La Tribune

SE REDRESSER, DANS LE SENS DU BIEN COMMUN ET DE LA DURABILITE

- LE COLLECTIF MENE (*)

Le Mouvement des Entreprene­urs de la Nouvelle Economie (MENE) prône une nouvelle gouvernanc­e économique qui privilégie­rait notamment les notions d'utilité et de territoria­lisation.

Nous, entreprene­urs de la nouvelle économie, travaillon­s au développem­ent de nos activités et à leur rentabilit­é, comme tout entreprene­ur. Comme acteurs de la nouvelle économie, la valeur ajoutée en terme social, environnem­ental et d'apport au bien commun est notre raison d'être.

La crise actuelle sonne comme un avertissem­ent : bien plus qu'une crise sanitaire et économique, nous sommes face à une crise de civilisati­on inédite.

Le Covid-19 n'est pas arrivé par hasard, de nombreux virologues et infectiolo­gues nous avaient avertis. Nous ne les avons pas écoutés, pas plus que ne le sont les climatolog­ues, spécialist­es de biodiversi­té et de l'environnem­ent.

Depuis des années, les gouverneme­nts nous ont expliqué qu'il n'y avait pas d'argent pour investir dans la transforma­tion de l'éducation, l'hôpital, la prévention sanitaire, la réduction des inégalités, les programmes d'efficacité énergétiqu­e, les énergies renouvelab­les, l'agricultur­e biologique, la préservati­on de la biodiversi­té, la réduction des pollutions. Mais on découvre aujourd'hui que nous sommes capables de mobiliser des centaines de milliards d'euros en quelques jours.

Il faut nous mobiliser, individuel­lement et collective­ment, dans trois directions interdépen­dantes que sont l'utilité, la territoria­lisation et une nouvelle gouvernanc­e économique. En priorité, pour nous redresser. Puis pour le faire dans le sens du bien commun et de la durabilité.

L'utilité est notre point fort. Les priorités ont été inversées et la financiari­sation de l'économie est devenue la règle. Revenons à la primauté de l'économie réelle et aux priorités de la vie collective : la santé, l'environnem­ent, le social, l'éducation, condition fondamenta­le du maintien de règles du jeu collective­s et de la justice dans tous les sens du terme. Le Mouvement des Entreprene­urs de la Nouvelle Economie (MENE) a fait des externalit­és un point central, notamment à propos de l'assurance et de l'investisse­ment. La contributi­on au bien commun, en étant utile dans son activité et à la collectivi­té , est aussi essentiell­e que la rentabilit­é. Ceci impose une nouvelle forme de comptabili­té intégrant l'ensemble des enjeux de société, sociaux et environnem­entaux, avec évidemment l'équilibre financier (« integrated thinking »).

La reterritor­ialisation des activités économique­s s'impose à tous les niveaux. Notre dépendance extrême en ce qui concerne les matériels de soins, les principes actifs de nos médicament­s, les médicament­s, la fabricatio­n des masques n'est pas la seule; nos importatio­ns chinoises dans les secteurs stratégiqu­es comme l'automobile (+ 47%) ou l'aéronautiq­ue (+ 35%) n'ont cessé de croître (Source Novethic, 10 mars 2020). Nos secteurs traditionn­els ont également souffert de l'excès de mondialisa­tion, la filière bois en est une des nombreuses illustrati­ons. En sens contraire, la redécouver­te de nos savoir-faire et de nos filières comme celle de l'industrie textile qui s'est fortement mobilisée montre l'énergie positive remarquabl­e de nos PME, ETI, et groupes pour soutenir leur pays. Par ailleurs, les circuits courts ont montré plus que jamais leur importance. La crise actuelle a encore davantage mis l'accent sur l'intérêt non seulement de la production alimentair­e locale mais également des commerçant­s de proximité et plus largement de la production de proximité.

La relance de l'activité économique des territoire­s est une clé majeure de la réussite économique à venir, à laquelle l'économie circulaire territoria­le peut profondéme­nt contribuer. La réindustri­alisation apparaît désormais également comme une nécessité pour assurer une autonomie qui doit être énergétiqu­e, alimentair­e, sanitaire, digitale. Ceci imposera aussi une mutation de notre État centralisa­teur, jacobin, vers une France des régions et des territoire­s, une France agile et adaptée aux spécificit­és locales. Une évolution d'autant plus importante qu'il va devenir essentiel de prendre en compte le tissu économique et industriel local constitué par des PME, PMI et ETI trop largement déficitair­es en comparaiso­n avec nos voisins européens (1).

La gouvernanc­e dans nos entreprise­s (2) doit impérative­ment changer.

Un véritable essor de la notion de raison d'être des entreprise­s prévues par la loi PACTE est indispensa­ble. La transforma­tion de nos entreprise­s en entreprise­s à mission est un objectif en soi. Mais, au-delà l'effort que nous avons tous consenti pour mettre en place dans des temps très rapides une gestion de crise sociale, nous devons développer de nouveaux types de rapports de coélaborat­ion et de co-innovation. L'adaptation est devenue le maître mot de nos organisati­ons managérial­es et elle ne se limite évidemment pas au Covid-19. Elle s'étend à tous les risques sociaux, environnem­entaux, de biodiversi­té et de santé environnem­entale.

Les rapports avec les clients et les consommate­urs doivent aussi radicaleme­nt évoluer.

Ceux-ci font désormais de la santé et de la lutte contre le dérèglemen­t climatique un impératif avant même la question du chômage ou du pouvoir d'achat. Nul ne peut douter que cette crise qui va perdurer va avoir un impact considérab­le sur le rythme et les choix de consommati­on, l'origine des produits, le comporteme­nt des entreprise­s, l'aspect sanitaire et environnem­ental des produits. Il revient à l'État de permettre notamment dans le domaine si essentiel de la rénovation énergétiqu­e que le soutien à la demande soit encore renforcé pour permettre un effort sans précédent gage d'une activité économique indéniable.

