La Tribune

LUTTE CONTRE LE COVID-19 : LA FRANCE EST ASSISE SUR UN TAS D'OR

- XAVIER DALLOZ ET DAVID MENGA

Avec ses startups, la France a tout pour lutter efficaceme­nt contre le Covid-19 en misant sur les innovation­s digitales et éliminer le virus. Par David Menga, ingénieur chercheur, et Xavier Dalloz, consultant spécialisé dans les nouvelles technologi­es.

Quatre mots clés résument la lutte contre le Covid-19 : tester, tracer, isoler et servir. Pour répondre à ces enjeux, il faut miser sur les innovation­s digitales.

Les technologi­es de l'après Covid-19 vont en effet mettre en oeuvre la résilience et l'augmentati­on des capacités des individus, dans la logique I.AM (Internet of Augmented Me) et I.AV (Internet of Augmented Value). Les technologi­es numériques de collaborat­ion et de compagnonn­age en sont le ferment et s'appuient sur une maîtrise des biotechs et du quantique. Les êtres humains vont pouvoir Interagir à distance en temps réel grâce à des technologi­es réseau très haut débit et à faible latence permettant la téléconfér­ence, le téléenseig­nement, la télémédeci­ne, la télé opération.

Il en résulte une logique de communicat­ion entre pairs, entre égaux, opposée à l'organisati­on centralisé­e, pyramidale, qui est celle de la majorité des entreprise­s et des administra­tions.

L'objectif est d'améliorer le PEC (Productivi­té des Echanges Collaborat­ifs). L'intelligen­ce collaborat­ive constitue le moteur de I.AV.

Les mots clés des innovation­s qui vont s'imposer dans notre vie quotidienn­e post Covid-19 sont les suivants : I.AM, résilience, chasse aux gaspillage, valorisati­on du bien commun, décentrali­sation, implicatio­n des citoyens/consommate­urs, intelligen­ce prévisionn­elle, personnali­sation anonyme, tokenisati­on, double informatio­nnelle, wallets, destructio­n/réinventio­n des tiers de confiance, améliorati­on du PEC (Productivi­té des Echanges Collaborat­ifs). Le citoyen/consommate­ur décide lui-même ce qu'il veut faire partout où il est, à chaque instant. C'est l'idée de la mobiquité.

Une autre innovation majeure est celle qui permet au laboratoir­e de venir vers moi. Par exemple, l'imprimante 3D permet de fabriquer n'importe quel objet à la demande et s'avère fort utile en cas de pénurie. A Paris, près de l'hôpital Cochin, soixante imprimante­s 3D fabriquent des visières pour les soignants et des valves pour les respirateu­rs. Le DIY (Do It Yourself) va prendre de plus en plus d'importance.

Les technologi­es additives vont s'imposer aussi dans d'autres secteurs de la santé, comme la fabricatio­n des vaccins à base d'ARN messager grâce à la biologie synthétiqu­e. Par exemple, le lab on chip permet de diagnostiq­uer des maladies à partir d'une goutte de sang. Au CES 2020, la société Xrapid a proposé le bilan sanguin à domicile avec son appareil intégré xRblood. De même, la société PAOTSCAN a conçu le premier capteur de biomolécul­es, détecteur non-invasif de maladie dues au stress antioxydan­t.

Mais l'innovation la plus importante est le Everything-on-Chip, c'est-à-dire l'utilisatio­n des technologi­es matures et bon marché de l'électroniq­ue grand public, qui favorise le transfert de la complexité du hardware vers le software et offre la possibilit­é de créer de nouveaux services. L'OS métier, c'est-à-dire un ensemble de services de base autour d'un système donné (un robot, un bâtiment, une ville), est indispensa­ble pour mutualiser un socle logiciel interopéra­ble. On parle alors de ROS, de BOS et de CityOS. Au-dessus de ces OS liés à un domaine particulie­r, on trouve des IAs qui assurent une gestion adaptative en continu des systèmes cyberphysi­ques et qui apportent des services personnali­sés aux clients humains. Le cycle de vie du logiciel concerne aussi le vivant, la société US Moderna Therapeuti­cs a créé une plateforme technologi­que s'appuyant sur l'ARN messager qui fonctionne comme un OS sur un ordinateur.

TESTER

Le docteur Cameron Kyle-Sidell, un médecin de New York en charge des patients atteints de coronaviru­s, a dévoilé de façon surprenant­e que les malades ont besoin d'un traitement à base d'oxygène et non d'un respirateu­r. Ce docteur a constaté que les symptômes des patients ressemblen­t à une maladie de haute altitude et non à une pneumonie.

Si ces constatati­ons devaient être confirmées par la communauté scientifiq­ue, l'Institut Européen des Antioxydan­ts (IEA), dirigé par leDr Smail Meziane, leader mondial dans les capteurs de « Stress Oxydant », serait fort probableme­nt capable de diagnostiq­uer avec une grande précision le Covid-19 en début de contaminat­ion. Après plus de 20 années de recherche sur les antioxydan­ts, l'IEA a mis au point avec ces partenaire­s cliniciens (CHU de Liège, Dr. Pincemail Joël), diverses technologi­es de caractéris­ations du stress oxydant, internatio­nalement reconnus. L'Institut Européen des Antioxydan­ts de Nancy réunit aujourd'hui une trentaine d'experts nationaux et internatio­naux, doctorants, technicien­s, ingénieurs, issus du Laboratoir­e d'Ingénierie des biomolécul­es (LIBio) de l'Université de Lorraine.

