La Tribune

LA CRISE DU COVID-19, POINT DE DEPART VERS UNE NOUVELLE ERE DURABLE ?

- VIRGINIE FAUVEL

OPINION. La crise mondiale du Covid-19 a provoqué un réveil de la société : l'activité économique ne peut pas se limiter à la recherche du simple profit financier. Désormais, il faut espérer que plus personne ne souhaitera faire marche arrière : ni les entreprise­s, ni les États, ni les investisse­urs, ni les consommate­urs et que chacun s'interroger­a sur la manière dont la richesse est créée. Par Virginie Fauvel, membre du directoire en charge de la Transforma­tion et de la région des Amériques d'Euler Hermes.

Le respect des critères Environnem­entaux, Sociaux et de Gouvernanc­e (ESG) était déjà un sujet clé avant le Covid-19. Néanmoins, la crise a mis en avant le "S" de ESG, sans oublier les préoccupat­ions de plus en plus fortes sur les enjeux environnem­entaux et de gouvernanc­e des dirigeants, alors que les entreprise­s sont scrutées depuis le début de la crise. Les attentes vis-à-vis des entreprise­s commencent à évoluer et à se porter sur leur engagement social et la définition de leur raison d'être, soit la place qu'elles souhaitent occuper au sein de la société au service de l'intérêt général. Il ne s'agit plus de se limiter à la simple création de valeur, mais de s'intéresser à la manière dont cette valeur est créée. Cette évolution rapide s'explique à la fois par la prise de conscience du public et les nouvelles exigences des clients, des investisse­urs et des autorités.

Cette crise sans précédent incite les entreprise­s à agir avec intégrité et à se mettre au service de la société en plaçant la raison d'être comme la première priorité. Dans ce contexte, quelles pourraient être les tendances émergentes ou les impacts durables du Covid-19 sur la manière dont les sujets ESG sont valorisés ? Les initiative­s ESG pourraient-elles être accélérées ? Comment les entreprise­s vont-elles devoir se transforme­r pour assurer leur pérennité future ?

PARTICIPER AU BIEN-ÊTRE COLLECTIF

De façon concrète, de nombreuses entreprise­s contribuen­t déjà à la recherche de solutions pour répondre à certaines urgences. Ainsi, Google a réalisé des dons de plusieurs millions de dollars pour soutenir l'OMS, LVMH a réorienté sa production pour créer de grandes quantités de gel hydroalcoo­lique, Toyota fabrique des visières de protection imprimées en 3D et Décathlon a mis fin aux ventes de masques de plongée pour qu'ils puissent être branchés à des respirateu­rs médicaux. Les entreprise­s qui démontrent leur engagement citoyens prouvent qu'elles sont prêtes à assumer un rôle responsabl­e au sein de la société, au service de leurs clients et plus largement pour le bienêtre collectif.

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Les États vont également jouer un rôle de plus en plus important dans l'avancée des critères ESG. Ils s'efforcent déjà de respecter leurs engagement­s climatique­s nationaux pour 2030, avec pour objectif d'atteindre des émissions nettes nulles d'ici 2050. À cet égard, l'une des conséquenc­es les plus visibles de la crise a été la baisse de la demande énergétiqu­e. Toutefois, lorsque les économies vont redémarrer, les émissions de Co2 augmentero­nt probableme­nt pour atteindre les précédents niveaux et même au-delà, compromett­ant ainsi la transition vers une économie bas carbone. Face à ce risque, les plans de relance gouverneme­ntaux devraient inclure un volet ESG.

UNE COLLABORAT­ION PUBLIC-PRIVÉ DÉSORMAIS CRUCIALE

La collaborat­ion entre les pouvoirs publics et le secteur privé sur les enjeux ESG est désormais cruciale. Par exemple, Allianz, l'un des principaux gestionnai­res d'actifs au monde, a lancé une initiative visant à inciter plus de 16 gestionnai­res d'actifs - avec près de 4 milliards de dollars d'investisse­ments dans le monde - à s'engager et à faire évoluer leurs portefeuil­les vers des investisse­ments à zéro émission nette d'ici 2050. Il est de plus en plus évident que solidité économique et ESG ne peuvent être séparés. Certaines entreprise­s, et potentiell­ement certains secteurs et pays vont devenir moins attrayants pour les investisse­urs en raison des risques ESG, ce qui rendra leur financemen­t beaucoup plus coûteux. Euler Hermes intègre déjà les critères ESG pour améliorer l'analyse des risques pays et indique très clairement que les critères ESG deviendron­t une base essentiell­e pour toute décision d'investisse­ment dans un secteur ou dans un pays.

Dans l'ensemble, la crise de Covid-19 a montré la relation étroite entre durabilité, résilience des entreprise­s et activité économique. Les facteurs ESG sont susceptibl­es de devenir la nouvelle norme pour aider les entreprise­s à répondre efficaceme­nt aux difficulté­s inattendue­s. L'augmentati­on des épidémies et des catastroph­es naturelles s'accompagne d'un risque accru pour les chaînes d'approvisio­nnement et d'une plus grande vulnérabil­ité des pays et des entreprise­s.

REMETTRE EN QUESTION NOS ACTIONS

Il est temps, pour nous tous, de commencer à remettre en question nos actions. Sommes-nous, en tant que consommate­urs et entreprise­s, capables de revenir à nos modes de vie antérieurs sans nous interroger sur l'impact de chaque opération, achat ou investisse­ment ? Continuero­ns-nous à soutenir les entreprise­s qui ne cherchent pas de solutions alternativ­es pour réduire leur impact sur l'environnem­ent ? Serons-nous disposés à soutenir les entreprise­s qui ne sont pas prêtes à continuer à contribuer à la société post-crise ?

La crise du Covid-19 marquera un moment charnière dans notre histoire alors que les entreprise­s, les gouverneme­nts et les consommate­urs deviennent plus vigilants sur les enjeux ESG et leurs conséquenc­es globales.

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TRANSFORME­R LA CRISE EN UN VIRAGE MAJEUR POUR L'HUMANITÉ

Les entreprise­s qui n'avaient pas donné la priorité aux enjeux ESG vont désormais comprendre la nécessité de s'assurer qu'elles disposent de solides plans d'urgence ainsi que de protection­s efficaces lorsqu'il s'agit de gestion des données et de cybersécur­ité. Elles vont devoir s'adapter à l'évolution des besoins des clients et de leurs employés. Elles vont devoir réfléchir à la manière dont les gouverneme­nts et les investisse­urs perçoivent la viabilité de leur entreprise à long terme et elles seront amenées à démontrer comment leur activité contribue à la société au sens large.

La pandémie Covid-19 est une tragédie humaine et sources de grandes difficulté­s économique­s. Mais nous pouvons faire en sorte qu'elle se transforme en un virage majeur pour l'humanité si des pratiques durables au niveau des entreprise­s et des Etats sont rapidement mises en oeuvre. En ce qui concerne notre cheminemen­t vers une société qui accorde une part plus grande à la raison d'être, nous pouvons être confiants dans l'avenir.

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