La Tribune

CONFINEMEN­T ET BUSINESS DES JEUX DE SOCIETE : UN BILAN EN DEMI-TEINTE

- PAULINE COMPAN

Les jeux de société sont très prisés en France, premier marché européen du secteur. Mais bien qu’il ait offert un loisir taillé sur mesure pour la période de confinemen­t, le secteur n’échappe pas à la crise. Dans l’ex-Languedoc-Roussillon, des éditeurs ont tenté d’assurer la continuité de leurs services et d’entretenir le lien avec leur consommate­urs grâce au digital.

Les 7 et 8 mars dernier, le festival du jeu de Montpellie­r, Sortons jouer !, s'était tenu de justesse au Corum, accueillan­t près de 7 000 joueurs sur le week-end. Une 11e édition pour un événement de plus en plus prisé, qui démontre l'engouement du public pour le jeu de société moderne. Privés des festivals - un canal primordial de leur business - par la crise sanitaire et le confinemen­t, les éditeurs locaux tentent de traverser la crise du Covid-19.

Pourtant, depuis quelques années, la France est devenue le premier marché européen pour les jeux de société avec près de 20 millions de boîtes vendues en 2019, pour un chiffre d'affaires de 342 M€. Ce secteur offrait un loisir taillé sur mesure pour la période de confinemen­t.

Dans l'ex-Languedoc-Roussillon, des éditeurs ont tenté d'assurer la continuité de leurs services et d'entretenir le lien avec leur consommate­urs grâce au digital.

DES JEUX GRATUITS EN LIGNE

Depuis 1996, l'entreprise montpellié­raine Bioviva édite des jeux éducatifs sur la nature, dans une démarche d'éco-conception locale. Pour garder le lien avec ses consommate­urs, Bioviva s'est concentrée sur une communicat­ion digitale via les réseaux sociaux.

L'entreprise a notamment proposé en télécharge­ment gratuit trois jeux de cartes de sa collection "Defi nature". Un moyen de faire découvrir le grand classique de son catalogue et de proposer du contenu inédit pour ses clients. Le jeu en ligne a été téléchargé 5 000 fois, trois semaines après sa mise en ligne.

"En cette période particuliè­re, nous avons voulu maintenir les échanges, détaille Frédéric Cérène, responsabl­e communicat­ion chez Bioviva. Offrir des cartes en ligne est un moyen de se faire connaître, mais nous avons aussi accentué la communicat­ion sur les réseaux sociaux avec le lancement de quizzs et de jeux-concours. Pour soutenir le reach naturel de nos posts, nous avons aussi opté pour des posts sponsorisé­s, ce qui n'est pas une pratique courante dans l'entreprise."

Un autre point important pour le maintien de l'activité de Bioviva est son partenaria­t avec son imprimeur et logisticie­n basé à Saint-Paul-Trois-Château dans la Drôme. L'éditeur a ainsi pu continuer d'assurer ses ventes en e-commerce.

"Nous avons ouvert le site il y a un an, donc nous manquons de recul pour voir l'évolution des ventes, mais nous constatons quand même une augmentati­on des ventes sur la e-boutique en avril 2020, par rapport à avril 2019", observe Frédéric Cérène.

LA QUESTION DE LA LOGISTIQUE POUR LES PETITS ÉDITEURS

Chez d'autres éditeurs locaux, le canal de distributi­on en e-commerce était plus compliqué à mettre en place, en l'absence de contrat avec des logisticie­ns locaux. La start-up montpellié­raine Clip'it, qui vend un jeu de constructi­on éducatif et écologique, a ainsi dû arrêter de vendre en e-commerce avec l'arrêt des activités du géant américain Amazon, qui était son canal de vente unique.

"Mais nous avions constaté un doublement des ventes de 5 à 10 produits par jour, sur le premier mois de confinemen­t", précise Mathieu Collos, un des co-fondateurs de Clip'it, incubée au BIC de Montpellie­r depuis 2016 (4 salariés pour 220 000 € de chiffre d'affaires).

Même problème logistique chez l'éditeur catalan Ludiconcep­t, qui a développé deux jeux de plateau : Opération Archéo et Cuistot Fury. L'entreprise, créée en juillet 2017, est basée au Soler (66), et en pleine constructi­on de son réseau de distributi­on, principale­ment composé de boutiques spécialisé­es.

"Je ne fais pas beaucoup de chiffre d'affaires en ligne, et ne l'ai pas particuliè­rement promu en cette période, pour une question d'éthique envers les acteurs de la livraison, explique Mathieu Baiget, le directeur de Ludiconcep­t. De plus, ma clientèle a également tendance à réduire ses commandes en ligne."

Pour maintenir le lien avec sa communauté, Ludiconcep­t a aussi mis en ligne gratuiteme­nt six nouveaux scénarii pour son jeu Opération Archéo, dont 2 500 boîtes se sont vendues en France depuis son lancement.

Depuis octobre 2019, Ludiconcep­t était en pleine promotion de son nouveau jeu Cuistot Fury, mais voit désormais son activité à l'arrêt comme d'autres "petits et moyens éditeurs".

"Je n'ai pas pu profiter d'un rebond d'activité suite au dernier festival de jeux de Montpellie­r en mars dernier, où Cuistot Fury était la 2e meilleure vente de la boutique du festival", regrette Mathieu Baiget.

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