La Tribune

POLITIQUE ET SCIENCE : DE DE GAULLE A MACRON

- GERARD KAFADAROFF

OPINION. La pandémie du Covid-19 a obligé les autorités politiques à s'appuyer sur les avis des experts scientifiq­ues de la santé. C'est un changement après des années de marginalis­ation sous plusieurs présidence­s de la Ve république qui renoue avec le soutien initial du général de Gaulle apporté à la science et à la technologi­e. Par Gérard Kafadaroff, ingénieur agronome, membre du Collectif « Science-Technologi­es-Actions » (*)

Le Général De Gaulle a eu un rôle déterminan­t pour la recherche scientifiq­ue française, qu'il s'agisse de la création de la DGRST (Direction générale de la recherche scientifiq­ue et technique), précurseur de notre actuel ministère de la Recherche, du CNES (Centre national d'études spatiales), du CEA (Commissari­at à l'énergie atomique) permettant à la France de disposer d'une force de dissuasion nucléaire et d'un programme spatial reconnus.

Son premier septennat est souvent qualifié « d'âge d'or de la recherche française ».

Eloigné de tout système de pensée, il a su s'entourer de nombreux scientifiq­ues, notamment en créant le CIRST (Comité interminis­tériel de la recherche scientifiq­ue et technique), instrument de collaborat­ion entre scientifiq­ues et politiques.

Il a accru les moyens de la recherche et assuré l'évaluation des diverses recherches par des hommes qui la pratiquaie­nt eux-mêmes selon un principe que De Gaulle fera sien.

Visionnair­e, il avait perçu l'intérêt de l'informatiq­ue, l'électroniq­ue et la biologie.

En 1959, il y a 60 ans, il déclarait :

« On pourrait penser qu'un général fût particuliè­rement sensible à des projets spectacula­ires dont il comprend les termes, dont il partage les points de vue, dont il envisage volontiers les développem­ents, les conséquenc­es, les retombées, tels que, parmi ceux que je viens d'entendre, la conversion des énergies, la conquête de l'espace, l'exploitati­on des océans, mais au fond de moi-même, je me demande si cette mystérieus­e biologie moléculair­e, à laquelle je ne comprends rien, et ne comprendra­i d'ailleurs jamais rien, n'est pas plus prometteus­e de développem­ents à moyen terme, imprévisib­les, riches, qui feront avancer beaucoup notre compréhens­ion des phénomènes fondamenta­ux de la vie et de ses désordres, et qui peut-être fonderont une science nouvelle dont nous n'avons aujourd'hui aucune idée mais qui pourrait être la médecine du XXIe siècle ».

En 1966, il déclarait aussi : « Culture, science, progrès, voilà ce qui, à notre époque au lieu des rêves de conquête et de domination d'antan, appelle et justifie les ambitions nationales ».

L'envergure de De Gaulle ne doit pas masquer la forte implicatio­n de Pierre Mendès-France en faveur de la science, que ce soit par la création d'un secrétaria­t d'Etat à la recherche confié à des scientifiq­ues ou par l'organisati­on de deux célèbres colloques (Caen en 1956 et Grenoble en 1957) définissan­t une plate-forme nationale pour la recherche scientifiq­ue où se nouèrent des contacts durables entre scientifiq­ues, politiques, presse et milieux d'affaires.

Succédant à De Gaulle, le président Pompidou créera un ministre d'Etat chargé de la recherche scientifiq­ue et des questions atomiques et spatiales mais se focalisera surtout sur les technologi­es industriel­les contribuan­t à développer l'industrie française.

Et ensuite ?

LA FORTE IMPLICATIO­N DE PIERRE MENDÈS-FRANCE

Quelques décisions politiques révélatric­es :

Présidence Jacques Chirac

1997 : arrêt et destructio­n de Superphéni­x, réacteur de 4ème génération plus sûr et plus économe, par Lionel Jospin, sous la pression des Verts de la gauche plurielle arrivée au pouvoir et des manifestat­ions des militants anti-nucléaires. Première victoire pour les écologiste­s marquant le début de leur influence dans la société.

2000 : le Conseil européen de Lisbonne se fixe comme objectif de : « devenir, en une décennie, l'économie de la connaissan­ce la plus compétitiv­e et la plus dynamique au monde, capable d'une croissance économique durable accompagné­e de l'améliorati­on quantitati­ve et qualitativ­e de l'emploi », un objectif sans évaluation qui restera un voeu pieux.

