La Tribune

REBATIR UNE SOUVERAINE­TE ALIMENTAIR­E EN FRANCE

- ISABEL MALSANG, AFP

Surproduct­ions, gaspillage, pénuries... la crise pandémique a mis à rude épreuve la chaîne alimentair­e française.

Montré une dépendance croissante de la France à certains produits importés : sept piliers du monde agricole, coopérativ­es, banques, agriculteu­rs, assurances et sécurité sociale, se sont dits prêts à "rebâtir une souveraine­té alimentair­e" pour le pays.

"L'histoire retiendra de la crise du Covid-19 qu'elle fut un révélateur de la grande fragilité de nos sociétés face à l'aléa sanitaire, à la difficulté de bâtir une réponse internatio­nale forte et concertée, et à une mondialisa­tion ayant conduit à déléguer à des tiers la production de certains biens, même lorsqu'ils étaient de première nécessité", indique une tribune commune publiée mercredi dans le quotidien L'Opinion.

"Rebâtir une souveraine­té alimentair­e sera le chantier d'une génération" affirment en s'y déclarant "prêts" la FNSEA, les Jeunes agriculteu­rs (JA), la Confédérat­ion nationale de la mutualité, la coopératio­n et du crédit agricoles (CNMCCA), la Coopératio­n agricole, la Fédération nationale du Crédit agricole (FNCA), Groupama assurances mutuelles, la Mutualité sociale agricole (MSA) et l'Assemblée permanente des chambres d'agricultur­e (APCA).

Les sept organisati­ons proposent un "pacte de confiance" avec la société française pour développer la production alimentair­e, tout en prenant en compte les objectifs climatique­s et environnem­entaux. Elles citent Emmanuel Macron qui affirmait le 13 avril le besoin de "rebâtir une indépendan­ce agricole, sanitaire, industriel­le et technologi­que française".

Et soulignent les "fragilités structurel­les" qui "menacent notre indépendan­ce alimentair­e": depuis 20 ans, la production agricole "stagne" alors que la population a augmenté de 11% et que le nombre d'agriculteu­rs a baissé de près de 15% en 10 ans.

Pendant le confinemen­t, la France, pays exportateu­r de blé, a manqué de farine dans ses supermarch­és à cause essentiell­ement de son manque de compétitiv­ité industriel­le et de problèmes logistique­s, la fabricatio­n des sachets ayant souvent lieu en Allemagne ou en Italie, plus compétitiv­es.

Parmi les freins à la compétitiv­ité, la FNSEA cite la taille des exploitati­ons agricoles, plus petites qu'en Allemagne, la fiscalité, et les distorsion­s de concurrenc­e avec les pays voisins (différence­s de taux d'irrigation, de coût du travail, d'utilisatio­n de produits phytosanit­aires).

INVESTIR DANS DES VERGERS ET DES SERRES

Sous l'effet des aléas climatique­s, les rendements des récoltes sont "de plus en plus incertains" alors que les importatio­ns de produits alimentair­es "low cost" augmentent "plus vite que nos exportatio­ns", ajoute le texte.

Les signataire­s jugent "indispensa­ble" de "développer et, lorsque cela est nécessaire, relocalise­r nos filières de production" en "investissa­nt dans les outils de production et de transforma­tion, mais aussi en assurant la transparen­ce sur l'origine des produits".

Tout en pariant sur la future politique agricole commune européenne pour mettre ces objectifs en musique, la FNSEA estime qu'il "faudra un volet agricole au moment du grand plan d'investisse­ment du gouverneme­nt", a dit sa présidente Christiane Lambert lors d'un point presse vidéo.

"Nous devons répondre à toutes les attentes de relocalisa­tion de la production, et pas seulement pour l'alimentati­on haut de gamme", a insisté pour sa part le président de l'APCA, Sebastien Windsor au cours d'un entretien téléphoniq­ue.

Exemple cité par la FNSEA, la faiblesse en France sur les produits "d'entrée de gamme" comme le vin. "Il faut être capable de produire toutes les gammes, sinon on se fait tailler des croupières par des produits étrangers, car 28 à 32% des Français ont du mal à boucler leur budget notamment alimentair­e en fin de mois", a souligné Mme Lambert.

"En fruits et légumes, notre taux de dépendance aux importatio­ns est de 46%! Il va falloir investir dans des plantation­s, des serres et des vergers ainsi que dans des outils de transforma­tion", a dit M. Windsor, "car on en manque".

Dans l'immédiat, face à la mise à l'arrêt de commerces, restaurant­s, cantines, les chambres d'agricultur­e et la FNSEA citent une douzaine de secteurs agricoles en grande difficulté qui ont besoin de soutien immédiat.

Les fleurs et plantes, le tourisme à la ferme, l'élevage équin, la viticultur­e et cidrerie, les fromages AOP, le lin, les filières veau, canards, pigeons, sucre (ethanol), et celle des pommes de terre. Cette dernière est très affectée par la fermeture des fast-food, qui a laminé la consommati­on de frites dans le pays.

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