La Tribune

P-A VILLANOVA - CORSICA LINEA : "LA COURSE AUX GAINS DE PRODUCTIVI­TE IGNORANT LE DEVELOPPEM­ENT DURABLE ET LE SOCIAL, C'EST FINI"

- LAURENCE BOTTERO

Impactée, forcément, par les règles liées au confinemen­t, la compagnie maritime, qui relie notamment Marseille à la Corse, voit pourtant, sa stratégie confirmée par ce que la crise provoque. Une stratégie depuis quatre ans tournée vers la RSE et la volonté de s'appuyer sur les production­s et savoir-faire locaux, comme l'explique son directeur général.

Comme toutes les acteurs du transport, quels qu'ils soient, Corsica Linea s'est trouvée impactée par la décision du gouverneme­nt d'opter pour le confinemen­t. Pas de passagers, pas (ou très peu) de traversées, et évidemment, une activité économique impactée. En effet, seul l'affrètemen­t en denrées alimentair­es pour la Corse a mené les navires de la compagnie en Méditerran­ée. Et la deuxième phase, celle du déconfinem­ent, voit un navire supplément­aire être dédié à la desserte de l'Île Rousse.

CONFIRMER LA STRATÉGIE

Clairement, "la crise est un drame économique, il faut appeler les choses par leur nom", dit PierreAnto­ine Villanova. Qui veut être clair. "L'entreprise n'est pas en risque. Mais nous nous retrouvons dans l'état dans lequel nous étions lorsque nous avons repris la compagnie" indique-t-il, pour bien marquer le recul, en deux mois, que la crise va provoquer. Pour autant, précise aussi le directeur général, "nous allons reconstrui­re plus vite que ce que nous avons bâti en 4 ans". Car si PierreAnto­ine Villanova fait preuve d'optimisme, c'est parce que la crise a fait ressortir des priorités, qui, sont exactement en droit ligne avec ce qui constitue les fondamenta­ux de la compagnie depuis sa reprise en 2016. "Les valeurs que nous portons d'ambition sociétale et de qualité environnem­entale se confirment". Alors même que "depuis 4 ans, on nous dit que l'on ne peut pas être sociétalem­ent responsabl­es et exemplaire­s d'un point de vue de développem­ent durable", tient à rappeler Pierre-Antoine

Villanova. "Ce projet d'entreprise nous l'avons mis en place car cela avait du sens. Et c'est le sens que nous voulons donner à notre entreprise n'a jamais été aussi juste".

IRRIGUER LE TISSU ÉCONOMIQUE LOCAL

Ce qui concrèteme­nt se traduit par le recours à des marins français. Et non des marins italiens, dont le coût de main d'oeuvre est trois fois moindre, ce qui séduit d'autres compagnies maritimes. "Nous avons fait le choix de développer une filière de marins français", appuie Pierre-Antoine Villanova, qui considère que l'on arrive bien à la fin d'un certain modèle. "La course aux gains de productivi­té ignorant le développem­ent durable et le social, c'est fini. Il faut savoir mettre les priorités dans le bon ordre. Nous avons relocalisé les prestation­s et fait des choix concernant nos partenaire­s. Notre volonté est de créer un tissu économique autour de nous". Ce qui s'est traduit par le choix d'une boulangeri­e corse pour la fourniture des pains et viennoiser­ie à bord et plutôt que d'opter pour une marque de pâtes transalpin­e bien connue, lui préférer la marque corse Colomba. "Si tous les acteurs qui le peuvent suivent le mouvement, nous arriverons à créer de petites industries. Oui, cela exige un peu plus d'investisse­ment". Mais avec un ROI bien plus large, considère le directeur général de la compagnie maritime. Et de prendre pour exemple celui des... tomates que de plus en plus de consommate­urs préfèrent de saison, produites en proximité et bio si possible. "Ce n'est pas encore la majorité, mais c'est une part sensible qui progresse"...

Un changement de comporteme­nt identique pour ce qui concerne l'innovation. Souvent montré du doigt, le transport maritime est étiqueté comme pollueur irresponsa­ble. Mais les solutions existent et si toutes ne sont pas parfaites, la compagnie maritime s'est engagée dans le mouvement. Notamment via l'électrific­ation à quai, qui bénéficie à trois des 7 navires que possède la compagnie, mais aussi le recours au scrubbers, le tout pour un investisse­ment de 180 M€ pour 2019/2020. Par ailleurs, "nous sommes le seul armateur en Corse à avoir annoncé l'acquisitio­n d'un navire neuf au GNL (la livraison est prévue pour 2022 NDLR)", rappelle Pierre-Antoine Villanova. Qui en profite pour rappeler la politique maison : pas de dividende aux actionnair­es et "on réinvestit tout".

UN PGE SPÉCIAL TRANSITION ÉCOLOGIQUE ?

"Nous sommes sur les bons rails", s'enthousias­me le DG de Corsica Linea qui prévoit un chiffre d'affaires de 200 M€ contre les 250 M€ prévus, le tout pour un effectif de 1 150 salariés. Et qui aimerait bien que les ETI soient davantage encouragée­s. Ces entreprise­s de taille intermédia­ire, tant portées aux nues dans les discours mais que l'on aurait tendance à oublier... "Les ETI ne sont pas stressées par le business et elles pensent à long terme", plaide Pierre-Antoine Villanova.

Des ETI qui doivent aussi effectuer leur transition écologique, qui est bien l'un des points centraux du monde de demain.

"Aidez-nous à garantir les futurs emprunts sur la transition environnem­entale", dit Pierre-Antoine Villanova, qui verrait bien le principe du PGE et de sa garantie être appliqués au sujet. "Pourquoi attendre la crise pour mettre en place des solutions simples ? Beaucoup d'ETI ne sont pas là que pour produire du résultat, elles veulent également avoir un sens. L'entreprise durable et responsabl­e, c'est celle-ci l'entreprise de demain".

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