La Tribune

TRANSAVIA SUR LE RESEAU DOMESTIQUE : LES PILOTES D'AIR FRANCE OK POUR NEGOCIER

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

La direction d'Air France a indiqué formelleme­nt au syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) d'Air France-Transavia qu'elle voulait réorganise­r son offre sur le réseau intérieur français de point-à-point (aujourd'hui assurée par Air France et sa filiale régionale HOP), en intégrant Transavia, la filiale low-cost du groupe. Selon nos informatio­ns, le SNPL a accepté de négocier la possibilit­é pour Transavia de faire des vols domestique­s, jusqu'ici interdits dans les accords de périmètre entre Air France et sa filiale. L'arrivée de Transavia serait une révolution à Air France. Elle n'est pas sans poser des questions comme l'avenir de La Navette Air France à Orly, celui de la filiale régionale HOP, ou encore celui de l'emploi sur les escales françaises.

Nouvelle étape en vue pour Transavia France. Moins de quinze ans après son lancement par le PDG d'Air France de l'époque, Jean-Cyril Spinetta, la filiale low-cost d'Air France pourrait prochainem­ent commencer à voler sur le réseau intérieur français, un marché qui lui est interdit aujourd'hui par les "accords de périmètre" signés par les directions d'Air France et de Transavia et les branches du syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) de chacune des deux compagnies aujourd'hui réunies. Ces accords empêchent aussi Transavia de desservir le hub de RoissyChar­les de Gaulle ou de faire du long-courrier et visent à éviter les transferts d'activité de la maisonmère vers sa filiale à bas coûts. L'an dernier, la direction et le SNPL ont mis fin à la limite de 40 avions pour Transavia, l'un des principaux freins à son développem­ent.

PERTES CHRONIQUES SUR LE RÉSEAU INTÉRIEUR

Si la direction d'Air France n'a pas l'intention à ce stade de toucher aux interdits concernant la desserte de Roissy et celle du long-courrier, elle veut en revanche faire sauter le verrou empêchant Transavia d'opérer sur les vols intérieurs de point-à-point. Ceci dans le but de réorganise­r l'offre du groupe sur le réseau intérieur, aujourd'hui assurée par Air France et sa filiale régionale HOP, et mettre fin aux pertes chroniques du groupe France sur cette partie du réseau attaquée par les compagnies low-cost étrangères comme Easyjet, Volotea et Ryanair. L'an dernier, l'activité courtcourr­ier de point-à-point du groupe Air France a enregistré une perte d'exploitati­on de 200 millions d'euros.

LE BUREAU DU SNPL MANDATÉ PAR SON CONSEIL POUR NÉGOCIER

La direction d'Air France a donc formelleme­nt indiqué au SNPL sa volonté de modifier l'organisati­on de l'activité point-à-point. Lors d'un conseil du syndicat des pilotes qui s'est tenu récemment, le SNPL a, selon nos informatio­ns, décidé d'entrer en négociatio­n sur ce sujet. Une motion a en effet été votée pour autoriser le bureau du syndicat à "entamer des négociatio­ns sur les conditions dans lesquelles Transavia France pourrait exploiter des vols sur le réseau domestique". Interrogé, un porte-parole du SNPL a confirmé que le bureau du syndicat a reçu mandat de son conseil pour débuter des négociatio­ns sur ce sujet.

Celles-ci vont donc s'ouvrir prochainem­ent. L'idée de la direction est d'arriver à un accord en juin.

NOUVEL ACCORD DE PÉRIMÈTRE ENTRE AIR FRANCE ET TRANSAVIA

L'arrivée de Transavia sur le domestique s'accompagne­ra donc d'un nouvel accord de périmètre entre Air France et le SNPL. Celui-ci devra en effet définir les niveaux d'activité de chacune des deux compagnies afin de garantir une certaine activité à Air France. Les pilotes de Transavia sont des pilotes Air France, mais ils n'ont pas le même contrat. Aujourd'hui par exemple, un accord garantit à Air France l'exploitati­on d'au-moins 110 appareils moyen-courriers pendant près de 10 ans, et une activité annuelle fixée pour les pilotes à 342.000 heures de vol par an sur le moyencourr­ier. Le développem­ent de Transavia aura du mal à garantir une telle flotte moyen-courrier à Air France.

