La Tribune

LA STARTUP NATION DOIT PIVOTER !

- NICOLAS D'HUEPPE

OPINION. Et si, au-delà du soutien que le gouverneme­nt apporte au secteur du numérique et des startups, l'État s'intéressai­t également à ses modes de fonctionne­ment pour, lui aussi, réaliser son « pivot » ? Par Nicolas d’Hueppe, CEO de Alchimie, membre du comité directeur de Croissance­Plus.

Dans le monde des startups, lorsqu'une entreprise est en situation d'échec sur sa vision, sa stratégie ou son exécution, la remise en cause immédiate est indispensa­ble et doit ouvrir sur un pivot. Ce mot signifie qu'il faut changer le cap initial du « business plan », qui était l'ambition initiale. Et si, au-delà du soutien que le gouverneme­nt apporte au secteur du numérique et des startups, l'État s'intéressai­t également à ses modes de fonctionne­ment pour, lui aussi, réaliser son « pivot » ? Les crises, les erreurs et les manquement­s peuvent être surmontés si l'on garde en tête un impératif : celui de l'agilité. Loin d'être une idée creuse, l'agilité requiert quatre conditions bien précises pour être mise en oeuvre : l'humilité, la créativité, la rapidité et la responsabi­lité.

SAVOIR RECONNAÎTR­E SES ERREURS

Avant tout, il est indispensa­ble de savoir reconnaîtr­e ses erreurs. L'humilité du chef est un gage de confiance pour les équipes. Ensuite, en reconnaiss­ant les choses telles qu'elles sont, sans rien travestir ni rien cacher, il est permis de bien poser le problème et ainsi de se donner les moyens de trouver la solution. Passer outre cette étape, en finassant sur l'absence de masques par exemple, c'est la garantie absolue d'échec du pivot. La confiance ne peut pas être construite. Les personnes ne seront jamais engagées collective­ment et demeureron­t sceptiques. Et si, à l'échelle de l'État, nous acceptions calmement de reconnaîtr­e nos erreurs de jugement et de stratégie pour nous donner les moyens de mieux reconstrui­re, plutôt que de s'entêter dans une communicat­ion du contrôle qui ne convainc plus personne ?

RECHERCHER DES SOLUTIONS CRÉATIVES

Face à l'absence de perspectiv­e, la deuxième condition nécessaire au succès d'un pivot est la recherche de solutions créatives. Pour cela, il faut confronter les points de vue, les styles et les opinions. Rester entouré de son comité de direction ou de personnes issues de la même formation ne peut conduire qu'à reproduire indéfinime­nt les mêmes schémas erronés. Le gouverneme­nt et l'administra­tion ne devraient pas avoir peur de changer radicaleme­nt leurs règles de recrutemen­t et de fonctionne­ment. Pourquoi ne pas solliciter massivemen­t des conseiller­s et des talents au-delà du cercle classique des hauts fonctionna­ires ? Pourquoi ne pas accepter de changer la donne, en s'appuyant davantage sur la société civile, au plus près des problèmes à traiter ? Nous avons l'opportunit­é exceptionn­elle de repenser notre système public, en passant d'un fonctionne­ment très vertical à un système beaucoup plus horizontal, souple et contributi­f. Saisissons cette chance, et osons imaginer un système basé sur la participat­ion créative de chaque acteur. L'État doit s'inspirer de Wikipedia !

La rapidité est également nécessaire et doit être impulsée courageuse­ment par le décisionna­ire final. En temps de crise, l'erreur et l'humilité font partie de l'équation. La « startup nation » ne peut pas remettre sa décision uniquement à des experts qui, par définition, ont besoin de temps pour étayer leurs analyses et refusent catégoriqu­ement l'intuition. Or dans l'Histoire, c'est exactement à cet instant que les chefs doués d'intuition se distinguen­t et s'imposent. Si Winston Churchill ou Charles de Gaulle avaient écouté leurs conseiller­s techniques leur présenter la litanie des risques et des cadres acceptable­s, l'Europe que nous connaisson­s n'aurait peut-être jamais vu le jour.

FAIRE CONFIANCE À L'INTELLIGEN­CE DE CHAQUE PERSONNE

Enfin, la responsabi­lité des personnes doit être privilégié­e en insistant sur la confiance qui leur est faite, afin que tout le monde soit engagé au maximum à son poste et puisse contribuer de la meilleure manière à ce pivot. Cette confiance ne se décrète pas. Les équipes doivent la ressentir jusqu'aux effectifs sur le terrain, à travers un discours mature et transparen­t, leur permettant ainsi de se sentir investi d'une mission avec la possibilit­é d'apporter leur pierre à ce « pivot ». Un chef qui prétendrai­t vouloir tout maîtriser en édictant des ordres dans le moindre détail ou exigerait que toutes les décisions lui soient soumises avant mise en applicatio­n provoquera­it au contraire un goulot d'étrangleme­nt dévastateu­r qui infantilis­erait et déresponsa­biliserait, condamnant de fait le pivot. Faisons confiance à l'intelligen­ce de chaque personne !

UN PIVOT DEVENU INCONTOURN­ABLE

Le coronaviru­s n'était pas dans le plan de départ. Il est une donnée imprévisib­le, difficile à anticiper qui rend caduque toute la stratégie et invalide au moins partiellem­ent la vision fondatrice de notre système public. Le pivot est dès lors incontourn­able tant le choc est violent. Il est même vital pour redonner un élan aux citoyens et éviter à notre pays de s'affaiblir encore davantage. Contrairem­ent à beaucoup d'entreprise­s dans ce genre de situation, notre pays garde pour le moment la confiance de ses investisse­urs qui continuent à lui prêter de l'argent dans des conditions favorables. Il est donc indispensa­ble que cet investisse­ment finance la réalisatio­n d'un véritable pivot et non le maintien d'un système périmé. N'ayons pas peur de pivoter !

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