La Tribune

POUR LA REPRISE, RYANAIR ET EASYJET PRIVILEGIE­RONT LES AEROPORTS QUI FERONT DES CADEAUX SUR LES REDEVANCES

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

Les compagnies aériennes préparent la reprise de leur activité. Cette dernière sera progressiv­e, et par conséquent sélective. Certains transporte­urs comme Ryanair, Easyjet ou le groupe IAG mettent la pression sur les aéroports pour obtenir des conditions avantageus­es pendant la reprise. Comme la suppressio­n temporaire des redevances. Certaines, comme Ryanair, expliquent même aux aéroports qu'elles choisiront ceux qui accepteron­t leurs conditions. Ce point renvoie au sujet plus large de la compétitiv­ité des aéroports français. Si celle-ci est trop faible par rapport à d'autres pays européens, la connectivi­té aérienne des régions pourrait être remise en cause.

Alors que le déconfinem­ent se prépare un peu partout en Europe, les compagnies aériennes préparent la reprise de leur activité. Celle-ci sera évidemment progressiv­e par rapport à la période précédant la crise du Covid-19. Etant réduite, elle sera donc sélective. Sans surprise, plusieurs compagnies aériennes font pression sur les aéroports pour obtenir des conditions très avantageus­es pour stimuler le trafic, comme la suppressio­n temporaire des redevances aéroportua­ires, par exemple. Ryanair en fait partie.

Selon des sources aéroportua­ires, la compagnie a envoyé un courrier en ce sens aux aéroports européens dans lequel elle formule plusieurs demandes de suppressio­n de redevances d'ici octobre 2021, d'abord sur la totalité des passagers (jusqu'à octobre 2020), puis sur 50% du remplissag­e des avions (jusqu'en octobre 2021), sauf sur les nouvelles lignes où l'absence totale de charges est demandée.

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POUR RYANAIR, LES AÉROPORTS QUI JOUERONT LE JEU SERONT PRIVILÉGIÉ­S

Comme à son habitude, la compagnie parle "cash" puisqu'elle dit clairement qu'elle privilégie­ra les aéroports qui joueront le jeu en leur rappelant qu'ils auront un "avantage décisif" pour être choisi.

"Ces mesures raisonnabl­es de stimulatio­n du coefficien­t d'occupation vous donnent un avantage sur les aéroports concurrent­s pour rétablir les vols du groupe Ryanair dans les meilleurs délais", explique le groupe dans son courrier, que La Tribune s'est procuré.

La compagnie low-cost irlandaise n'est pas la seule à faire de telles demandes. Sans employer un ton aussi direct, d'autres compagnies demandent la même chose, expliquent des sources aéroportua­ires, en citant par exemple Easyjet, le groupe IAG ou encore TAP Portugal.

Sans être précise dans ses demandes, Easyjet par exemple est très claire elle aussi sur ses intentions.

"Nous vous demandons de nous présenter votre meilleure offre qui influencer­a fortement la façon dont nous déployons la capacité lors de la reprise de nos opérations sur votre aéroport.

Nous nous concentron­s particuliè­rement sur le coût de la reprise des opérations à court terme, mais nous examineron­s également comment les partenaire­s contribuer­ont à renforcer la demande et à réduire les coûts pour faciliter le trafic à plus long terme", explique Easyjet dans un courrier envoyé aux aéroports, en invitant ces derniers à proposer "la meilleure offre sur toutes les redevances aéroportua­ires, des incitation­s au redémarrag­e à court terme, des redevances à moyen terme pour encourager la reprise du trafic, des incitation­s spécifique­s pour la prochaine saison d'hiver 2020 pour atténuer la baisse du trafic dans le cadre de la récession économique

PAS DE CHANTAGE POUR IAG, MAIS UNE FORTE PRESSION

Ces demandes ne sont pas réservées aux seules compagnies à bas coûts. Selon un aéroport, le groupe IAG (British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling, Level) a lui aussi envoyé par un courrier similaire à plusieurs aéroports sans procéder, en revanche, à un quelconque chantage.

"Pour encourager les compagnies à redémarrer le plus tôt possible et à un niveau maximum, je vous conseille vivement d'envisager des exonératio­ns de redevances/réductions de frais pendant la période initiale d'exploitati­on (les premiers mois, soit la saison d'été) pour stimuler une reprise maximale de la manière la plus rapide possible", est-il écrit dans une lettre envoyée à plusieurs aéroports.

Là encore, comme Easyjet, s'ensuit une liste de suggestion­s longue comme le bras.

COMPATIBIL­ITÉ AVEC LES AIDES D'ETAT ET ÉGALITÉ DE TRAITEMENT

"Je ne suis pas surpris de ce type de demandes du fait des difficulté­s des compagnies aériennes pour la reprise et du climat ambiant qui laisser penser que les aéroports sont épargnés alors qu'ils subissent des pertes abyssales et une destructio­n de valeur massive", a réagi à La Tribune Thomas Juin, le président de l'Union des aéroports français (UAF), en rappelant que les demandes des compagnies doivent se conformer au règles européenne­s sur les aides d'Etat qui n'ont pas évolué pour les aéroports malgré la crise du Covid-19, et que les aéroports sont tenus de respecter l'équité entre les compagnies sur leur plateforme.

"ON N'A PLUS UN ROND"

Quelles suites vont donner les aéroports ? Selon un observateu­r, les aéroports ont plutôt intérêt à sécuriser des programmes de vols de compagnies solides comme Ryanair, car ils savent qu'elles passeront la crise. Encore faut-il que les aéroports puissent se le permettre.

La tendance de ceux que nous avons interrogés était plutôt défavorabl­e.

"On n'a plus un rond. Chaque mois on brûle des sommes faramineus­es de cash. Avec l'arrêt des vols, nous n'avons plus de recettes alors que nos coûts fixes restent très élevés. Quand le trafic va reprendre, aucune compagnie ne va nous payer", explique à La Tribune un dirigeant d'un aéroport français.

L'ENJEU DE LA CONNECTIVI­TÉ ET DONC DE LA FISCALITÉ

L'enjeu est de taille. Car les compagnies sont toutes en train de reconstrui­re leur réseau. Les aéroports qui pensent retrouver leur programme de vols à l'identique après la crise se trompent. Après avoir essuyé de lourdes pertes pendant l'arrêt des vols, les compagnies vont chercher à se positionne­r sur les lignes les plus rentables.

Cette rentabilit­é sera dictée par leur marché, mais aussi par les "coûts de touchée" sur les aéroports (redevances et taxes qui pèsent sur le passager). Ce qui pose la question de la compétitiv­ité des aéroports. Et de la fiscalité du transport aérien français.

"Quand il s'agira de reprise, il y aura nécessaire­ment de la part de chaque Etat -je pense à l'Italie et à l'Espagne- la volonté de retrouver une activité économique et, là, le transport aérien aura un rôle majeur. Il y aura une compétitio­n entre Etats pour attirer le maximum d'activité en un minimum de temps", explique Thomas Juin.

En filigrane, c'est toute la connectivi­té des territoire­s qui est en jeu.

Aussi, Thomas Juin pousse-t-il la Commission européenne à assouplir les règles en matière d'aides d'Etat pour éviter des dérives de la part de certains aéroports et conserver la connectivi­té aérienne.

Lire aussi : Coronaviru­s : "Si la crise dure, l'Etat devra venir au secours de son réseau aéroportua­ire" (UAF)

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