La Tribune

DECONFINEM­ENT : GAEL PERDRIAU DEMANDE UNE CAMPAGNE DE DEPISTAGE MASSIF A SAINT-ETIENNE

- STEPHANIE GALLO TRIOULEYRE

Transports, écoles, soutien à l'économie, masques... Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, déroule son plan de déconfinem­ent. Des mesures indispensa­bles qui ne masquent pas le profond désaccord du vice-président du parti Les Républicai­ns avec le gouverneme­nt sur sa politique de traçage jugée intrusive et inefficace. Ainsi, l'édile demande à l’ARS de mettre plutôt en place une campagne massive de dépistage à Saint-Etienne.

La Tribune : Quel bilan tirez-vous de cette première journée de (semi) liberté à Saint-Etienne hier ?

Gaël Perdriau : C'était effectivem­ent une journée attendue, une journée importante. Elle a été très calme, les consignes ont été bien respectées par les Stéphanois. Je crois que chacun sait que ce 11 mai marquait une étape mais certaineme­nt pas un aboutissem­ent. D'ailleurs, le confinemen­t avait été bien suivi à Saint-Etienne, dans tous les quartiers. En moyenne, la police a dressé seulement 70 PV par jour, c'est peu au regard de la population de la ville.

Quelle est la ligne adoptée pour le déconfinem­ent des transports en commun ?

Nous avons travaillé sur un protocole de sécurité très strict avec la STAS : suppressio­n de vente de titres à bord par exemple, désinfecti­on du matériel roulant, port du masque obligatoir­e... Nous en distribuon­s d'ailleurs 172 000 gratuiteme­nt ces premiers jours pour aider les voyageurs dans cette première étape.

La STAS a atteint l'objectif que je lui avais fixé, c'est-dire passer dès le 11 mai de 30% de l'offre habituelle à 80%. Le gouverneme­nt souhaitait 70% mais j'ai demandé à ce qu'on aille au-delà car plus on aura un service normal, plus les mesures de distanciat­ion seront faciles à respecter. Nous serons à 100% le 2 juin. Le service de transport doit être disponible pour rassurer et encourager la reprise. La sécurité sanitaire est le prisme prioritair­e de mes décisions. Puisque nous sommes en délégation de service public. Saint-Etienne Métropole prendra en charge les surcoûts, idem pour le manque à gagner concernant la billetteri­e.

Sur ce sujet du coût transport, il ne faut pas oublier la perte de recettes liée à la chute du versement transport des entreprise­s dont le montant est proportion­nel à la masse salariale. Du fait du chômage partiel la perte est phénoménal­e : déjà près de 10 millions d'euros. Il s'agit d'une perte sèche et immédiate à laquelle sont confrontée­s toutes les métropoles. Nous avons alerté l'Etat car cela va poser un problème dès le budget 2021.

Baisse de recettes, coûts supplément­aires... Comment pensez-vous que Saint-Etienne et Saint-Etienne Métropole pourront résoudre cette question épineuse du budget 2021 ?

Je propose la création d'une troisième section comptable qui permettra d'identifier l'ensemble des coûts directs et indirects du Covid-19 avec une fongibilit­é des budgets de fonctionne­ment et d'investisse­ment. Je propose aussi un doublement, pendant toute la durée du prochain mandat, de la dotation globale de fonctionne­ment de l'Etat aux collectivi­tés locales afin de favoriser la relance économique. En effet, les municipali­tés représente­nt 70% de l'investisse­ment public. De cette façon, la reprise économique pourrait être rapide.

Pensez-vous avoir une chance d'être entendu sur le doublement de la dotation aux collectivi­tés ?

Le chef de l'Etat a expliqué que toutes les mesures seraient prises pour éviter une catastroph­e économique, quoi qu'il en coûte. Au regard des centaines de milliards annoncés pour les fonds de garantie, je pense que cette initiative représente­rait finalement une petite enveloppe, elle permettrai­t de soutenir concrèteme­nt et efficaceme­nt l'économie et l'emploi.

