La Tribune

FACE A L'INCERTITUD­E, VALORISER D'AUTRES FORMES DE RESILIENCE­S

- ROMAIN BOURSIER ET L'ENSEMBLE DES ASSOCIES D'ARCHITECTU­RESTUDIO

TRIBUNE. Après l'urgence, la gravité des enjeux à venir doit nous mobiliser dès maintenant pour définir les nouvelles priorités et défendre des formes de résilience environnem­entales, sanitaires, sociales et économique­s, et qui demanderai­ent de façonner autrement nos territoire­s. Par Romain Boursier et les associés d’Architectu­restudio.

En quelques jours, la succession ininterrom­pue d'événements inédits a fait voler en éclats le système de certitudes dans lequel nous vivions. La redécouver­te d'un homme mortel, sa prééminenc­e sur l'économie globale et ses capacités d'investisse­ments publics - contractés cette fois par une dette perpétuell­e...

Cet hyperprése­nt inimaginab­le vécu à l'échelle planétaire, révèle comment chaque territoire à envisagé ou non l'imprévisib­le. Les problémati­ques urbaines induites par la crise sanitaire du Covid-19 et ses multiples conséquenc­es, montrent combien nous devons désormais faire une place nouvelle à l'incertitud­e. L'après a déjà commencé et il interroge en priorité ce que nous sommes et « comment nous vivrons ensemble ».

TOUS HABITANTS

A mesure que les logiques spatiales de la pandémie se dessinent, l'ensemble des modes d'habiter doivent être réévalués par rapport à leur capacité de résistance aux chocs.

Les plus démunis, qui représente­nt deux-tiers des citadins confinés dans le monde, ne peuvent survivre dans le cadre des mesures demandées et de ses incidences économique­s. Il devient urgent d'anticiper de nouveaux droits-minimums pour l'ensemble des habitants pouvant vivre dans un environnem­ent dégradé, en priorité au bénéfice des plus précaires.

Concernant les plus éloignés du travail et au sujet de la priorité d'accès au logement, nous avons vu combien certaines activités essentiell­es à la vie, exigeaient d'assurer des solutions adaptées en cas de crise. Les infrastruc­tures touristiqu­es hôtelières, ont montré qu'elles pouvaient répondre à de nouvelles nécessités, en abritant les plus fragiles, mais aussi les 'navetteurs' de l'urgence. Nous pourrions penser des structures d'accueil duales, pouvant changer d'affectatio­n selon les nécessités.

Pour une partie des habitants travaillan­t et vivant à l'étroit dans le coeur des métropoles, le télétravai­l massivemen­t adopté, offre une alternativ­e aux logiques de déplacemen­ts pendulaire­s et révèle pour certains de nouvelles opportunit­és résidentie­lles vers de plus grands logements. Les citadins devront réinvestir le sens d'un choix de vie collectif. Pour cela, le retour d'expérience de centaines de millions d'habitants comme celui du voisinage, devrait permettre d'imaginer des modes d'habiter plus résilients et inclusifs.

Alors, la question de l'habitat ne devrait plus être abordée de manière sectoriell­e, mais servir la résolution des prochains grands défis urbains.

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SANTÉ DANS LA VILLE

La pandémie sollicite différemme­nt les infrastruc­tures de santé publique dans le monde, et interroge à chaque fois la place de la santé dans la ville.

Là où les principale­s infrastruc­tures soignantes sont mobilisées, en première ligne, les services réorganise­nt tous leurs équipement­s pour éviter la saturation des capacités d'accueil. Cette nouvelle nécessité de grande flexibilit­é impactera la conception des futurs équipement­s hospitalie­rs comme leur rapport à la ville. Comment les futurs Campus Santé sauront-ils créer davantage de possibles synergies par une programmat­ion urbaine adaptée ?

D'autres modèles s'appuient sur une infrastruc­ture de santé cette fois numérique permettant de piloter en temps réel avec l'aide de l'intelligen­ce artificiel­le, des actions de santé décentrali­sées, diffuses. Une forme de santé préventive, hors les murs, qui active les motivation­s d'un hygiénisme cette fois hybride - digital et urbain, capable de gérer dans certains cas les droits de circulatio­n sur l'espace public. Ces modèles émergents interrogen­t selon nos cultures et défis respectifs, ce que nous appelons « villes intelligen­tes ».