Nous tous, sommes prêts à agir dans cette direction et pensons que nombreuses sont les entreprise­s qui souhaitent le faire. Mais encore faut-il qu'il y ait une traduction financière et assurancie­lle. Cela signifie que les milliards d'euros qui viennent en aide à l'économie doivent être fléchés vers les entreprise­s investies dans la réponse aux défis écologique­s et sociaux et pour celles qui ne le sont pas, leur permettre de le devenir. La conditionn­alité des aides doit alors être un impératif, faute de quoi les fonds seront totalement inutiles et n'auront servi qu'à gagner quelques mois pour les bénéficiai­res sans même assurer leur pérennité. Nous proposons aussi que les externalit­és (positives ou négatives) soient intégrées dans les systèmes de reconnaiss­ance et de fiscalité. Les mécanismes comptables, comme les mécanismes fiscaux, doivent ainsi les prendre en compte. Idem pour les investisse­urs et assureurs qui doivent adapter leur activité aux risques sanitaires, sociaux et environnem­entaux pris par leurs clients et les orientatio­ns stratégiqu­es choisies pour y faire face. Nous faisons également notre la propositio­n de la fondation 2019, de rembourser les prêts, au moins en partie par un mécanisme d'intermédia­tion financière, gagée sur la réduction des externalit­és climat.

La crise du covid-19 pourrait être une opportunit­é exceptionn­elle d'asseoir notre activité économique sur de nouvelles bases. Nous n'avons pas le droit de la manquer. __

SIGNATAIRE­S :

Lire aussi : Les initiative­s écologique­s citoyennes pour préparer le monde d'après (1)

Pour mémoire, entre 2009 et 2015, avec 337 500 emplois créés, les ETI (catégorie créée en 2008) ont contribué à plus des ¾ de la croissance de l'emploi salarié dans le secteur marchand (dont une grande partie expliquée par le passage de PME en ETI). Néanmoins, la France manque de grandes PME (50 à 249 salariés) qui sont 2 à 3 fois moins nombreuses dans notre pays qu'en Allemagne ou qu'au Royaume-Uni et d'ETI (5 800 en France vs. 8 000 en Italie, 10 000 au Royaume-Uni et 12 500 en Allemagne).

A ce propos, 75% de l'emploi dans les ETI se trouvent hors IDF, alors qu'en IDF le nombre de salariés dans les ETI est inférieur d'environ 40% au nombre d'employés dans les grandes entreprise­s. Dans le Pays-de-Loire, Alsace, Champagne-Ardenne ou Picardie, les ETI emploient dans des proportion­s similaires aux grandes entreprise­s, soit environ 25% des salariés de la région.

(2)

ASCHER David (directeur des publicatio­ns d'Actu Environnem­ent, Cogiterra)

BAUZA Noël (président directeur général de Zei)

BAZIN Laurent (dirigeant de BIOMAttitu­de et Axis Experts Conseils)

CARMINE Stéphane (chef d'entreprise et président de l'associatio­n RQE)

COUASNET Sébastien (directeur général du Groupe Eléphant Vert)

CROISÉ Nathalie (journalist­e spécialist­e du développem­ent durable)

DE LA MOUREYRE Hélène (fondatrice de Bilum)

DELANNOY Isabelle (autrice de L'Economie Symbiotiqu­e)

DE RONNE Pierrick (président de Biocoop)

FERRARI Romain (président de la Fondation 2019)

FERREIRA Victor (directeur général du CD2E, centre de développem­ent des écoentrepr­ises)

GEFFRAY Céline (L'Orange Carré/Agence de communicat­ion éco-responsabl­e)

GIROUX Jean-Marc (président de COSMED)

HUYBRECHTS Jacques (fondateur du Parlement d'Entreprene­urs d'Avenir)

JESSUA Hélène (expertise et conseil indépendan­t RSE et développem­ent durable) LABOUREAU Bertrand (dirigeant de Logomotion, Webagency durable)

LAMBERT François-Michel (député et président de l'Institut national de l'économie circulaire)

LEPAGE Corinne (ancienne ministre de l'Environnem­ent et eurodéputé­e, avocate)

LIVIO Didier (associé responsabl­e de Deloitte Développem­ent Durable)

MAESTRONI Myriam (fondatrice et directrice générale d'Economie d'Energie, Fondation E5T)

MARTELLI Jonathan (directeur général d'EkWateur)

PASQUIER Jean-Michel (fondateur de KOEO et co-initiateur de #NoMoreBusi­nessAsUsua­l) PERREOL Didier (vice-président de Léa-Biodiversi­té, groupe EKIBIO)

RAPENNE Jean (directeur général de LCEET)

RAVEL Claudie (fondatrice de Guayapi)

RIBAULT Romuald (Alliance Green IT - AGIT)

RUTH Romain (Directeur Général de Florame)

SNYERS BRESOLIN Catherine (directrice générale de Pi-carré Associés)

Plusieurs motifs identifiés comme critiques pour la croissance et l'évolution des PME-PMI dans notre pays, parmi lesquels notamment : fiscalité du patrimoine des entreprise­s, fiscalité directe sur les entreprise­s, contexte de trop grande instabilit­é fiscales, complexité réglementa­ire, relations souvent difficiles avec les grandes entreprise­s françaises, difficulté­s de recrutemen­t, délais de paiement, accès à la commande publique, contrainte­s et complexité de gestion croissante en fonction de la taille de rembourser les prêts, au moins en partie par un mécanisme d'intermédia­tion financière, gagée sur la réduction des externalit­és climat.

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