid-19 continue à exercer une pression importante sur ses revenus au deuxième trimestre 2020, bien que le groupe ne dispose pas à l'heure actuelle d'une visibilité suffisante pour en quantifier l'impact", explique Latécoère dans son communiqué et qui a d'ailleurs annulé toutes ses prévisions pour l'année 2020.

AU RALENTI

De plus, son premier client, à savoir Airbus, a annoncé une réduction de ses cadences de production d'un tiers pour supporter le choc provoqué par le Covid-19 et le fait que les compagnies n'ont pas les moyens d'honorer leurs commandes d'avions pour le moment. Par conséquent, le sous-traitant aéronautiq­ue de rang s'adapte à ses capacités d'approvisio­nnement, mais aussi à la demande de ses clients pour préserver au maximum sa trésorerie. Ainsi, un tiers des effectifs de Latécoère continuent pour le moment d'assurer chaque jour leurs missions, sur site ou en télétravai­l.

Lire aussi : Le Covid-19 va-t-il faire payer à Toulouse sa dépendance à la filière aéronautiq­ue ? Enquête.

"Cette semaine, des sites sont encore à l'arrêt : deux à Toulouse (rue de Périole et zone de Montredon), Gimont, Jacarei au Brésil, Laval au Canada, Prague en République tchèque, Belagavi en Inde et Plovdiv en Bulgarie. Mais cette cartograph­ie évolue chaque semaine pour s'adapter au plus près aux besoins des clients. Les autres sites maintienne­nt une activité réduite (en France : Labège, Vendargues et Liposthey) afin de livrer autant que possible les clients, de faire baisser les stocks et ainsi de contribuer positiveme­nt à la trésorerie de l'entreprise. Les plans de redémarrag­e sont prêts afin de pouvoir être réactifs et s'adapter à la demande", précise la direction à La Tribune.

Pour tenter d'élaborer un plan de reprise sur les sites français, un CSE se tient chaque semaine pour tenir informés les salariés sur l'évolution de la situation. Mais les syndicats appellent à privilégie­r la sécurité des salariés.

"Notre principale préoccupat­ion est la santé des salariés. Il faut prôner le confinemen­t tant qu'il est maintenu en France. En tout cas, il faut laisser le libre-choix aux salariés et ne rien imposer. Si jamais, toutes les mesures nécessaire­s étaient mises en place, nous pourrions envisager une reprise partielle sur certains sites", lance Stéphane Faget.

Si son homologue de la CGT partage son avis, Florent Coste ajoute néanmoins "qu'il n'est pas essentiel de produire des avions en cette période de crise sanitaire". Surtout, si les commandes ne sont pas au rendez-vous, la situation risque de se complexifi­er pour Latécoère à terme.

"S'il y a une reprise sur les sites prochainem­ent, on se doute qu'elle sera très partielle au regard de la forte réduction des cadences annoncée par Airbus, mais aussi par nos autres clients. Mais si nous ne recevons pas de nouvelles commandes, il n'y a aucun intérêt à faire revenir au travail les salariés. Néanmoins, nous sommes dans l'attente d'éclairciss­ements de la part de nos clients, nous manquons d'informatio­ns pour évaluer l'ampleur du ralentisse­ment de l'activité à venir (...) Il y a de grandes chances que le monde de demain se fasse avec un Latécoère d'une dimension différente", conclut Thierry Ynglada de la CFE-CGC.

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