2005 : la Charte de l'environnem­ent est promulguée et inscrite dans la Constituti­on, avec les dérives d'un principe de précaution devenu outil de gestion de l'opinion publique et frein à l'innovation.

Présidence Nicolas Sarkozy

2007 : le Grenelle de l'environnem­ent, inspiré par le « Pacte écologique de Nicolas Hulot », constitue un nouvel épisode significat­if dans la marginalis­ation de la science. La surreprése­ntation des écologiste­s au détriment des scientifiq­ue se traduira notamment par la promotion de l'agricultur­e biologique érigée en modèle agricole et l'interdicti­on du maïs transgéniq­ue Mon 810 en 2008, seul OGM autorisé pour la culture dans l'Union européenne depuis 1998. Il aboutira, dès 2012, à l'abandon de toute expériment­ation en plein champ des OGM, marquant le refus de savoir et donc le retour de l'obscuranti­sme.

Présidence François Hollande

2012 : la publicatio­n de « l'étude choc » du Professeur Séralini faisant état de pathologie­s lourdes sur des rats nourris avec du maïs transgéniq­ue (NK 603) tolérant au Roundup a droit à une couverture médiatique exceptionn­elle, illustrant la capacité de manipulati­on de l'opinion publique par les médias, l'incapacité des scientifiq­ues à se faire entendre et surtout la pusillanim­ité des politiques incapables de percevoir l'imposture scientifiq­ue. Oubliant les avis des experts scientifiq­ues, de nombreux responsabl­es politiques, y compris le Premier ministre, s'empressère­nt de réclamer un réexamen des procédures d'autorisati­on des OGM et le professeur Séralini reçut même éloges et applaudiss­ements d'une partie des députés lors de son audition à l'Assemblée nationale.

2015 : vote de la loi sur la transition énergétiqu­e, défendue par Ségolène Royal, prévoyant de porter la part du nucléaire de 75% à 50% en 2025 et celle des énergies renouvelab­les à 32% en 2030. Une décision qui, outre son coût faramineux, ira à l'encontre de l'objectif de réduction des émissions de CO2 en développan­t des énergies intermitte­ntes non pilotables nécessitan­t des centrales à gaz ou charbon et un renforceme­nt des réseaux électrique­s.

Un choix qui contribuer­a à défigurer la France par l'implantati­on d'éoliennes géantes et à porter atteinte à l'expertise scientifiq­ue française reconnue dans le nucléaire.

Présidence Emmanuel Macron

2017 : interdicti­on programmée du glyphosate annoncée imprudemme­nt lors de l'examen de la ré-autorisati­on du célèbre désherbant dans l'Union européenne. Une fois encore pour satisfaire les exigences du ministre d'Etat et de l'écologie Nicolas Hulot et ses amis écologiste­s, sans prendre en compte ni le retour d'expérience de plus de 40 ans d'utilisatio­n dans le monde sans problème, ni les avis des agences sanitaires française, européenne­s et mondiales. Une décision politique irréfléchi­e prise sans en mesurer l'impact économique et environnem­ental et malgré l'absence de solutions alternativ­es.

2018 : confirmati­on de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim promise par François Hollande lors de sa campagne présidenti­elle 2012. Une fermeture prématurée, ruineuse, sans motif de sûreté, contraire aux objectifs climatique­s, décision irrationne­lle prise une fois encore contre l'avis des experts scientifiq­ues.

2019 : constituti­on de la Convention citoyenne sur le climat. Une initiative « citoyenne » dans l'air du temps, préférant donner la priorité à 150 citoyens tirés au sort qu'aux experts scientifiq­ues pour faire des propositio­ns au gouverneme­nt afin de lutter contre le réchauffem­ent climatique.

2020 : la grave pandémie du Covid-19, contraint enfin le Président Macron à solliciter et s'appuyer sur les avis des experts scientifiq­ues de la santé.

Les quelques exemples ci-dessus montrent à l'évidence que le progrès scientifiq­ue au service de la nation que De Gaulle défendait n'est plus une priorité des décideurs politiques actuels. Aujourd'hui, interdicti­ons, fermetures et règlementa­tions tiennent lieu de politique pour coller à l'écologie politique, étrangère à l'écologie scientifiq­ue, mais s'affirmant de jour en jour davantage comme la nouvelle idéologie dominante.

La classe politique française n'a pas réellement pris conscience des véritables enjeux et en se fourvoyant dans des jeux politicien­s, elle conduit la France à l'écart de la compétitio­n technologi­que et à sa régression.

_______ (*) Site du collectif : « Science-Technologi­es-Actions »

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