La Tribune

COVID-19 : PLUS DE 12 MILLIONS DE PERSONNES AU CHOMAGE PARTIEL, LES CONTROLES S'ACCENTUENT

- GREGOIRE NORMAND

Au 11 mai, un million d'entreprise­s avaient déposé des demandes d'activité partielle pour 12,4 millions de salariés, soit 300.000 salariés de plus en une semaine, selon la Dares (le service statistiqu­es du ministère du Travail). Une hausse qui marque le pas nettement par rapport aux semaines précédente­s.

Le recours au chômage partiel ne cesse de s'amplifier. En France, selon le dernier bilan de la direction statistiqu­e du ministère du Travail publié ce mercredi 13 mai, plus de 12,4 millions de salariés sont concernés par ce dispositif. Ces demandes ont été formulées par 1,015 million d'entreprise­s. La paralysie de l'économie française pendant les huit semaines de confinemen­t a obligé beaucoup de dirigeants à avoir recours à ce type de mécanisme appliqué dans un grand nombre de pays européens.

Avec le début du déconfinem­ent, ces chiffres devraient se stabiliser, voire ralentir dans les prochaine semaines sauf si de nouveaux foyers de contagion apparaisse­nt dans des zones fortement peuplées. Le 11 mai marque le début d'une levée de certaine restrictio­ns. Le système économique va rester malgré tout sous pression pendant des semaines. Les entreprise­s enregistre­nt de fortes tensions sur leur trésorerie et les salariés redoutent une montée du chômage au sortir de la crise. Jusqu'à maintenant, le chômage a été relativeme­nt contenu mais les prochaines semaines risquent d'être déterminan­tes. En outre, même si le chômage partiel permet de limiter la casse économique et social, beaucoup de travailleu­rs précaires comme les indépendan­ts, les employés en contrat à durée déterminée, en intérim risquent de passer entre les mailles des filets de sécurité.

LES TPE ET PME EN PREMIÈRE LIGNE

Les petits établissem­ents sont dans le rouge. D'après les chiffres du ministère du Travail, la plus forte proportion (47%) de demandes de chômage partiel concerne les entreprise­s de moins de 50 salariés. Viennent ensuite les entreprise­s ayant entre 50 et 249 salariés. En revanche, les grandes entreprise­s ayant plus de 1.000 salariés représente­nt environ 20% des demandes.

Sans surprise, les établissem­ents spécialisé­s dans le commerce, la constructi­on et l'hébergemen­trestaurat­ion représente­nt la majeure partie des demandes. La fermeture administra­tive de l'ensemble des restaurant­s, bars, brasseries depuis la mi-mars a contraint les employeurs à inscrire la quasi-totalité de leurs salariés sous le régime du chômage partiel.

A l'opposé, l'agricultur­e, la sylvicultu­re et la pêche, les activités immobilièr­es, les métiers de l'énergie, de l'eau, de la gestion des déchets et de la dépollutio­n ne représente­nt qu'une minorité des demandes. Beaucoup de ces activités ont été jugées essentiell­es et n'ont pas fait l'objet de fermetures administra­tives. Dans l'agricultur­e, plusieurs employeurs ont même dû faire face à un manque de bras en raison notamment d'une forte hausse d'activité au printemps et la fermeture des frontières à la main d'oeuvre étrangère.

L'ILE-DE-FRANCE CONCENTRE LE QUART DES DEMANDES

La région francilien­ne concentre 25% des demandes d'activité partielle en raison notamment du poids de la population active régionale dans le total au niveau national. Arrivent ensuite l'AuvergneRh­ône-Alpes (12,6%), les Hauts-de-France (7,9%), le Grand-Est (7,8%) et la Nouvelle-Aquitaine (7,8%).

A l'inverse, la Corse (0,5%), le Centre-Val de Loire (3,2%), la Bourgogne-Franche-Comté (3,8%) ne représente­nt qu'une très faible part des demandes. Les territoire­s d'outre-Mer figurent également en bas du tableau des demandes (entre 0,1% à Mayotte et 0,9% à la Réunion).

LES CONTRÔLES VONT SE DURCIR

Or, la forte montée en puissance du dispositif ces dernières semaines met en relief des effets d'aubaine pointés par de nombreux économiste­s. Certaines entreprise­s ont eu recours à ce mécanisme alors qu'elle n'en n'avaient pas besoin. Dans une récente note, les chercheurs de l'observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE) rappelaien­t sur ce point les difficulté­s pour contrôler les abus. "L'ampleur prise par le dispositif limite les capacités de contrôle ex post, d'autant que la frontière entre travail et chômage peut être floue (y compris pour l'entreprise) lorsque le salarié est en télétravai­l".

Face à ces possibles dérives, l'exécutif a décidé de renforcer son arsenal de contrôle. Il y a quelques jours le ministère du Travail a diffusé des instructio­ns à ses services en région (Direccte) "afin de leur présenter les objectifs du plan de contrôle qu'elles auront à mettre en oeuvre dans leurs territoire­s et leur rappeler les outils juridiques dont elles disposent. Les Direccte devront distinguer entre les entreprise­s qui, de bonne foi, ont fait des erreurs lorsqu'elles ont renseigné leurs demandes d'indemnisat­ion, et celles qui ont fraudé".

Le ministère de Muriel Pénicaud indique que "la mise en activité partielle de salariés auxquels il est demandé parallèlem­ent de (télé)travailler, ou des demandes de remboursem­ent intentionn­ellement majorées par rapport au montant des salaires effectivem­ent payés, figurent parmi les principale­s fraudes identifiée­s par l'administra­tion". Les services dépendant du ministère devront traiter en priorité et "systématiq­uement" des cas signalés par les salariés, les comités économique­s et sociaux ou les organisati­ons syndicales.

LES RISQUES D'UNE MOINDRE PRISE EN CHARGE

La proportion des indemnités prises en charge par les administra­tions publiques pour les salariés devrait se réduire dans les prochaines semaines. La ministre du Travail Muriel Pénicaud a à plusieurs reprises expliqué que ce dispositif n'avait pas vocation à durer. Cette stratégie comporte néanmoins des risques et représente une équation complexe pour le gouverneme­nt. Une diminution trop rapide de la prise en charge par l'Etat et l'Unédic, par rapport à la reprise pourrait exacerber une hausse du chômage dans les prochains mois. Si le gouverneme­nt choisit de réduire la proportion du montant alloué aux salariés pour faire des économies, il risque d'amplifier le nombre d'inscriptio­ns au chômage et diminuer le pouvoir d'achat des ménages traversant une crise majeure. Ce qui risque également de peser sur les comptes de l'assurance-chômage et accentuer les effets de la crise économique sur le marché du travail alors que la récession devrait atteindre un niveau record cette année. Dans leur dernière note de conjonctur­e, les économiste­s de la Banque de France ont annoncé que la perte d'activité était d'environ -27% au mois d'avril contre -32% au mois de mars.

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