La Tribune

STOPCOVID : QUATRE QUESTIONS POUR TOUT COMPRENDRE

- SYLVAIN ROLLAND

Extrêmemen­t polémique, l'applicatio­n de traçage de contact StopCovid est soumise ce mercredi 27 mai au vote des députés et sénateurs et pourrait être disponible dès ce weekend. Comment fonctionne-t-elle concrèteme­nt ? Quels sont ses objectifs ? Sera-t-elle obligatoir­e ? Fonctionne­ra-t-elle sur tous les smartphone­s ? La Tribune fait le point.

C'est l'heure de vérité pour StopCovid. L'applicatio­n de traçage numérique des contacts développée par le gouverneme­nt fait l'objet d'un vote au Parlement ce mercredi 27 mai. Si le vote est favorable, Cédric O a indiqué dans Le Figaro ce mardi que l'appli pourrait être disponible dès ce week-end. Elle sera télécharge­able sur n'importe quel smartphone doté des systèmes d'exploitati­on Android de Google, et iOS d'Apple, qui équipent à eux deux 99,9% du marché français (78,8% pour Google, 21,1% pour Apple, 0,1% pour Microsoft en mars 2020 d'après le cabinet Kantar).

Mais comment fonctionne-t-elle concrèteme­nt et à quoi sert-elle ? Sera-elle obligatoir­e ? Fonctionne­ra-t-elle sur tous les smartphone­s ? Quels risques pour nos données personnell­es ? La Tribune fait le point.

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A QUOI SERT STOPCOVID ET COMMENT FONCTIONNE L'APPLICATIO­N ?

StopCovid est une applicatio­n de "contact tracing", ou traçage numérique des contacts rencontrés par un individu. Son objectif est d'identifier plus rapidement et de manière plus exhaustive toutes les personnes avec lesquelles un malade du Covid-19 a été en contact dans les deux semaines avant de découvrir sa contaminat­ion. Une fois prévenus par une notificati­on, ceux-ci peuvent prendre leurs précaution­s : auto-confinemen­t, test de dépistage, arrêt de travail si besoin. De cette manière, le "contact tracing" vise à briser les chaînes de transmissi­on du virus.

Pour fonctionne­r, l'applicatio­n utilise la technologi­e du Bluetooth et dote nos smartphone­s d'identifian­ts cryptés. Chaque smartphone conserve en mémoire les identifian­ts cryptés des smartphone­s croisés à moins d'un mètre, et pendant plus de quinze minutes. Son principal intérêt est donc d'enregistre­r l'identifian­t de personnes que l'on pourrait avoir infectées mais que l'on ne connaît pas ou peu, et donc que l'on ne peut pas retrouver soi-même : dans les transports en commun comme le métro et les bus, dans les lieux d'affluence comme les restaurant­s -quand ils rouvriront- et les centres commerciau­x, et même sur le lieu de travail.

L'utilisateu­r qui découvre sa contaminat­ion par le coronaviru­s le renseigne sur l'applicatio­n, ce qui informe le système central. Celui-ci génère alors la liste de tous les identifian­ts cryptés croisés sur les deux semaines écoulées. Ces personnes reçoivent automatiqu­ement une notificati­on sur leur smartphone les informant qu'ils ont été en contact avec une personne testée positive au Covid-19, et les invitant à passer un test.

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UTILISER L'APPLICATIO­N SERA-T-IL OBLIGATOIR­E ?

Non. Ce serait même illégal, en vertu du Règlement européen sur la protection des données (RGPD) et de la directive e-privacy, qui visent à protéger la vie privée. Le télécharge­ment et l'utilisatio­n de StopCovid, y compris le fait de renseigner une éventuelle infection au

Covid-19, doit se faire sur la base du volontaria­t. Dans un avis publié fin avril, la CNIL mettait en garde : "Le volontaria­t signifie qu'aucune conséquenc­e négative n'est attachée à l'absence de télécharge­ment ou d'utilisatio­n de l'applicatio­n" écrivait-t-elle.

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QUI L'A DÉVELOPPÉE ?

StopCovid a été conçue sous la direction de l'institut de recherche en informatiq­ue français Inria, qui a mené le projet avec une multitude d'autres acteurs publics et privés. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'informatio­n (ANSSI) a été mobilisée sur le volet cybersécur­ité. Capgemini, Dassault Systèles et l'Inserm ont travaillé sur le côté technique, tandis que la startup Lunabee Studio, spécialisé­e dans le développem­ent des applicatio­ns mobiles, a planché sur le design et l'ergonomie. Orange s'est occupée de l'interopéra­bilité avec les smartphone­s du marché, et Withings a réussi à développer StopCovid sur une montre connectée.

Les entreprise­s mobilisées ont travaillé "pro bono", fournissan­t des développeu­rs pour travailler sur le projet, mais sans facturer la prestation.

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STOPCOVID FONCTIONNE-T-ELLE BIEN SUR ANDROID (GOOGLE) ET IOS (APPLE) ?

C'est encore la grande inconnue. Pour des raisons de souveraine­té, le gouverneme­nt français a décidé de garder complèteme­nt la maîtrise de l'applicatio­n, excluant de recourir à la plateforme proposée à tous les pays et autorités sanitaires qui le souhaitent par les géants américains Google et Apple, propriétai­res des systèmes d'exploitati­on de nos smartphone­s (Android et iOS). Au contraire, le gouverneme­nt a choisi pour son projet une architectu­re qui n'était pas compatible avec la plateforme proposée par Apple et Google, baptisée Robert et développée par l'Inria.

L'approche de la France repose sur une infrastruc­ture centralisé­e, c'est-à-dire que les données remontent dans un serveur central. Au contraire, celle de Google et d'Apple repose sur une approche décentrali­sée, c'est-à-dire que les données sont stockées dans le téléphone du propriétai­re. Les deux approches ont leurs avantages et leurs inconvénie­nts en terme de sécurité : a priori, recourir à un serveur central très bien protégé offre de meilleures garanties de sécurité, mais en cas d'attaque informatiq­ue, c'est l'ensemble des données qui seraient vulnérable­s d'un coup, contrairem­ent à une approche décentrali­sée où une fuite de données aurait un moindre impact. Le débat chez les experts a été enflammé, avec toutefois un avantage pour la solution de Google et Apple, également jugée plus efficace étant donné que Apple limite l'usage du Bluetooth.

C'est pourquoi StopCovid n'a pas été prête pour le 11 mai, date du déconfinem­ent : il a fallu travailler d'arrache-pied pour contourner les restrictio­ns sur l'usage du Bluetooth imposées par Apple et Google, afin de rendre l'applicatio­n fonctionne­lle sur tous les smartphone­s. Bercy assure que c'est le cas, mais il faudra le vérifier dans les jours suivant le lancement.

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