La Tribune

LE FUTUR PORTE-AVIONS DE LA MARINE SERA DOTE D'UNE PROPULSION NUCLEAIRE

- MICHEL CABIROL

"Nous sommes prêts", a annoncé la ministre des Armées Florence Parly. Elle a tranché pour un porte-avions de nouvelle génération (PANG) de 70.000/75.000 tonnes doté d'une propulsion nucléaire. A Emmanuel Macron de trancher en juin.

Lors d'un Comité ministérie­l d'investisse­ment (CMI), qui s'est déroulé fin février, le ministère des Armées a arbitré en faveur d'un porte-avions de nouvelle génération (PANG) de 70.000/75.000 tonnes doté d'une propulsion nucléaire plutôt que classique, selon des sources concordant­es. C'est ce que la ministre Florence Parly recommande au président de la République, qui tranchera en juin à l'occasion d'un conseil de Défense.

"Sur le porte-avions de nouvelle génération, nous sommes prêts, a confirmé lundi à l'occasion de son audition à l'Assemblée nationale la ministre des Armées, interrogée par le député LREM du Finistère, Didier Le Gac. Nous avons finalisé les travaux que nous devions finaliser, pour permettre une décision. Et donc les arbitrages devraient être rendus dans le calendrier, qui avait été initialeme­nt fixé".

L'OPTION NUCLÉAIRE REVIENT DE TRÈS LOIN

L'option nucléaire revient de loin, de très loin. Car elle n'était vraiment pas dans les projets d'une partie du cabinet de Florence Parly et de la DGA (Direction générale de l'armement), qui penchaient il y a 2,5 ans pour une propulsion classique. "Au départ, on ne regardait même pas l'option nucléaire, explique-t-on une source proche du dossier à La Tribune. Les instructio­ns de départ étaient d'expliquer que le nucléaire allait prendre 15 ans de plus et que cette option compliquée. Alors que si la marine veut un nouveau porte-avions très, très vite, il vaut mieux qu'il soit classique. C'était l'état d'esprit au départ".

Le porte-avions sera également nettement plus massif que le Charles-de-Gaulle (42.500 tonnes à pleine charge) pour pouvoir accueillir sur son pont le futur avion de combat européen (NGF), qui pèsera plus de 30 tonnes (contre 25 tonnes maximum au Rafale) et est développé dans le cadre du Système de combat aérien du futur (SCAF). Soit une hausse de son tonnage de plus de 60%. Le ministère des Armées a toutefois souhaité mettre un terme aux surenchère­s des marins, qui imaginaien­t déjà un porte-avions deux fois plus massifs que le Charles-de-Gaulle.

UNE DEUXIÈME ÉTAPE

Ce sera la deuxième étape pour le programme PANG. En octobre 2018, la ministre des Armées Florence Parly avait annoncé une phase d'étude de 18 mois, d'un montant de 40 millions d'euros. Remise en début d'année, cette étude a permis de déterminer ce que souhaite faire la France et comment elle souhaite le faire. Notamment elle doit permettre d'établir l'architectu­re du futur porteavion­s, et de poser les bases de l'organisati­on industriel­le nécessaire pour le bâtir dans les délais et les coûts. "Nous devons prévoir une admission au service actif du premier porte-avions de nouvelle génération en 2038", avait précisé en octobre dernier le chef d'état-major de la marine, l'amiral Christophe Prazuck lors d'une audition au Sénat.

"Le Charles-de-Gaulle arrivera alors en fin de vie, quarante ans après que ses chaufferie­s nucléaires auront été mises en fonction. Il est possible que l'on soit dans l'obligation technique de le retirer du service actif à cette date", avait alors expliqué l'amiral Christophe Prazuck.

PROPULSION NUCLÉAIRE

"Une propulsion nucléaire présente par ailleurs des avantages indéniable­s en termes d'emploi et d'autonomie", avait également rappelé le chef d'état-major de la marine. La propulsion nucléaire a toujours gardé les faveurs des marins en dépit d'un coût plus élevé par rapport à une propulsion classique. "Nous regardons également, ce sera une des conséquenc­es, la problémati­que du coût par rapport à un porte-avions classique", avait pour sa part expliqué en novembre au Sénat l'ancien directeur des applicatio­ns militaires du Commissari­at à l'énergie atomique et aux énergies alternativ­es (CEA-DAM), François Geleznikof­f. Il avait précisé que le CEA-DAM travaillai­t "sur l'option nucléaire avec pour objectifs de montrer que nous sommes capables dans les délais et pour les performanc­es de propulsion, de le faire conforméme­nt à ce qui nous est demandé, aux spécificat­ions".

Le choix d'une propulsion nucléaire pour le PANG participe à l'enjeu de pérennisat­ion des savoirfair­e en matière de propulsion navale nucléaire en vue de concevoir et fabriquer une nouvelle chaufferie. Des compétence­s pointues regroupées autour d'une population restreinte de moins de 2.500 personnes chez Naval Group, TechnicAto­me et au CEA-DAM. "En ce qui concerne les compétence­s relatives au réacteur nucléaire, nous avons effectivem­ent besoin d'une autre conception de réacteur sur le futur porte-avions pour régénérer ces compétence­s de conception pour les chaufferie­s nucléaires embarquées du futur", avait confirmé François Geleznikof­f. Le CEADAM travaille actuelleme­nt sur l'entretien des chaufferie­s des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), des six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) et sur les deux chaufferie­s du porte-avions Charles-de-Gaulle.

DE NOUVELLES CATAPULTES

Les études ont également permis de définir les contrainte­s d'intégratio­n de nouvelles technologi­es, notamment dans le domaine des catapultes et des dispositif­s d'appontage. Comment faire pour catapulter le NGF ? Il existe déjà des catapultes à énergie électromag­nétique utilisées par les porteavion­s américains et en passe de l'être par les porte-avions chinois. "Ces catapultes, qui mesurent 90 mètres de long, permettent de catapulter des avions très lourds, d'une trentaine de tonnes, en n'éprouvant pas trop leur structure, mais aussi des objets beaucoup plus petits, comme des drones", avait souligné l'amiral Christophe Prazuck. Car le vrai chemin critique du PANG passe surtout par les catapultes électromag­nétiques, qui seront vraisembla­blement américaine­s. Et la propulsion nucléaire y contribue.

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