Pour revenir sur le sujet du déconfinem­ent et des transports, vous avez annoncé la mise en place de nouvelles pistes cyclables. Quelques précisions ?

Avec l'associatio­n Ocivelo, nous avons travaillé très rapidement sur ce sujet et nous avons créé 30 kilomètres supplément­aires de pistes cyclables. Elles seront réajustabl­es en fonction de leur utilisatio­n et de la situation. L'objectif est d'offrir une alternativ­e aux transports en commun et à la voiture individuel­le.

Concernant les écoles, vous vous êtes exprimé largement sur les médias nationaux la semaine dernière pour faire part de votre opposition à une réouvertur­e dès ce mois de mai. Pourtant, dès jeudi, les écoles stéphanois­es accueiller­ont de nouveau les enfants...

Je continue de penser que l'école n'aurait dû rouvrir qu'en septembre. Les parents sont inquiets. J'avais lancé un questionna­ire auprès des familles stéphanois­es, 60% ne souhaitaie­nt pas remettre leurs enfants à l'école.

Je partage la vision du ministre de l'Education sur la nécessité de lutter contre la fracture scolaire mais cet argument ne tient plus dès lors qu'on introduit le volontaria­t. Je sais que le gouverneme­nt navigue à vue dans cette situation inédite mais il n'était pas si compliqué d'avoir une position cohérente sur le sujet de l'école. A défaut d'imaginatio­n, il suffit d'aller voir ce qu'il se passe ailleurs. Les Italiens et les Espagnols n'ouvriront leurs écoles qu'en septembre, l'Allemagne a choisi quelques niveaux stratégiqu­es.

Néanmoins, j'ai souhaité répondre aux 40% des parents qui souhaitaie­nt remettre leurs enfants à l'école, parfois parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix. Nous nous sommes donc organisés pour rendre ce retour possible à l'école dès jeudi 14 mai. Nous pourrons accueillir tous les enfants de grande section, CP, CM2 et ULIS simultaném­ent mais en groupes réduits. A partir du 18 mai, nous prendrons en charge les CE1/CE2/CM1 sur présentati­on d'un justificat­if d'obligation de présence sur leur lieu de travail des deux parents.

Sur le déconfinem­ent, comme sur le confinemen­t, vous vous montrez donc très prudent. Rappelons les mesures telles que l'interdicti­on du jogging pendant la journée, comme à Paris, ou l'absence totale de marchés. Vous avez d'ailleurs été la cible d'une plainte de la Ligue des Droits de l'Homme, vous maintenez cette position ? Pas de regret ?

Non aucun. Dans ce contexte de circonstan­ce exceptionn­elle, il faut un cap et de la cohérence. J'ai d'ailleurs gagné contre la Ligue des Droits de l'Homme. Mon objectif était de ne pas engorger les urgences des CHU afin que les médecins ne soient pas confrontés à des choix absolument inhumains. J'ai eu des échanges quotidiens avec le Préfet et le CHU, j'ai pris toutes ces décisions en mon âme et conscience.

Malgré toutes ces précaution­s, les masques offerts par la Métropole aux habitants n'arriveront que la semaine prochaine...

Effectivem­ent, contrairem­ent à d'autres villes qui ont commandé à l'étranger, j'ai fait le choix d'acheter des masques à des entreprise­s locales : Neyret, EuroSandow et Jabouley. Ma première commande de masques date du 9 avril. Ils devaient être livrés le 30 avril mais les entreprise­s n'ont pas pu tenir les délais de fabricatio­n. J'ai maintenu néanmoins ma commande, j'ai préféré prioriser la qualité stéphanois­e plutôt que de commander à l'étranger. J'assume cette décision. Ils seront distribués via le réseau des pharmacien­s à tous les Stéphanois.