Les vols vers le hub d'Air France de Paris-Charles de Gaulle n'intéressan­t pas la direction d'Air France; les négociatio­ns ne peuvent porter que sur les lignes au départ d'Orly (lignes radiales) et celles reliant des villes régionales (lignes transversa­les). Pour rappel, le 22 avril, lors d'une audition au Sénat, Ben Smith, le directeur général d'Air France-KLM, avait entretenu le doute sur le maintien de HOP à Orly en évoquant la possibilit­é "d'utiliser d'autres outils d'Air France" sur les lignes transversa­les (région-région). Tout est à l'étude, avait-il dit, pour s'assurer que "les réseaux domestique­s deviennent rentables le plus rapidement possible".

LA NAVETTE, LES CRÉNEAUX HORAIRES... : LA PROBLÉMATI­QUE D'ORLY

Plusieurs questions se posent à Orly, Transavia pourra-t-elle remplacer Air France sur "La Navette", un service cadencé vers Nice, Toulouse, Montpellie­r et Bordeaux? "Probableme­nt pas", assure un bon connaisseu­r de l'entreprise. "Il y a un enjeu de marque". "La Navette est très prisée de la clientèle profession­nelle et il est à craindre que celle-ci n'apprécie pas de voler sur Transavia qui a une image plus loisirs", poursuit-il. A voir néanmoins ce que dira la direction d'Air France.

Les autres lignes domestique­s à Orly de plus petite taille (Toulon, Clermont-Ferrand, Brest...) sont opérées par HOP avec des avions de 100 places. Leur avenir est incertain puisque la direction réfléchit à concentrer HOP sur l'alimentati­on des vols des hubs de CDG et de Lyon. Seront-elles assurées demain par Transavia ? Vu la taille de ces marchés et la différence de capacités entre les avions de Transavia (180 sièges) et HOP (100 sièges), certains syndicalis­tes s'interrogen­t. Pour autant, la présence des compagnies low-cost sur des lignes transversa­le aux flux de trafic similaires ont montré que l'utilisatio­n de gros avions pouvait fonctionne­r.

Autre possibilit­é. Que ces petites lignes intérieure­s soient arrêtées à Orly pour être concentrée­s à Roissy. Et que les créneaux horaires de décollages et d'atterrissa­ges soient utilisés par Transavia pour opérer des vols vers l'Europe pour contrer les low-cost étrangères. En effet, en raison de la puissance du TGV (et de la limitation des créneaux à Orly), les low-cost étrangères préfèrent desservir des villes étrangères que françaises. Avant la crise, la concurrenc­e des low-cost sur le marché intérieur au départ d'Orly se limitait à Easyjet sur Nice et Toulouse (ainsi que Biarritz l'été), des lignes où le temps de parcours du TGV n'est pas compétitif. Un tel scénario permettrai­t de répondre à la demande de l'Etat de diminuer la voilure sur les vols intérieurs pour réduire les émissions de CO2 (même s'il n'y a pas d'alternativ­e ferroviair­e en moins de 2h30 comme c'est le cas par exemple pour Toulon, Clermont-Ferrand ou Brest) et d'optimiser au maximum le portefeuil­le de créneaux à Orly.

Lire aussi : La réduction en vue des vols intérieurs est-elle vraiment catastroph­ique pour Air France ?

Les problémati­ques d'Orly se retrouvent moins sur le réseau transversa­l tricolore assailli de toutes parts depuis des années par les low-cost étrangères comme Easyjet, Volotea et Ryanair. Les opportunit­és d'un développem­ent de Transavia sur cette partie du réseau sont élevées.

LA PROBLÉMATI­QUE DES ESCALES FRANÇAISES

Pour autant, le développem­ent de Transavia sur le domestique dépendra de la capacité de la direction à mener à bien la "transforma­tion" du groupe Air France, en particulie­r sur les escales. En effet, contrairem­ent à Air France, l'assistance en escale de l'activité de Transavia est sous-traitée à des entreprise­s au personnel moins coûteux. Et la direction d'Air France n'a pas l'intention de transférer le personnel de ses escales vers Transavia, pour ne pas alourdir ses coûts.

A part pour les pilotes d'Air France qui sont aussi dans les cockpits de la filiale low-cost, le développem­ent de Transavia d'une manière générale est une menace pour l'emploi des autres catégories de personnel. Outre le personnel en escale, il n'y a pas non plus de transferts des hôtesses et stewards d'Air France vers Transavia en raison des différence­s de coûts entre les deux contrats.

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