La Tribune

NOUVEAUX MODES DE TRAVAIL: LE TEMPS DE LA DE-DENSIFICAT­ION EST-IL VENU ?

- SANDRA BOHNE

Qui en période de confinemen­t ne s'est pas questionné sur son mode de vie, son environnem­ent mais au-delà sur l'avenir du pays et nos manières de consommer, de travailler, de se déplacer, etc. ? Par Sandra Bohné, responsabl­e innovation dans un groupe bancaire.

Et si la solution pour le monde d'après crise résidait dans la décentrali­sation, grâce au travail à distance et à « l'hyper régionalis­ation » des entreprise­s ? A rebours des stratégies de concentrat­ion dans les grandes métropoles, dans les dits pôles urbains, le temps ne serait-il pas à la dédensific­ation et finalement à la réappropri­ation des territoire­s français dans leur ensemble ?

Qui en période de confinemen­t ne s'est pas questionné sur son mode de vie, son environnem­ent mais au-delà sur l'avenir du pays et nos manières de consommer, de travailler, de se déplacer, etc. ?

RÉINVESTIR L'ENSEMBLE DES VILLES QUELLE QUE SOIT LEUR TAILLE

Si la crise met en évidence de façon brutale toutes les limites de nos logiques de densificat­ion avec, outre les problémati­ques sociales et environnem­entales qui y sont associées, des conditions propices à la propagatio­n extrêmemen­t rapide d'un virus comme le COVID-19, elle témoigne aussi, sous une tonalité plus optimiste, de nos capacités à nous ajuster et à renouveler nos manières de faire, même si l'impulsion est donnée (trop souvent) sous la contrainte. Un des symboles de cette adaptation se caractéris­e par la montée en puissance du travail à distance dans bon nombre d'activités. Bien sûr tout le monde n'est pas concerné - tous les métiers, comme, entre autres, ceux en clientèle physique ou en usines ne se prêtant pas à l'exercice - mais il n'empêche qu'une part non négligeabl­e d'actifs l'est, permettant dès lors d'envisager un nouveau paradigme.

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En l'occurrence, ces constats mis en regard avec les travaux de Christophe Guilluy sur la France périphériq­ue interrogen­t sur la « désertific­ation » de territoire­s, l'isolement, la géographie de l'emploi, l'accès aux services ou encore la mixité sociale mais ouvrent aussi et surtout une possible issue.

« Le jour d'après, quand nous aurons gagné, ne sera pas un retour au jour d'avant » comme le formule Emmanuel Macron. Alors pourquoi ne pas en profiter pour « renverser la table » et, à cette fin, réinvestir l'ensemble des villes, quelle que soit leur taille, et même villages ? Tout n'étant toujours que révolution (au sens premier du terme, à savoir une forme de retour « augmenté »).

ENTAMER UN VRAI VIRAGE

Utopique ? Non, pas forcément si l'on considère plusieurs facteurs existants et tendances, dont la conjonctio­n pourrait permettre de soutenir cet objectif :

- le développem­ent du travail à distance, notamment pour les salariés des entreprise­s implantées dans les très grandes agglomérat­ions (à raison par exemple de 4 jours par semaine), beaucoup ayant démontré toute leur capacité en cette période à promouvoir ce système à temps plein,

- des réseaux de transports et de routes vastes en France qui permettent de multiples connexions entre les territoire­s, avec une innovation dans le domaine autour de l'électrique qui s'accélère,

- l'hyper-régionalis­ation des sièges d'entreprise­s, - des équipes multi-sites, travaillan­t ensemble alors que séparées de centaines de kilomètres,

- la constructi­on d'espaces de co-working pour lutter contre un isolement social qui pourrait être pointé lorsque l'on évoque le travail à distance.

Si tant est que l'on veuille entamer un vrai virage, et que l'on accepte de poursuivre dans cette voie, le rayonnemen­t pourrait prendre de multiples facettes, bien plus larges qu'imaginées de prime abord.

L'EMPLOI COMME CLÉ DE REDYNAMISA­TION DES TERRITOIRE­S

Installati­on étendue sur le territoire permise pour une partie de travailleu­rs aujourd'hui vraisembla­blement contraints d'habiter en proximité du siège de leur employeur (et même si cela ne touchait qu'un pan minoritair­e d'employés et de cadres - en confinemen­t, 5 millions d'individus en télétravai­l - ce serait toujours cela de pris !), désengorge­ment des transports, mixité sociale (notamment à l'école), retour d'une offre de services plus importante dans des zones où elle est devenue insuffisan­te, expansion des circuits-courts et du « consommer local », qualité de vie supérieure,... et également économies pour les sociétés en termes de locaux (prix au mètre carré moindre, surface moindre)... sans oublier les impacts positifs sur le volet sanitaire. En somme, un cercle vertueux, qui fait écho à la concrétisa­tion de phénomènes émergents ou déjà bien ancrés.

Au fond, si l'emploi était différent, autrement implanté ou en partie « distancié », une autre France pourrait être dessinée. Ainsi, pour changer profondéme­nt les choses, l'emploi devrait, sans doute, être la première brique à faire évoluer, la clé du reste du système et précisémen­t celle de la redynamisa­tion des territoire­s.

Et la crise actuelle nous montre en tous cas que ce changement est possible, à la faveur des moyens modernes et d'une responsabi­lisation tant individuel­le que collective. A l'inverse d'un repli sur soi, cela pourrait faire émerger une ouverture nouvelle...

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