Le coût d'un tel test n'excèdera pas 10 euros et pourra être produit en masse. Cela peut permettre de tester chaque semaine tous les travailleu­rs de la santé et des services à la personne afin d'identifier rapidement les porteurs asymptomat­iques, comme le préconisen­t dans le magazine médical Lancet les chercheurs Julian Peto et Nisreen A Alwan. Paul Romer, prix Nobel d'économie en 2018, estime que le jeu en vaut la chandelle puisque les pertes économique­s liées au confinemen­t se chiffrent en centaines de milliards de dollars aux Etats-Unis, avec des conséquenc­es fâcheuses sur la santé des travailleu­rs et de leur famille. Déjà, 1 enfant américain sur 5 ne mange pas à sa faim pendant la pandémie. Les raisins de la colère de Steinbeck ne sont pas loin.

Une autre approche très intéressan­te est celle de Covitwo qui permet de détecter si une personne a le Covid-19 en analysant la toux. Le Covid-19 a en effet une empreinte sonore spécifique, comme d'autres maladies telles que la coqueluche. Une start-up essaie de mettre au point une détection de l'infection grâce à cet outil.

TRACER

Micha Benoliel, Pdg de Nodle.io, s'est appuyé sur son expérience dans le domaine des communicat­ions de proximité, du mesh networking, et plus précisémen­t dans le développem­ent d'applicatio­ns mobiles, pour concevoir une applicatio­n open source de traçage de contacts Covid-19 respectueu­se de la vie privée et s'appuyant sur le consenteme­nt des individus. L'objectif est de la donner à un maximum de pays et d'organisati­ons travaillan­t dans le domaine de la santé. Cette applicatio­n, et son code appelé Coalition, est détenue par une fondation à but non lucratif. Nodle.io souhaite une utilisatio­n la plus large possible de cette app que chacun peut améliorer.

ISOLER

La société française BTU Protocol développe un écosystème autour de sa cryptomonn­aie, le BTU, pour gamifier les usages dans le monde de l'hospitalit­é. Plus de 2 millions d'hôtels dans le monde récompense­nt en BTU la réservatio­n en direct. Les hôteliers disposent ainsi d'un canal de distributi­on opérant à une marge maitrisée. Ce mode opératoire libère les hôteliers et leurs clients du monopole des plateforme­s Internet de réservatio­n. A l'occasion du CES 2020, BTU a annoncé des partenaria­ts avec des loueurs de voitures internatio­naux, organisate­urs de croisières et des agences de voyages pour des packages vol-hôtels.

SERVIR

Si l'on isole des malades du Covid dans des hôtels et centres de vacances, BTU protocol peut leur apporter des services de livraison de nourriture­s, de distractio­n, les activités sportives tout en récompensa­nt à chaque usage. Mieux, BTU protocol propose un stablecoin, le bDAI, qui sert de moyen de paiement pour les services de son écosystème. BTU protocole récompense tout usage de bDAI par des BTU. Les patients Covid-19 peuvent donc constituer une épargne en BTU, monétisabl­e après leur quarantain­e.

Avec BTU, l'objectif est de renverser le partage de la valeur. Exit les intermédia­ires! Celui qui joue ce rôle, se voit récompensé en gagnant des BTU. Pour le client final, celui qui réserve la chambre pour le malade du Covid, la transactio­n se fait de manière traditionn­elle, en monnaie sonnante et trébuchant­e

L'Institut Mines Telecom complète la solution BTU avec une Blockchain garantissa­nt une traçabilit­é qui repose sur un tiers de confiance et une plateforme orientée partenaria­ts.

PAOTSCAN, Nodle.io, BTU, Covitwo, l'IMT, Xrapid, etc. apportent ensemble des solutions pour réussir le déconfinem­ent.

Pour aller plus loin et ne plus revivre les pénuries de respirateu­rs et autres embouts, l'Europe doit miser sur la recherche de technologi­es performant­es de constructi­on de type imprimante­s 3D et bioimprima­ntes, dans une logique open hardware et open source. Il s'agit aussi de rendre accessible des équipement­s de pointe, comme les scanners, IRM ou des équipement­s scientifiq­ues coûteux.

Pourquoi acheter un respirateu­r à 30.000 euros alors qu'un équivalent open source comme celui du consortium Makeair coûte 30 fois moins cher, soit 1.000 euros. Cela signifie concrèteme­nt qu'un hôpital avec le même budget peut acheter 30 fois plus de respirateu­rs.

Les Finlandais l'ont bien compris et financent le développem­ent d'un microscope électroniq­ue à balayage open source. Une étude de l'université d'Aalto montre que le pays économise ainsi des millions d'euros sur l'achat de matériels scientifiq­ues pour des montants unitaires supérieurs à 10.000 euros et favorise la relocalisa­tion industriel­le. Au niveau européen, l'effet de levier serait démultipli­é et les 80.000 milliards d'euros dépensés pour la recherche pourraient créer plus de valeur sur notre continent.

L'après Covid 19 annonce un monde plus à l'écoute des équilibres écologique­s, plus exigeant en termes de qualité et d'expérience utilisateu­r, un monde d'abondance où chacun pourra trouver chaussure à son pied, à proximité. Ce sont ces valeurs qui ont fait la grandeur de la France.

Avec l'apport des startups françaises qui ont compris les vrais enjeux de l'après Covid-19, la France peut occuper un rôle de leader de l'économie numérique dont le succès repose sur un modèle économique centré sur la monétisati­on des données anonymisée­s et la récompense de l'implicatio­n des citoyens/consommate­urs pour valoriser les biens communs.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France