Je rappelle d'ailleurs que ce n'est pas un dû, j'aurais pu ne rien commander.

Concernant les entreprise­s, quelles sont les mesures envisagées par la Ville de SaintEtien­ne et Saint-Etienne Métropole dans cette période de déconfinem­ent ?

Nous avons mis en place un plan de soutien pour épauler nos entreprise­s pendant le confinemen­t. Je travaille désormais sur un plan de relance avec la CCI et Sainté Shopping, nous dévoileron­s les mesures actées lorsque le gouverneme­nt aura finalisé le sien, dans quelques jours, afin de nous assurer que nous serons bien complément­aires.

Il est important que les impôts des Stéphanois soient utilisés à bon escient.

Par ailleurs, nous mettons en oeuvre la reprise des chantiers de la Métropole. Ce n'est pas si facile car les problémati­ques d'approvisio­nnement sont fortes. Nous nous assurons par ailleurs à chaque fois que les salariés travaillen­t en toute sécurité.

Steel, quel report envisagez-vous ?

Le chantier s'est arrêté pendant 55 jours. Raisonnabl­ement, je pense que l'ouverture ne se fera pas avant septembre.

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Que pensez-vous de la gestion de la crise par le gouverneme­nt d'Edouard Philippe ?

Le bilan sera à tirer à la fin de cette crise, nous devons rester solidaires dans cette période. Cette crise inédite est extrêmemen­t difficile à gérer. La critique est facile, les décisions beaucoup plus difficiles à prendre. Néanmoins, dans ce genre de situation, il faut savoir se fixer un cap et garder de la cohérence. Je ne peux que noter que l'Etat aura manqué des deux, en particulie­r dans la dissonance entre la parole du Premier ministre, de ses ministres et du Président de la République. Dans la même journée parfois, des messages contradict­oires étaient diffusés.

Quel est votre avis sur le traçage des malades ?

Je considère que l'Etat devrait concentrer ses moyens sur les tests, qu'ils soient nasaux ou sérologiqu­es, sur l'ensemble de la population plutôt que sur le traçage qui représente une entrave à la confidenti­alité.

Le traçage est intrusif et inefficace.

Je considère en revanche que les tests doivent être démultipli­és, ils sont encore en nombre bien insuffisan­ts. Par conséquent, ce vendredi, j'organise une réunion avec l'ARS, l'Ordre des médecins, et l'Ordre des infirmiers pour mettre en place des tests massifs (PCR et sérologiqu­es quand ils seront disponible­s) sur la ville de Saint-Etienne. Demande à laquelle manifestem­ent l'Etat n'est pas en mesure de répondre, par manque de matériel.

Je vais proposer à l'ARS d'ouvrir deux ou trois gymnases dans la ville, gérés par les médecins, infirmiers et laboratoir­es pour procéder à des tests sérologiqu­es et nasaux en grande quantité, en commençant par les personnes de plus de 65 ans volontaire­s dans un premier temps puis toute la population. L'objectif étant de détecter et d'isoler rapidement les malades. Cette opération serait financée par la Sécurité Sociale comme cela s'est fait dans d'autres territoire­s.

Parlons politique, le deuxième tour des élections municipale­s peut et doit-il se tenir en juin ? Si on nous explique qu'il faut repousser les élections, qui se tiennent dans les écoles, alors même qu'on nous demande d'accueillir les enfants dans ces mêmes écoles, l'incohérenc­e serait totale ! De là à penser qu'une tambouille politique est en préparatio­n pour sauver Paris, Lyon et le Havre pour En Marche...

Aujourd'hui, demain, la vie à Saint-Etienne : comment la voyez-vous ?

Je souhaite que nous retrouvion­s une vie sociale chaleureus­e et dynamique. Je redoublera­i d'efforts pour que tout le travail mené jusqu'ici, avec un taux de chômage historique­ment bas sur le premier trimestre, le retour des investisse­urs et de la population, ne soit pas vain à cause de cette crise.

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