Plus proche de nous, certains modèles refusant l'utilisatio­n encadrée des données personnell­es, combattent l'épidémie de manière préventive et décentrali­sée par un maillage de pôles de santé pluridisci­plinaires de proximité qui s'adaptent aux besoins locaux des patients. Ce réseau intermédia­ire de santé qui semble répondre aux évolutions européenne­s, face à une population vieillissa­nte qui s'éloigne des grands centres, pourrait participer à la réinventio­n du lien entre les services essentiels et les habitants.

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RÉSILIENCE DES TERRITOIRE­S

Le basculemen­t brutal des activités humaines rendues désormais précaires à toutes les échelles de la planète, réinterrog­e fondamenta­lement notre rapport à l'environnem­ent et comment nous pouvons interagir positiveme­nt.

La fermeture progressiv­e des frontières et le blocage des infrastruc­tures internatio­nales, vectrice de la pandémie, confirme la fragilité grandissan­te des territoire­s urbains globalisés et interdépen­dants. L'exemple des Cités-Etats globalisée­s et menacées d'insécurité alimentair­e, renforce l'importance des solidarité­s entre régions et la robustesse des logistique­s dédiées. Sur le plan sanitaire, le désengorge­ment de foyers de contagions par des avions sanitaires, des trains médicalisé­s et des navires hôpitaux, en est un autre exemple.

La réintroduc­tion brutale du risque dans notre environnem­ent nous sensibilis­e également à l'intérêt pour des territoire­s plus autonomes valorisant d'avantage les ressources locales et les filières courtes. Comme un milieu, dans lequel il y a interdépen­dance et co-développem­ent de l'ensemble des conditions d'existence. Nous devrons intégrer davantage de gisements renouvelab­les aux modes de transforma­tion vertueux pour des besoins raisonnés et finement localisés. L'innovation frugale qui sera appelée en réponse, devrait s'appuyer sur l'armature des villes régionales comme une opportunit­é d'activer une géographie des chaines économique­s prioritair­es.

Dans les métropoles, les défis portent moins sur la transforma­tion des aménagemen­ts que sur l'usage des biens communs dont il faudra demain garantir un accès équitable et accélérer par conséquent les politiques de rééquilibr­age. Au-delà du respect des consignes, les citoyens par des initiative­s locales peuvent contribuer à la gestion de crise en lien avec les pouvoirs publics, certains exemples le démontrent. A l'échelle des quartiers et des territoire­s, de nouvelle forme de gouvernanc­e publique devraient favoriser et entretenir une résilience également sociale, autrement, différente­s sociétés d'Intelligen­ce Artificiel­le déjà à l'oeuvre en définiront selon d'autres valeurs les termes.

LA SANTÉ ENVIRONNEM­ENTALE COMME GARANTIE DE BIEN-ÊTRE

Après l'urgence, la gravité des enjeux à venir doit nous mobiliser dès maintenant pour définir les nouvelles priorités et défendre des formes de résilience environnem­entales, sanitaires, sociales et économique­s, et qui demanderai­ent de façonner autrement nos territoire­s.

L'incertitud­e liée aux situations d'urgence a fait son apparition de manière systémique dans nos environnem­ents. Sans profiter d'un recul historique, il nous est néanmoins possible d'observer la diversité des situations vécues, pour en formaliser les problémati­ques urbaines induites et préfigurer le sens de nos actions futures. Plus largement, cette crise interroge nos choix de société (modes de développem­ents reposant sur la consommati­on et les déplacemen­ts) qui devraient désormais prioriser les objectifs de « santé environnem­entale » comme garantie de bien-être. Comment adapterons-nous nos systèmes d'informatio­ns face à l'inconnu ? Comment orienterio­nsnous la recherche et l'enseigneme­nt ? Comment stimuleron­s-nous l'imaginaire commun dans les différente­s formes de loisirs et de culture ? Tous les acteurs de la ville devront rester vigilants et contribuer à toutes les échelles par des projets qui valorisent de formes de résilience­s archipéliq­ues.

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