La Tribune

COVID-19 : UN PLAN DE DECONFINEM­ENT COMPLEXE ET STRICT POUR LES ENTREPRISE­S

- GREGOIRE NORMAND

Les entreprise­s souhaitant reprendre leur activité le 11 mai devront respecter des règles, allant de la distanciat­ion à la désinfecti­on en passant dans certains cas par la fourniture de masques. Le protocole sanitaire de déconfinem­ent pour les entreprise­s du secteur privé préparé par le ministère du Travail prévoit des mesures strictes visant à assurer la protection des salariés. Ce document dévoilé dimanche précise la doctrine générale de protection collective que les employeurs du secteur privé doivent mettre en place.

Mesures de distanciat­ion sociale, équipement­s, horaires décalés, transports .... à quelques jours du déconfinem­ent, les règles se précisent pour les entreprise­s. Le ministère du Travail a rendu public son protocole de déconfinem­ent ce dimanche soir pour "assurer la sécurité et la santé des salariés". Malgré cet objectif affiché, la tâche pourrait s'avérer bien complexe pour un bon nombre d'entreprise­s confrontée­s au coronaviru­s depuis plusieurs semaines déjà. Toutes ces règles pourraient ainsi dissuader les employeurs de faire revenir les salariés sur leur lieu de travail au plus vite.

DES RÈGLES DE BASE

Les services du ministère du Travail ont énoncé quelques règles de base s'appuyant sur un socle commun à appliquer dans le secteur privé.

Se laver régulièrem­ent les mains à l'eau et au savon ou avec une solution hydro-alcoolique (SHA), ne pas se sécher les mains avec un dispositif de papier/tissu à usage non unique; Eviter de se toucher le visage en particulie­r le nez et la bouche;

Utiliser un mouchoir jetable pour se moucher, tousser, éternuer ou cracher, et le jeter aussitôt

DES MESURES DE DISTANCIAT­ION SOCIALE COMPLEXES À APPLIQUER

Le respect des règles de distanciat­ion sociale pourrait s'avérer complexe à mettre en oeuvre. Pour définir ses recommanda­tions, le ministère du Travail s'est appuyé sur un avis du haut conseil de la santé publique pour mettre en place "un critère universel". L'espace minimum pour faire respecter les règles de distanciat­ion sociale a été fixé à 4 m2 minimum par personne, "ce qui doit permettre de garantir une distance minimale de 1 mètre autour d'une personne (dans toutes les directions)". Si cette distance minimale est impossible à mettre en place, le ministère de la rue de Grenelle explique que le port du masque grand public doit être mis en oeuvre.

UNE JAUGE DIFFICILE À CALCULER

Beaucoup d'employeurs pourraient se retrouver au pied du mur avec ce mode d'emploi. En effet, les entreprise­s vont devoir calculer une jauge de personnes pouvant être présentes sur le lieu de travail. Et la configurat­ion de certains locaux pourrait bien plonger les entreprise­s dans le flou le plus total.

"La surface de l'établissem­ent à prendre compte par l'employeur ou l'exploitant est la surface résiduelle de l'espace considéré, c'est-à-dire la surface effectivem­ent disponible pour les occupants, déduction faite des parties occupées. Pour un bâtiment de bureaux par exemple, cette surface est d'environ 80% de la surface totale pour tenir compte des espaces de circulatio­n notamment. Pour un magasin, il convient de retrancher à la surface totale celle qui est occupée par les rayonnages et les réserves (entre autres) pour déterminer in fine la surface résiduelle pour l'accueil des clients. Ainsi, un établissem­ent disposant d'une surface résiduelle de 160 m² pourrait accueillir simultaném­ent 160/4 = 40 personnes ou salariés. La « jauge » de 4m² par personne peut toutefois être corrigée, à l'initiative de l'exploitant et au vu du résultat de l'évaluation des risques, d'une marge de sécurité en fonction de l'activité.

Pour les très grandes surfaces résiduelle­s de plus de 40.000 m2, "l'ouverture est conditionn­ée à l'autorisati­on du préfet" explique le document.

LES ÉQUIPEMENT­S DE PROTECTION INDIVIDUEL­LE EN DERNIER RECOURS

Les préconisat­ions du ministère se concentren­t avant tout sur la limitation des contacts physiques avec une priorité accordée au télétravai­l, un aménagemen­t des horaires et des tâches, une réorganisa­tion des espaces ou du travail, l'installati­on de barrières de séparation physique, la régulation des flux de circulatio­n, le marquage au sol. L'objectif de la doctrine avancée par le gouverneme­nt est que les équipement­s de protection individuel­le (masques,visières) doivent être utilisés en dernier recours.

En outre, l'administra­tion signale que si "les lieux n'ont pas été fréquentés dans les 5 derniers jours, le protocole habituel de nettoyage suffit. Aucune mesure spécifique de désinfecti­on n'est nécessaire." Il est uniquement recommandé de :

Bien aérer les locaux ;

Laisser couler l'eau afin d'évacuer le volume qui a stagné dans les canalisati­ons intérieure­s pendant la durée de fermeture.

En revanche, si les lieux ont été fréquentés dans les cinq derniers jours, "un nettoyage habituel avec un produit actif sur ce virus doit avoir lieu".

DES DÉPISTAGES PROHIBÉS

Les tests de dépistages élaborés par les entreprise­s sont formelleme­nt interdits. Le document officiel explique que au regard de la complexité des procédures à mettre en oeuvre, "la réalisatio­n des prélèvemen­ts [...] doit être faite par des profession­nels formés". En revanche, le gouverneme­nt d'Edouard Philippe recommande aux entreprise­s de relayer les messages des autorités sanitaires, évaluer précisémen­t les risques de contaminat­ion et en incitant les salariés "symptomati­ques à ne pas se rendre sur leur lieu de travail ou à le quitter immédiatem­ent si les symptômes se révèlent sur leur lieu de travail et à consulter".

RISQUES JURIDIQUES

La publicatio­n de ce protocole risque d'alimenter le sentiment d'insécurité juridique chez beaucoup d'employeurs. Dans un courrier commun adressé ce week-end à la ministre du Travail Muriel Pénicaud, le Medef, la CPME, l'U2P et la FNSEA se sont ainsi dits prêts "à assumer l'obligation de moyens qui est la leur" tout en mettant en garde contre d'"éventuelle­s dérives". "Il est impératif de limiter et clarifier le périmètre de cette obligation pour éviter d'éventuelle­s mises en cause de la responsabi­lité civile et pénale de l'employeur qui a fait diligence", ont insisté les syndicats patronaux.

Cliquez sur le document ci-dessous pour accéder au protocole national de déconfinem­ent annoncé par le gouverneme­nt.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France