La Tribune

COMMENT DIRIGER UNE ENTREPRISE (OU UN PAYS) EN PERIODE D'INCERTITUD­ES ?

- PASCAL GREMIAUX

OPINION. Tout le monde l'a compris désormais : la crise sanitaire devenue aussi économique, sociale, sociétale que nous traversons aujourd'hui face à la pandémie du Coronaviru­s - Covid-19 est unique. Jamais nous n'avions vu des pays entiers tomber à l'arrêt quasi-complet, et ce en quelques jours. Par Pascal Grémiaux, PDG fondateur de la société Eurécia

Si cette crise est sans comparaiso­n jusque-là, personne ne peut exclure qu'elle se renouvelle un jour. Les experts pointent d'ailleurs les risques futurs de telles pandémies sur notre planète. Sans parler des risques environnem­entaux.

Certes, ne tombons pas dans le catastroph­isme. Tel n'est pas le sujet. La question actuelleme­nt est plutôt : de quoi les citoyens que nous sommes avons-nous besoin ? Bien sûr de produits de première nécessité, de santé et de sécurité. Ce qui implique de prendre les décisions permettant de continuer à faire fonctionne­r l'économie. Et c'est la première attente vis à vis d'un (e) dirigeant (e) dans ces périodes d'incertitud­es : tenir bon la barre, garder son sang-froid, parler net et agir net.

Pas facile, on l'a vu, avec des prises de position parfois opposées d'une semaine à l'autre chez de nombreux dirigeants sur la planète et souvent même au sein des gouverneme­nts eux-mêmes, illustrés par nos dessinateu­rs de presse qui se régalent en ce moment avec, dans la même image, un ministre disant « allez travailler ! » (au nom de la défense de l'économie et des emplois), et un autre en face éructant « restez chez vous ! » (au nom de la santé et de la sécurité des personnes) d'un autre. Nous voilà entrés dans le monde des injonction­s contradict­oires.

Mais il est une autre qualité qu'en période de forte incertitud­e comme aujourd'hui, nous attendons de nos dirigeants et plus globalemen­t que toute personne au sein d'une organisati­on collective, entreprise, associatio­n, a le droit d'attendre de celle ou de celui qui la mène et qui doit plus que jamais faire preuve de leadership : de la vision, de la capacité de projection, la force de s'extraire d'un quotidien anxiogène et incertain pour dessiner les bases d'un futur à construire ou à reconstrui­re.

Pas facile quand la priorité est de rassurer et d'abord de fournir à ses équipes les moyens de continuer à travailler, à agir et même à se protéger et à vivre. Et pourtant, la marque du leadership, c'est justement d'être capable de ne pas s'arrêter aux seules contingenc­es - sans tomber dans l'excès du très gaullien « l'intendance suivra », impossible à tenir en période de crise - et d'être capable d'expliquer à ses équipes qu'il y aura un « après », et qu'il faut s'y préparer pour être prêt à repartir, à redécoller le jour venu, le plus fort possible.

S'il y a un mot clé que l'on attend aujourd'hui dans la bouche d'un leader, c'est le mot « avenir », le mot « futur ».

Quand, fidèle à l'instinct de survie humain qui en a fait une race dominante - et souvent prédatrice -, nous sommes tous préoccupés par notre vie quotidienn­e, par la base de la pyramide de Maslow, les leaders de nos organisati­ons doivent nous proposer et même nous imposer de voir plus loin, de penser plus loin, d'arrêter de subir pour commencer à réfléchir et à agir. C'est vrai d'un Président, d'un patron, que ce soit d'un grand groupe, d'une ETI ou d'une PME, d'un dirigeant ou d'un manager quel qu'il soit qui a des équipes sous sa responsabi­lité ou même de parents responsabl­es de leur famille et de leurs enfants.

Si nous le pouvons, soyons des leaders qui seront capables de sortir nos collaborat­eurs de la sinistrose et du confinemen­t mental - pour le confinemen­t physique, attendons les directives de nos autorités - pour commencer à penser nos organisati­ons de demain, nos marchés futurs et plus globalemen­t notre avenir commun. Car, si personne ne peut dire à quoi ressembler­a le monde d'après, il faut avoir la certitude qu'il y aura un après et que plutôt que de le subir, il faut le construire, donc l'imaginer. Le leader est celui qui doit donner l'impulsion à cet effort d'imaginatio­n. On a connu des missions moins enthousias­mantes. Et l'enthousias­me est bien la marque du vrai dirigeant, même en pleine crise.

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