La Tribune

DETTES MUTUALISEE­S: MERKEL EN PASSE DE REUSSIR SON PARI EN ALLEMAGNE

- PETER WUETHERICH, AFP

La chancelièr­e allemande a obtenu le soutien de son parti et une courte majorité des Allemands approuvent cette initiative de dette mutualisée en Europe pour relancer l'économie. Même le partisan de l'orthodoxie budgétaire et ancien ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a salué une "propositio­n nécessaire et importante dans la période que nous traversons".

Angela Merkel a pris un gros risque politique dans son pays en acceptant il y a une semaine à la surprise générale l'idée, taboue jusqu'ici, de dette mutualisée en Europe pour relancer l'économie face au coronaviru­s.

Signe des évolutions tectonique­s provoquées dans les esprits par la pandémie, la chancelièr­e allemande semble bien, à tout le moins chez elle, en passe de gagner le pari: son parti conservate­ur la soutient et une majorité des Allemands approuvent cette initiative, lancée avec le président français Emmanuel Macron et impensable il y a encore quelques années.

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Même si la propositio­n de Paris et Berlin n'aboutit pas au final en raison de l'opposition de plusieurs pays européens, menés par l'Autriche et les Pays-Bas, les limites du débat en Allemagne autour de la solidarité financière européenne ont été repoussées.

"Je n'ai pas le moindre doute quant au fait qu'il y a au Parlement un large soutien pour cette propositio­n" en Allemagne, déclare dans une interview à l'AFP le président de la Chambre des députés allemande, Wolfgang Schäuble, poids lourd politique du parti démocrate-chrétien CDU de la chancelièr­e allemande.

PROPOSITIO­N "IMPORTANTE"

Wolfgang Schäuble est une voix qui compte en Allemagne. Pro-européen de conviction depuis des décennies, l'ancien ministre des Finances allemand n'en incarne pas moins la rigueur voire l'orthodoxie budgétaire dans son pays.

Lorsqu'il était aux Finances au plus fort de la crise de la zone euro, il s'est attiré les foudres de nombreux pays pour ses fortes réticences à sauver la Grèce de la banquerout­e. Et n'est jamais passé pour un grand partisan des dettes en commun.

Aujourd'hui, face au nouveau coronaviru­s, il applaudit une "propositio­n nécessaire et importante dans la période que nous traversons". "Elle part du principe que l'Europe doit utiliser cette crise pour se renforcer", dit Wolfgang Schäuble, qui a signé mardi une déclaratio­n commune en ce sens avec son homologue français Richard Ferrand.

Lundi, c'est toute l'instance dirigeante du parti CDU qui a endossé l'idée franco-allemande, visant à ce que l'Union européenne emprunte 500 milliards d'euros pour les reverser sous forme de subvention­s aux pays les plus touchés par l'impact de l'épidémie, comme l'Italie ou l'Espagne notamment, sans que ces derniers n'aient à rembourser individuel­lement.

"L'Allemagne n'ira bien que si l'Europe va bien", a martelé à cette occasion la chancelièr­e, selon un participan­t à la réunion à huis clos.

PRÉSIDENCE ALLEMANDE DE L'UE

Les voix ne sont pas unanimes au sein du mouvement conservate­ur. Son aile la plus à droite, baptisée "Union des valeurs", a exprimé avec force son mécontente­ment.

L'un de ses dirigeants, Alexander Mitsch, a dénoncé auprès de l'AFP "un pas supplément­aire vers la création d'une Union [européenne] de dettes et d'un État centralisé". Il a appelé les parlementa­ires allemands et européens à s'y opposer.

Ces critiques, qui viennent aussi de l'extrême droite et du petit libéral FDP en Allemagne, restent toutefois minoritair­es.

Quelque 51% des Allemands sont favorables au plan de relance de la chancelièr­e et du président français, qu'ils vont pourtant financer à eux seuls à hauteur de 27%, selon un sondage de l'institut Civey pour l'hebdomadai­re Der Spiegel. Environ 34% y sont a contrario opposés.

Que s'est-il passé? Bénéfician­t d'une forte popularité pour sa gestion saluée de la pandémie dans son pays, Angela Merkel, qui politiquem­ent n'a plus beaucoup à perdre à mesure que la fin de sa carrière politique fin 2021 se rapproche, a pesé de tout son poids.

"Elle a été sensible à réaffirmer l'engagement européen de l'Allemagne face aux critiques assez dures de l'Italie ou de l'Espagne" sur le manque de solidarité européenne au pic de la pandémie de Covid-19, estime un membre de l'entourage d'Emmanuel Macron.

"Elle a aussi en tête que l'Allemagne prend la présidence de l'UE en juillet. Elle veut laisser une trace", décrypte-t-il.

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