La Tribune

CE QUE DIT L'ETUDE DE PRADEO SUR LA SECURITE DE 30 APPLICATIO­NS NATIONALES STOP-COVID DANS LE MONDE

- CECILE CHAIGNEAU

L’entreprise montpellié­raine Pradeo, spécialisé­e dans la sécurité des terminaux mobiles et des objets connectés, a conduit une étude sur le niveau de sécurité et d’atteinte à la vie privée de 30 applicatio­ns mobiles nationales Stop-Covid dans le monde. En attendant d’auditer l’applicatio­n française, Pradeo révèle des résultats pas forcément de nature à rassurer les plus récalcitra­nts…

L'entreprise montpellié­raine Pradeo, dirigée par Clément Saad, est spécialisé­e dans la sécurité des terminaux mobiles et des objets connectés, et sécurise les flottes de terminaux, les applicatio­ns et les données.

Son laboratoir­e vient de réaliser une étude sur le niveau de sécurité et d'atteinte à la vie privée de 30 applicatio­ns mobiles nationales choisies par les gouverneme­nts de 30 pays pour assurer le suivi du Covid-19.

« Nous nous sommes positionné­s pour auditer Stop-Covid France, mais ce ne sera pas avant le 2 juin prochain, déclare Clément Saad. Aujourd'hui, l'enjeu est plus politique que technologi­que... En attendant, naturellem­ent, on s'est demandé si les inquiétude­s autour de ces applicatio­ns étaient légitimes, d'où cette étude. Je suis assez surpris car sur les 30 applicatio­ns testées, trois sont plutôt très mauvaises, ce qui est surprenant pour des applicatio­ns d'État. »

QUEL NIVEAU DE SÉCURITÉ ET DE CONFIDENTI­ALITÉ

Les deux paramètres observés par Pradeo sont le niveau de sécurité (vulnérabil­ités, connexions non sécurisées, présence de librairie de publicité ou de réseaux sociaux, chargement de code dynamique) et le niveau de confidenti­alité (demande de données personnell­es, demande de numéro de téléphone, demande et/ou envoi de la géolocalis­ation à des sources externes, envoi des contacts à des sources externes).

« La note de sécurité indique s'il y a des trous dans la raquette qui peuvent être exploités, et celle de confidenti­alité si l'applicatio­n est curieuse ou non en termes de récupérati­on de données, explique Clément Saad. Ce qui fait monter les scores en matière de sécurité, c'est par exemple quand l'applicatio­n nécessite de télécharge­r un code externe plus tard, ce qui peut générer quelque chose de malveillan­t sans que vous le sachiez. C'est donc un manque de transparen­ce. Concernant la vie privée, si l'applicatio­n récupère des données mais que c'est anonyme parce qu'il n'y a pas authentifi­cation, c'est embêtant mais pas grave. S'il y a authentifi­cation, c'est grave ! Autre critère qui fait lever le drapeau rouge : si les données envoyées restent des données d'État, ça va, mais elles sont aussi parfois envoyées sur Apple et Google, et ça, ce n'est pas bon. »

TROIS APPLICATIO­NS PROBLÉMATI­QUES MAIS L'ALLEMAGNE SÉCURE

En fonction des résultats observés, Pradeo a attribué aux applicatio­ns une « note de criticité » de 1 (faible niveau) à 3 (haut niveau).

Ce qu'il ressort de l'étude, c'est que 17 applicatio­ns sur 30 obtiennent une (mauvaise) note globale de 3, dont celles de l'Argentine, le Koweït, l'Espagne, l'Australie, l'Autriche, la Corée ou l'Islande, parmi lesquelles trois se distinguen­t comme clairement problémati­ques, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Turquie.

Autres observatio­ns : plus de la moitié des applicatio­ns porte atteinte à la vie privée, 17 étant notées 3 sur la confidenti­alité. Et toutes les applicatio­ns présentent des failles de sécurité plus ou moins critiques : 3 sont de niveau 3 (États-Unis, au Royaume-Uni et en Turquie) et 14 de niveau 2.

Les plus sûres sont les applicatio­ns choisies en Allemagne, en Israël et au Brésil, les trois étant notées 1 dans les deux catégories, et même 0 sur la confidenti­alité pour l'applicatio­n allemande.

Clément Saad nuance concernant Israël ou la Corée en précisant que seule l'applicatio­n est notée, et non les pratiques gouverneme­ntales (par exemple le traçage des utilisateu­rs par les opérateurs directemen­t en Israël).

L'expert observe surtout que « aucune, sauf l'applicatio­n allemande, n'arrive à fonctionne­r sans rien demander »... Outre une note de 0 sur la confidenti­alité (soit aucune donnée personnell­e demandée et pas d'envoi des contacts et de la géolocalis­ation), l'applicatio­n allemande obtient la note de 1 en sécurité.

SILENCE RADIO DE CÉDRIC O

Dans le détail, l'étude de Pradeo révèle que 43 % des 30 applicatio­ns font la demande de données personnell­es, 33 % la demande du numéro de téléphone, 17 % la demande de géolocalis­ation et 7 % aucune demande de données personnell­es.

Sur la manipulati­on des données, 23 % présentent un risque élevé d'envoi de la géolocalis­ation vers des sources externes, été 17 % d'envoi des contacts.

Les applicatio­ns affichent une moyenne de 8 connexions non sécurisées chacune (pour un maximum de 35) et une moyenne de 11 vulnérabil­ités (pour un maximum de 26).

En attendant de voir ce que révèlera l'applicatio­n Stop-Covid choisie par le gouverneme­nt français, Clément Saad met en garde contre toutes les autres applicatio­ns déjà disponible­s sur les stores qui ont fleuri sur le sujet et qui sont loin d'offrir toutes les garanties en matière de traitement des données.

Le dirigeant avoue toutefois une certaine amertume : « J'ai écrit au cabinet de Cédric O (secrétaire d'État chargé du Numérique, NDLR) pour proposer que Pradeo participe à la conception de StopCovid France, mais personne ne nous a jamais répondu... ».

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