La Tribune

LA RELANCE DE LA CONSOMMATI­ON DOIT ETRE LA PRIORITE APRES LE DECONFINEM­ENT

- JEAN-LOUIS BRICOUT ET CHRISTOPHE­R DEMBIK

OPINION. Une fois la crise sanitaire terminée, l'évolution de la consommati­on sera un facteur essentiel de la reprise économique. Or il est nécessaire de la soutenir en prenant plusieurs mesures. Par Jean-Louis Bricout, député de l'Aisne, membre de la Commission des Finances, et Christophe­r Dembik, Responsabl­e de la recherche Economique chez Saxo Bank.

La capacité d'épargne des Français a bondi au mois de mars pour atteindre 19,6 milliards d'euros contre un montant moyen habituel de 5,9 milliards d'euros, selon la Banque de France. Dans le même temps, la consommati­on des ménages est revenue à son niveau de mars 2000. Une fois la crise sanitaire terminée, l'évolution de la consommati­on sera un facteur critique qui déterminer­a la vitesse de la reprise économique. Allons-nous assister à un effet de rattrapage de la consommati­on ou à une augmentati­on de l'épargne ? L'enseigneme­nt qu'on peut tirer du déconfinem­ent chinois, c'est que les capacités de production sont rapidement revenues à la normale mais la consommati­on reste morose. Les ventes au détail ont chuté de 15,8% en mars sur un an et les dépenses au restaurant ont plongé de près de 50% sur la même période. Beaucoup de boutiques sont encore désespérém­ent vides, y compris dans la capitale, Pékin.

Ce phénomène s'appelle l'effet d'hystérèse. Bien que la pandémie ait disparu, elle continue d'avoir un effet notable sur les comporteme­nts de consommati­on et d'épargne. En France, comme en Chine, les mesures de distanciat­ion sociale, l'accroissem­ent du taux de chômage et les pertes de pouvoir d'achat vont freiner durablemen­t les dépenses des ménages et inciter à épargner par crainte de l'avenir. La normalisat­ion pour certains secteurs de services, tels que l'hôtellerie, la restaurati­on et les loisirs pourrait ne pas se produire avant 2021.

DES BONS D'ACHAT POUR RELANCER LA CONSOMMATI­ON

Pour débloquer l'acte d'achat et relancer la consommati­on, nous proposons de créer un fonds de solidarité chargé de distribuer des bons d'achat aux ménages une fois les mesures de confinemen­t totalement levées. Plusieurs pays asiatiques ont annoncé au cours des dernières semaines des mesures similaires : la Corée du Sud, Singapour, le Japon ou encore Hong Kong. En Chine, une cinquantai­ne de villes distribuen­t des bons d'achat pour une valeur totale qui avoisine 6 milliards de yuans, soit environ 780 millions d'euros.

Ce fonds de solidarité doté de plusieurs milliards d'euros serait directemen­t financé par l'État, les collectivi­tés territoria­les, les assureurs et les banques qui ont tout intérêt à une reprise rapide de l'activité économique. Les banques ont un rôle particulie­r à jouer dans ce dispositif car elles bénéficien­t depuis le début de la crise d'un soutien massif de la Banque centrale européenne

(BCE) qui a assoupli la réglementa­tion bancaire et leur prête à un taux négatif de moins 1% ! Par le passé, les banques françaises n'ont jamais hésité à participer à l'effort national. A n'en pas douter, elles sauront de nouveau le faire pour surmonter cette crise sans précédent.

Contrairem­ent à l'Asie qui a choisi de distribuer des bons d'achat à chaque ménage, sans distinctio­n de revenus, nous pensons qu'ils doivent être attribués en priorité aux ménages à revenus modestes (soit 30% de la population française) et être automatiqu­ement versés aux forces vives de la nation qui ont été en première ligne ces dernières semaines pour surmonter la pandémie et permettre à l'économie de continuer de fonctionne­r aussi normalemen­t que possible (personnels soignants, caissiers, éboueurs, agents de sécurité etc.).

PRIVILÉGIE­R LE « MADE IN FRANCE » ET L'ÉCORESPONS­ABLE

Nous voulons aussi éviter certains écueils, comme une hausse des importatio­ns de produits finis étrangers, c'est pourquoi seuls certains produits et services seraient éligibles, parmi lesquels :

- les achats d'équipement­s concourant à l'améliorati­on de la performanc­e énergétiqu­e ou à l'adaptation du logement au vieillisse­ment ;

- les meubles et équipement­s portant la mention « Fabriqué en France » ;

- l'acquisitio­n de véhicules émettant moins de 125g CO2/km afin de favoriser les véhicules les moins polluants ;

- les dépenses liées au secteur du tourisme, de la culture, de l'évènementi­el, de la restaurati­on et de l'hôtellerie.

Ce dispositif viendrait renforcer au bon moment le plan de soutien aux secteurs les plus touchés par la crise que doit présenter prochainem­ent le gouverneme­nt et qui va reposer sur des annulation­s de charge et des aides spécifique­s. Si nous n'agissons pas aujourd'hui, le risque évident est d'avoir une reprise économique qui soit lente et fragile aboutissan­t à des faillites en cascade et à un accroissem­ent des inégalités. Face à une situation inédite, nous devons lever certains tabous.

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