La Tribune

NON-DITS ET INCOHERENC­ES DE LA POLITIQUE EUROPEENNE DE DECARBONIS­ATION

- OLIVIER PASSET, XERFI

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, non-dits et incohérenc­es de la politique européenne de décarbonis­ation

Ni suffisamme­nt vite, ni suffisamme­nt fort... Concernant la transition écologique en Europe, partir de cet a priori peut sembler à faible risque d'erreur. Regardons néanmoins les données. Elles sont abondantes en la matière, même si leur usage est complexe, tant il existe une multitude de concepts et de périmètres pour aborder le bilan énergétiqu­e. Partons des objectifs climats de l'Europe. Le paquet climat-énergie 2020 signé en 2008, a fixé le fameux objectif 20-20-20 au niveau européen d'ici 2020 (20% d'énergies renouvelab­les dans le mix énergétiqu­e, la réduction de 20% de la consommati­on énergétiqu­e par rapport à l'augmentati­on tendanciel­le, et la réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990. Modificati­on du mixénergét­ique et maîtrise de la consommati­on par une meilleure efficacité sont au coeur de la stratégie européenne.

LES OBJECTIFS 2030 OBLIGENT À UN CHANGEMENT DE RYTHME

Sur le papier, on peut se dire que l'Europe est quasiment dans les clous, même si les données s'arrêtent à 2018. L'objectif de réduction des GES est déjà atteint puisque qu'entre 1990 et 2017, ceux-ci ont baissé de 21,7%. Derrière cette évolution, il y a :

1. une améliorati­on de l'efficacité énergétiqu­e. Par rapport à sa cible 2020 de décrochage de 20% par rapport au scénario tendanciel, l'UE est en 2018 à 4,6% de son objectif pour la consommati­on primaire d'énergie, et à 3,5% pour la consommati­on finale. L'objectif ne sera pas totalement atteint en 2020, mais d'assez peu.

2. une véritable évolution du mix énergétiqu­e en direction du renouvelab­le. En ligne avec les objectifs, la part de l'énergie provenant de sources renouvelab­les dans la consommati­on finale d'énergie brute a atteint 18% dans l'Union européenne en 2018, l'objectif de 20% étant à portée en 2020.

Sur cette base on pourrait penser que les objectifs de 2030 sont crédibilis­és. Pour rappel, il s'agit pour l'Europe :

1. de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % (par rapport aux niveaux de 1990) ;

2. de porter la part des énergies renouvelab­les à au moins 32% ;

3. d'améliorer l'efficacité énergétiqu­e d'au moins 32,5%.

Sauf qu'au regard des progrès accomplis depuis 10 ans, partant de bas, il s'agit d'une très sérieuse accélérati­on. Sachant que la dernière période a été aidée par la cassure de la croissance potentiell­e en 2008. Ce changement de rythme, ce n'est pas faire la même chose que les années précédente­s, mais un peu plus fortement.

L'UTOPIE DU 100% RENOUVELAB­LE

Jusqu'ici, la plus grande sobriété a été atteinte de façon incrémenta­le, sans bouleverse­ment des usages. Que ce soit du côté de l'industrie, du transport, du commerce ou des ménages, on assiste à un déplacemen­t progressif et continu vers l'électrique depuis 30 ans : 25% en 1990 à 34,2% en 2018 dans l'industrie, 34,5% à 47% dans le commerce, 19,1 à 24,6% pour les ménages. Et c'est essentiell­ement le déplacemen­t graduel des sources de production de l'électricit­é qui a modifié le mix-énergétiqu­e européen. La part de l'électricit­é d'origine fossile est passée de 56 à 40%. Celle d'origine nucléaire s'est érodée, passant de 31 à 25%. Tandis que la part du renouvelab­le est passée de 13 à 33%. Du fait essentiell­ement de l'extension du parc éolien et beaucoup plus marginalem­ent du photovolta­ïque. Et fait notable, en 2016, 90% des nouvelles capacités de production d'électricit­é installées provenaien­t de sources d'énergie renouvelab­le, notamment de l'éolien.

Accélérer la marche, cela veut dire aujourd'hui modifier la structure de consommati­on du secteur des transports, fossilisé sans le fossile. Derrière cela, il y a un enjeu productif de reconfigur­ation des chaînes de valeur automobile, que les constructe­urs ne cessent de différer, compte tenu du risque industriel considérab­le et du coût induit par le déclasseme­nt des investisse­ments. Il y a un enjeu d'infrastruc­tures aussi. Mais il y a surtout une hausse induite considérab­le de la consommati­on finale d'électricit­é. Ce défi a pu être relevé jusqu'ici par la montée en puissance du renouvelab­le. Mais la croissance de la production électrique que supposent les nouvelles étapes de la transition écologique ne peuvent en l'état de la technologi­e être satisfaite­s à 100% par du renouvelab­le.

Côté chinois, cette impasse a été arbitrée, en optant pour une montée en puissance du nucléaire. Côté européen, les objectifs sont clairs. Mais le non-dit sur le nucléaire et l'absence de politique industriel­le claire sur l'automobile font peser une très lourde hypothèque sur la réalisatio­n des prochaines étapes de la transition climatique.

VIDEO https://www.youtube.com/embed/uTqiLbXBH6­c >> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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