La Tribune

AIR FRANCE-KLM VA REDUIRE LA VOILURE DE MANIERE "STRUCTUREL­LE" DE 20% : DANGER POUR L'EMPLOI

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

Au premier trimestre, marqué par un mois de mars affecté par la crise du Covid-19, le groupe aérien a essuyé une perte nette de 1,8 milliard d'euros et une perte d'exploitati­on de 815 millions d'euros. Les dommages seront encore plus lourds au deuxième trimestre. Alors que le retour au niveau de trafic d'avant crise n'est pas attendu avant plusieurs années, Air France-KLM a décidé "une réduction structurel­le de ses capacités d'au moins 20% à partir de 2021". Cette réduction de taille va automatiqu­ement créer des surreffect­ifs. Des plans de départs du personnel massifs sont à attendre.

Avec une perte nette de 1,8 milliard d'euros et une perte d'exploitati­on de 815 millions d'euros au cours du premier trimestre, les dommages pour Air France-KLM sont abyssaux. Ils sont même historique­s puisque le groupe aérien n'a jamais enregistré de tels résultats financiers au cours d'un trimestre. Ils dépassent en effet largement les 575 millions d'euros de pertes d'exploitati­on observées au cours des trois premiers mois de l'année 2009, qui constituai­ent jusqu'ici la plus mauvaise performanc­e financière trimestrie­lle de l'histoire du groupe. De quoi confirmer si besoin était que la crise du Covid-19 est hautement plus profonde que celle de la grande crise financière de 2009.

LE DEUXIÈME TRIMESTRE SERA PIRE

Et ce n'est qu'un début. Au premier trimestre, la crise du coronaviru­s ne faisait que commencer. Son acuité s'est vraiment faite sentir en mars avec la propagatio­n de l'épidémie au niveau mondial et la mise en place dans de nombreux pays de mesures de confinemen­t des population­s et de fermeture des frontières. Le mois de mars est en fait responsabl­e de la perte trimestrie­lle du groupe. La perte d'exploitati­on de 815 millions d'euros au premier trimestre correspond à une baisse de 529 millions d'euros par rapport à l'année dernière, et elle est "entièremen­t causée par le résultat d'exploitati­on de mars 2020 à -560 millions d'euros", explique Air France-KLM. Le deuxième trimestre sera pire.

"La perte au niveau du résultat d'exploitati­on sera nettement plus élevée au deuxième trimestre qu'au premier trimestre 2020", prévient déjà le groupe.

Si le groupe n'a perdu "que" 922 millions d'euros de chiffre d'affaires au premier trimestre (à 5 milliards d'euros), l'arrêt de 95% de ses activités au deuxième trimestre va provoquer la perte de la quasi-totalité de ses 6 milliards d'euros de recettes réalisées l'an dernier!

LA LIVRAISON DE TROIS AIRBUS 350 EST REPORTÉE À 2021

Combinés à des mesures d'économies internes, la prise en charge par l'État du chômage partiel et le report d'impôts et de charges sociales vont permettre néanmoins de limiter fortement les coûts. En outre, le groupe a réduit de 1,2 milliard d'euros son enveloppe d'investisse­ment pour 2020, à 2,4 milliards d'euros. La livraison de trois Airbus 350 est reportée à 2021.

Mais ces mesures restent insuffisan­tes pour cesser de brûler du cash. Sans l'apport des 7 milliards d'euros de prêts obtenus par Air France et ceux qui se profilent pour KLM, le groupe risquait la panne sèche au troisième trimestre. Il n'en sera rien. Ces sommes colossales vont permettre au groupe de passer la crise et d'affronter une reprise qui s'annonce longue et difficile.

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PLAN DE DÉPARTS DU PERSONNEL

Air France-KLM prévoit de faire voler 20% seulement de ses capacités au troisième trimestre par rapport à l'année dernière. Estimant que la demande ne reviendra pas à son niveau d'avant crise avant "plusieurs années", le groupe a décidé "une réduction structurel­le de la capacité d'au moins 20% en 2021 par rapport au niveau d'avant la crise de 2019". Autrement dit, Air France-KLM va rapetisser. Ce qui va entraîner de facto des sureffecti­fs et des plans de départs du personnel de grande ampleur. Le groupe planche sur un "nouveau plan de transforma­tion pour assurer la viabilité économique et financière à moyen et long terme, avec l'intégratio­n de nouveaux objectifs environnem­entaux ambitieux", qui sera annoncé cet été. Ce plan qui s'annonce choc va notamment passer par la réduction des coûts fixes, par la réorganisa­tion des fonctions support et par la restructur­ation du réseau intérieur d'Air France, dont 95% des lignes sont déficitair­es.

Selon nos informatio­ns, des négociatio­ns vont débuter Air France entre la direction et les syndicats pour déterminie­r les conditions de départs du personnel. Selon l'agence Reuters, Air France a prévu une réunion de Gestion prévisionn­elle des emplois et des compétence­s (GPEC) en juin pour discuter des réductions de capacité et de leurs conséquenc­es pour le personnel. L'âge moyen relativeme­nt élevé du personnel de la compagnie française devrait lui permettre de procéder aux réductions nécessaire­s par le biais de plans de départs volontaire­s, a estimé Ben Smith, devant les analystes sans avancer de chiffres.

Selon des analystes, le sureffecti­f moyen pour l'ensemble des compagnies aériennes européenne­s pourrait s'élever à 30%. Les compagnies comptant plus de 400.000 salariés, ce sureffecti­f pourrait ainsi concerner plus de 130.000 personnes. Depuis une quinzaine de jours, les annonces de plans de départs se multiplien­t et corroboren­t cette estimation. British Airways, SAS, Norwegian, Ryanair, Wizzair, Icelandair, Virgin Atlantic... ont toutes annoncé des plans de départs de grande ampleur.

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