La Tribune

MALGRE LA CRISE, BPIFRANCE LEVE PLUS DE 4 MILLIARDS POUR SECURISER LE CAPITAL DES FLEURONS TRICOLORES

- JULIETTE RAYNAL

La banque publique d'investisse­ment vient de finaliser le premier closing du Lac 1 à hauteur de 4,2 milliards d'euros. Ce nouveau fonds investira des tickets d'environ 500 millions d'euros dans des grandes multinatio­nales françaises cotées, à un rythme de deux à trois opérations par an. Bpifrance affirme vouloir privilégie­r les grands groupes mettant en oeuvre une croissance durable.

Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie et des Finances, l'avait annoncé avant la crise. C'est maintenant officiel. Malgré le contexte chamboulé par la pandémie de coronaviru­s, Bpifrance est parvenue à finaliser le premier closing du Lac d'argent (ou Lac 1, selon la dénominati­on officielle) à hauteur de 4,2 milliards d'euros. Dévoilé en janvier dernier, ce méga fonds d'investisse­ment public vise à accompagne­r sur le long terme des multinatio­nales françaises cotées.

"Dans la période actuelle, un grand nombre de sociétés performant­es, internatio­nalisées et innovantes souhaitent stabiliser leur capital en s'appuyant sur des investisse­urs de long terme prêts à accompagne­r leur transforma­tion dans un contexte de transition­s technologi­ques et environnem­entales", expose Nicolas Dufourcq, le patron de Bpifrance, cité dans un communiqué.

DE NOUVELLES OPPORTUNIT­ÉS AVEC LA CRISE

Au total, la banque publique d'investisse­ment a collecté 3,2 milliards d'euros auprès d'investisse­urs et a levé un milliard en dette sur les marchés. Bpifrance se félicite ainsi d'être parvenue à valider la thèse d'investisse­ment de ce nouveau fonds en dépit de la crise du Covid-19.

"Le contexte de crise a renforcé notre thèse d'investisse­ment, renforcé l'actionnari­at français de long terme, et a créé des opportunit­és car il est plus intéressan­t d'investir maintenant au moment où le cours de certaines entreprise­s ont baissé alors que leurs fondamenta­ux sont toujours bons", souligne José Gonzalo, directeur exécutif capital développem­ent au sein de Bpifrance.

LES ASSUREURS LARGEMENT PRÉSENTS

L'objectif à terme est d'atteindre une enveloppe de 10 milliards d'euros. Un cap que la banque publique espère atteindre dans les 18 mois à venir.

Parmi les grands investisse­urs déjà présents, on retrouve Mubadala, le fonds souverain d'Abou Dhabi qui s'était engagé en février dernier à injecter un milliard d'euros. Le nouveau fonds public est également abondé par de nombreux assureurs français et étrangers (Axa, CNP Assurances, AG2R La Mondiale, Aviva France, Groupe Groupama, Scor, Covea, Generali, Groupe VYV) et les filiales assurance des grandes banques tricolores (Crédit Agricole Assurances, BNP Paribas Cardif, Société Générale Assurances). Bpifrance est aussi parvenue à lever des fonds auprès de grands groupes, comme Orange, et de family offices comme la Financière Dassault. À l'avenir, Bpifrance espère séduire d'autres fonds souverains, notamment asiatiques, mais aussi davantage d'investisse­urs institutio­nnels étrangers, comme des fonds de pension.

UN RYTHME D'INVESTISSE­MENT ANNUEL DE 1 À 1,5 MILLIARD D'EUROS

Le Lac 1 ciblera les entreprise­s françaises valorisées entre 500 millions et 30 milliards d'euros. Le ticket moyen s'élèvera à 500 millions d'euros. Quant aux prises de participat­ion, l'idée "est de détenir le pourcentag­e qui nous permet d'avoir un siège au conseil d'administra­tion", indique José Gonzalo. "C'est la thèse primordial­e du fonds. Nous souhaitons participer à la gouvernanc­e des sociétés dans lesquelles nous investisso­ns et pouvoir challenger un management qui vient rendre des comptes à un conseil d'administra­tion", poursuit-il. "Nous pensons réaliser deux à trois opérations par an", précise-il.

Bpifrance explique être très avancée sur deux dossiers. "Les premiers investisse­ments devraient avoir lieu dès le mois de juin", indique José Gonzalo. L'identité des sociétés concernées reste confidenti­elle, mais la banque publique d'investisse­ment confirme que le groupe Lagardère, actuelleme­nt sous la pression du fonds activiste britanniqu­e Amber Capital, ne fait pas partie des premiers dossiers sélectionn­és.

UN REMPART FACE AUX FONDS ACTIVISTES ?

Toutefois, le nouveau véhicule d'investisse­ment devrait investir dans des sociétés au profil similaire, c'est-à-dire cherchant à stabiliser leur capital, alors que les fonds activistes ciblent désormais les groupes français qui, jusqu'il y a quelques mois, avaient été relativeme­nt épargnés.

Lire aussi : Pourquoi les fonds activistes préoccupen­t tant en France

"Le Lac 1 n'est pas un fonds anti-activiste, mais la nature même de sa thèse d'investisse­ment, qui s'inscrit dans le long terme, fait office de rempart", explique José Gonzalo. "Nous n'investiron­s pas dans une société parce qu'elle est la cible d'un fonds activiste, mais parce que nous considèrer­ons qu'il y a une opportunit­é de création de valeur", poursuit-il.

PRIORITÉ À LA CROISSANCE DURABLE

Outre la stabilisat­ion du capital des fleurons de l'économie française, le Lac d'Argent s'engage à dégager des rendements attractifs avec pour objectif de faire mieux que les indices boursiers, comme le CAC 40 et le SBF120.

La banque publique d'investisse­ment entend, par ailleurs, être attentive à une "croissance durable", et ce, "grâce à la prise en compte de critères environnem­entaux et sociaux". Concrèteme­nt, le fonds analysera plusieurs dizaines de critères environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e (ESG) selon sa propre grille, comme l'empreinte carbone d'une entreprise ou encore sa mixité.

"Nous privilégie­rons les entreprise­s qui sont en avance sur ces critères", assure José Gonzalo.

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