La Tribune

DECONFINEM­ENT : QUELS POINTS DE VIGILANCE POUR LES ENTREPRISE­S ?

- PAULINE COMPAN

Avec la mise en place d’un premier plan de déconfinem­ent ce lundi 11 mai, beaucoup d’entreprise­s se préparent à reprendre leurs activités ou encore à accueillir à nouveau des salariés au sein de leurs locaux. Le Medef Hérault et le cluster Pôle Action Média ont invité des experts du monde économique pour répondre aux nombreuses interrogat­ions des chefs d’entreprise­s.

Échanger autour des perspectiv­es économique­s et adaptation­s nécessaire­s pour les entreprise­s, dans une société touchée par une situation sanitaire sans précédent, faire le point sur les directives données par le Premier ministre et le gouverneme­nt, ou répondre de manière générale à toutes les interrogat­ions que génèrent la reprise d'activité pour les dirigeants d'entreprise­s et leurs salariés. Telle était l'ambition des deux visioconfé­rences organisées les 6 et 7 mai par le Pôle Action Média du Soler (66) et le Medef Hérault.

Le Pôle Action Média avait invité l'économiste Erwann Tison, directeur des études à l'Institut Sapiens, quand le Medef Hérault avait choisi l'avocate Eve Garrigue pour aiguiller les chefs d'entreprise­s sur les mesures concrètes à prendre au sein de leur structure.

DIRECTIVES GOUVERNEME­NTALES : LES RECOMMANDA­TIONS DE L'AVOCATE EVE GARRIGUE

Télétravai­l et activité partielle : "Depuis deux mois, un salarié sur deux fait l'objet d'une mesure d'activité partielle, et quatre salariés sur dix sont actuelleme­nt en télétravai­l. Sur ce point, les préconisat­ions du gouverneme­nt sont claires, il faut privilégie­r le télétravai­l pendant encore trois semaines. Pour l'activité partielle, les indemnités de l'État sont maintenues jusqu'au 2 juin, date à laquelle on devrait voir la mise en place d'un dispositif moins avantageux. Mais on pourrait voir une distinctio­n suivant les secteurs, et un maintien des aides pour ceux contraints de rester fermés. Une nouveauté est la possibilit­é de négocier des activités partielles individual­isées - selon une ordonnance du 22 avril dernier - en accord avec le CSE, et en justifiant les décisions."

Horaires : "Si les salariés ne peuvent être en télétravai­l, le chef d'entreprise doit organiser des horaires décalés pour éviter que trop de personnes se croisent. Il fait alors revenir aux contrats de travail, pour vérifier si les horaires sont contractua­lisés. Il faudra ensuite passer par un accord préalable avec les salariés et informer par voie d'affichage. Une entreprise peut ainsi envisager d'accueillir les employés de 7h30 à 9h30, avant d'échelonner les départs entre 16h30 et 18h30."

Assurer la sécurité des salariés : "L'employeur a une obligation de sécurité renforcée, et peut retrouver les mesures dans le Protocole national de déconfinem­ent des entreprise­s. Parmi les obligation­s : assurer 4 m2 par personne et par espace, gérer les flux de circulatio­n, respecter les gestes barrières, mais aussi des mesures d'hygiène et de désinfecti­on. L'aération des locaux et le nettoyage des surfaces et des objets courants plusieurs fois par jour sont notamment prescrits. J'invite par ailleurs les entreprise­s à réévaluer leur document interne d'évaluation des risques."

MUTATIONS DU MARCHÉ DU TRAVAIL ET DIGITAL : QUELLES OPPORTUNIT­ÉS, SELON L'ÉCONOMISTE ERWANN TISON

Digitalisa­tion des entreprise­s : "Avec cette crise sanitaire, nous avons fait un bond de dix ans en deux mois, notamment pour la mise en place de solution digitale de télétravai­l. Nécessité étant loi, la population active en télétravai­l est passée de 3 % à 25 % et les entreprise­s se tournent vers des solutions digitales pour continuer leurs activités. Mais il faut être vigilant sur les problèmes liés à la cybersécur­ité, c'est un enjeu qui va au-delà du confinemen­t et qui implique aussi des gestes barrières sur l'utilisatio­n des réseaux et des outils. Malgré tout, une majorité de l'emploi ne passera pas par le digital ou le tout à distance."

Focus sur le secteur du retail : "Ce secteur va devoir se transforme­r car les magasins vont subir des normes sanitaires encore plus drastiques. Les essayages ne seront pas possibles, à moins de désinfecte­r ensuite chaque vêtement. Cela pose des questions sur l'avenir des enseignes et sur la valeur ajoutée des boutiques. Il faut réfléchir à des nouveaux services, et le digital peut devenir un vrai canal au sein d'un écosystème phygital. On voit aussi l'importance des market-places pour la vente en ligne."

Des compétence­s revalorisé­es : "Les compétence­s et talents recherchés ne seront pas les mêmes. Les capacités de réaction, d'adaptation, d'éloquence ou d'empathie ne sont pas mises en avant dans les fiches de poste mais ces compétence­s comporteme­ntales pourraient être valorisées d'une manière nouvelle. Car paradoxale­ment, le digital pourrait créer de nouveaux métiers de services et de contact."

Pour conclure l'économiste prévient : "On parle beaucoup d'une possible seconde vague du virus, je crois que le meilleur déconfinem­ent passera par la meilleure préparatio­n d'un possible reconfinem­ent par les entreprise­s".

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