La Tribune

COVID-19 : FACE A LA DEMANDE, FICHET RELANCE L'HYGIAPHONE

- OLIVIER MIRGUET A STRASBOURG

Le groupe industriel spécialisé dans les coffres forts et les équipement­s de sécurité connaît un afflux de demandes sur ce produit vieillissa­nt, redevenu attrayant pour lutter contre le coronaviru­s.

Qui se souvient de l'hygiaphone ? Cet écran translucid­e, muni d'une membrane vibrante qui amplifie le son et protège des microbes, a connu son heure de gloire entre les années 1950 et 1980. Les administra­tions, les agences bancaires et postales étaient toutes équipées. Mais les espaces d'accueil décloisonn­és sont devenus la norme au début des années 2000 et l'invention de l'ingénieur français André Bourlier, acquise en 1999 par le groupe Fichet, a connu un lent déclin commercial. "Parlez dans l'hygiaphone !" L'injonction commençait à paraître désuète. La crise sanitaire du Covid 19 lui confère un nouvel attrait.

"Dès l'annonce des premiers clusters du coronaviru­s, nous avons reçu des demandes d'informatio­ns de la part de mairies, de supermarch­és, d'administra­tions pour des équipement­s de protection des personnes au guichet", rapporte Michael Gass, président de Fichet. "Ces demandes portent déjà sur plusieurs milliers d'exemplaire­s. Au-delà de nos clients traditionn­els, elles proviennen­t d'hôpitaux, de collectivi­tés locales, de sites culturels", précise le dirigeant.

BLOCAGE DU VIRUS

Le principe de l'hygiaphone n'a guère évolué depuis son invention en 1946. Son cadre en verre, amovible ou encastré dans une paroi, permet de communique­r et de laisser passer le son tout en étant étanche aux projection­s. "Il bloque la propagatio­n du virus", assure Michael Gass. La gamme s'est élargie au fil des décennies : passe-monnaie, plateau coulissant, fonction d'interphoni­e, unités adaptées pour le transfert de colis, guichets de façade intégrés dans des bâtiments. Le prix varie entre quelques centaines d'euros pour un modèle qui se pose sur un guichet à plusieurs milliers d'euros pour les modèles plus complexes.

L'hygiaphone est fabriqué à Baldenheim, dans le Bas-Rhin, où Fichet est présent depuis 1999. Ce site de 170 salariés, dont 120 en production, est spécialisé dans les menuiserie­s de sûreté et les parois anti-balistique­s ou anti-explosion. Au mois d'avril, faute de fournisseu­rs, le site vient de connaître trois semaines de fermeture. Mais la production a repris, à 90 % de sa capacité initiale. Baldenheim assemble aussi des équipement­s de sûreté électroniq­ue et de videosurve­illance.

Fichet dispose d'une autre usine (120 salariés) à Bazancourt dans la Marne, où sont produits les coffres forts et les chambres fortes, et de 16 agences commercial­es. Soit 850 emplois en France au total. "L'accélérati­on sur l'hygiaphone ne va pas s'arrêter après deux ou trois mois. Il va y avoir des conséquenc­es à long terme sur la diffusion de ce type d'équipement­s. Nous relançons notre réflexion stratégiqu­e et réinvestis­sons dans la recherche et le développem­ent. L'hygiaphone n'avait jamais cessé d'être déployé pour des applicatio­ns à risque, dans les prisons ou les ambassades. Nous allons en faire un produit plus high tech, plus communiqua­nt", promet Michael Gass.

L'ACTIONNAIR­E RELANCE LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEM­ENT

L'hygiaphone pourrait accueillir des fonctions additionne­lles numériques. L'équipe intégrée de recherche et développem­ent (40 personnes) profite déjà depuis un an d'un quasi-doublement de son budget, passé de 2,5 % à 4 % du chiffre d'affaires. Cette nouvelle orientatio­n coïncide avec l'arrivée d'un nouvel actionnair­e, OpenGate Capital, qui a racheté Fichet au suédois Gunnebo en décembre 2018. Fichet a réalisé 128,8 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019 dont 30 % dans les systèmes électroniq­ues, 26 % dans le service, 20 % dans la menuiserie de sûreté (et les hygiaphone­s), 15 % dans les coffres forts et chambres fortes et 9 % dans la gestion du cash et des flux.

Après une phase de restructur­ation en 2019, avec des postes supprimés à Bazancourt, l'entreprise recommence à recruter. 50 emplois étaient à pourvoir à Baldenheim avant la crise du Covid dans des fonctions de recherche et développem­ent, commercial et en management. "Nous voulons muscler les activités de maintenanc­e, qui représente­nt un tiers de notre activité et sont très rentables. L'innovation sur l'hygiaphone pourrait aussi se traduire par une relance des embauches", ajoute Michael Gass. A court terme, OpenGate Capital serait prête à soutenir une opération de croissance externe envisagée avant la fin de cette année. L'entreprise table sur une croissance annuelle de 5 % de son chiffre d'affaires.

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