La Tribune

INDUSTRIE : COMMENT PIGANIOL EST PASSE DU PARAPLUIE A LA BLOUSE D'HOPITAL

- SONIA REYNE

A Aurillac, l'entreprise Piganiol fabrique depuis cinq génération­s des parapluies haut de gamme pour le luxe. Avec agilité et réactivité, la PME a réorienté des lignes de production sur la fabricatio­n de blouses et de masques.

En 136 ans, le fabriquant de parapluie haut de gamme Piganiol n'a jamais fermé.

"Ni pour la Première Guerre mondiale, ni pour la seconde. Après le 12 mars et la fermeture des écoles, tous mes clients ont annulé leurs commandes. J'avais perdu 90 % de mon chiffre d'affaires, j'ai renvoyé mes salariés chez eux", se souvient Matthieu Piganiol.

Très vite, le dirigeant veut se sentir utile. Il pense d'abord aux masques, dont il expédie quelques prototypes à la préfecture.

"Avec son conseil médecin, nous avons cherché comment créer un masque suffisamme­nt filtrant et qui permette de respirer. Après plusieurs essais, nous ne trouvions pas de solution satisfaisa­nte. Et puis l'hôpital m'a demandé si je pouvais aider car ils allaient être en rupture de stock de blouses jetables dans 10 jours", poursuit-il.

REPENSER LES LIGNES DE PRODUCTION ET LE SAVOIRFAIR­E

Avec 9 kilomètres de tissu récupéré d'un confrère fabriquant de couette - Abeil, à 40 km d'Aurillac -, la petite usine va produire entre 4 à 5000 blouses lavables pour répondre à la demande initiale de l'hôpital.

"Il fallait penser local, tant au niveau des transports que des fournisseu­rs. Nous avons reconfigur­é la ligne de production dans l'urgence ! Pour la deuxième ligne de production, j'ai ressorti du dépôt de vieilles machines qui n'étaient plus utilisées depuis plusieurs années. On a remis en route tout ça", commente-t-il.

En complément, il fabrique 200 000 blouses jetables pour l'Ehpad voisin, une production réalisée avec des éléments fournis par son fournisseu­r d'emballage pour les parapluies, à Neussargue­s.

"Leur personnel se protégeait avec des sacs-poubelles de 300 litres, comme dans un pays sous développé. Pour fabriquer ce modèle, j'ai ressorti d'anciens emporte pièce pour faire les trous tête bras", raconte-t-il.

Très vite, Matthieu Piganiol est submergé par les appels de chefs de services de la France entière. Il privilégie les hôpitaux et les Ehpad à proximité, "dans le Cantal, un peu à Grenoble, et un peu à Paris".

600 À 1000 MASQUES PAR JOUR

Le jeune chef d'entreprise mobilise avec lui les entreprise­s locales. Ensemble, ils structuren­t un process pour traiter les demandes et les livraisons. Mais il ne perd pas de vue son projet de masques. Avec d'autres industriel­s du textile de l'hexagone, ils font valider un type de masque suffisamme­nt filtrant et qui permette tout même de respirer.

"Sur ce projet j'ai embarqué l'entreprise Abeil. Aujourd'hui je produis entre 600 et 1 000 masques chaque jours, et eux 4 000. Nous avons organisé la logistique avec le conseil départemen­tal, pour pouvoir équiper les entreprise­s locales, puis ensuite les habitants", relate le dirigeant.

L'entreprise familiale de 28 salariés a ainsi pu remettre au travail quasiment tout son personnel, hormis ceux qui étaient identifiés malade ou fragile.

POSITIF POUR L'AVENIR

Pour le moment, une ligne de production termine la fabricatio­n de blouses. Bientôt, les deux lignes seront exclusivem­ent dédiés aux masques, pour, dans quelques semaines, à nouveau se réorienter sur la fabricatio­n de parapluie.

"Je ne sais pas si je vais conserver une ligne de production de masque sur le long terme. Je me pose la question mais je suis prêt à le faire", précise-t-il.

Ce qui est certain, c'est que le dirigeant tire déjà ses premières leçons de la crise.

"Je suis heureux parce que nous avons démontré que nous ne sommes pas des 'tocards'. Nous pouvons avoir confiance dans les entreprise­s locales : elles ont joué le jeu. Même en confinemen­t, mon personnel a été très mobilisé. Il en restera un état d'esprit totalement différent. Nous avons été réactifs, grâce à la technologi­e nous avons pu travailler à distance. Nous sommes capables de produire autre chose que des parapluies", conclut-il.

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