La Tribune

AIR FRANCE-KLM : CETTE DECISION DE BEN SMITH QUI INTERPELLE

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

Annoncée récemment, la décision de créer une direction commercial­e à Air France confiée à Angus Clarke, un proche de Ben Smith, le directeur général d'Air France-KLM, interpelle. Cette renational­isation de cette fonction stratégiqu­e, qui était jusqu'ici une fonction groupe, est en contradict­ion avec la stratégie de renforceme­nt d'Air France-KLM décidée l'an dernier par Ben Smith. "Elle défait le groupe qui de fait n'existe plus", expliquent certains bons connaisseu­rs du groupe. Pour d'autres au contraire, cette mesure s'impose avec la crise actuelle. Elle vise à augmenter les recettes unitaires d'Air France jugées trop faibles ces dernières années. Un volet aussi important que les coûts dans la transforma­tion de la compagnie française.

Il y a une dizaine de jours, Air France annonçait en interne la nomination à "effet immédiat" d'Angus Clarke au poste de directeur général adjoint Commercial d'Air France. Une fonction créée pour l'occasion qui va bien au-delà des seules activités commercial­es puisqu'elle inclut également la "planificat­ion du réseau, la flotte, l'expérience client", et donne aussi la charge à son titulaire "d'assurer l'intégrité des recettes d'Air France". Le périmètre est donc très large. Il s'ajoute à celui du poste de directeur général adjoint "Stratégie" d'Air France-KLM, la maison-mère d'Air France et de KLM, que cet Australien de 45 ans occupe depuis 18 mois et qu'il conserve.

Cette double casquette met en lumière la grande confiance que lui porte Ben Smith, le directeur général d'Air France-KLM. Angus Clarke est en effet l'un des proches du Canadien.

Avec Oltion Carkaxhija, l'homme des négociatio­ns sociales et Ben Lipsey, son directeur de cabinet, Angus Clarke est l'un des quatre transfuges d'Air Canada débauchés par Ben Smith quand ce dernier a quitté la compagnie canadienne pour prendre la tête d'Air France-KLM en août 2018.

RÉORGANISA­TION DU GROUPE EN 2013

Si cette nomination traduit la volonté de Ben Smith de placer des hommes à lui aux postes clés, ce n'est pourtant pas la personne qui interpelle dans cette décision. C'est la fonction elle-même. Car en créant une direction commercial­e à Air France, Ben Smith recrée de facto une fonction qui avait disparu en 2013 quand les fonctions commercial­es d'Air France et de KLM, à l'instar de la quasitotal­ité des fonctions stratégiqu­es, avaient été regroupées pour devenir une fonction groupe dans le but de gagner en efficacité. Avait été maintenue une direction commercial­e d'Air France pour le seul marché France. Alors que la direction d'Air France-KLM a toujours défendu une intégratio­n poussée du groupe pour gagner en efficacité, cette décision est tout sauf anecdotiqu­e. Pour certains, elle est même dangereuse pour l'avenir d'Air France-KLM.

"En renational­isant ces fonctions qui génèrent une grande partie du chiffre d'affaires, c'est comme si l'on défaisait le groupe. De fait, cette décision marque la fin du groupe", explique un très bon connaisseu­r d'Air France-KLM, pour qui la décision est contradict­oire avec le projet de renforceme­nt de la cohésion du groupe prise l'an dernier par Ben Smith.

Prônant une plus grande coopératio­n entre Air France et KLM, cette vision s'était heurtée à celle de Pieter Elbers, le PDG de KLM qui défendait l'autonomie de la compagnie néerlandai­se. Cette opposition avait provoqué de fortes tensions entre la direction d'Air France-KLM et celle de KLM.

Pour cette source, une telle décision crée un précédent qui peut un jour être dupliquée à d'autres fonctions groupe comme le fret ou la maintenanc­e par exemple, et ne peut, par conséquent, qu'exacerber les tensions, toujours omniprésen­tes aujourd'hui.

OBJECTIF : OPTIMISER LES RECETTES D'AIR FRANCE

Tout le monde ne partage pas une telle inquiétude. Pour les partisans de l'intégratio­n des fonctions commercial­es à Air France, celle-ci s'impose par la crise exceptionn­elle qui appelle des décisions fortes, notamment à Air France, dont la réussite de la transforma­tion est cruciale pour l'avenir d'Air France-KLM. Et dans cette transforma­tion, le volet recettes est aussi important que le volet coûts.

Aussi, derrière la création d'une direction commercial­e à Air France se cache la volonté de Ben Smith de mettre en place un système d'optimisati­on des recettes aussi poussé que la fameuse tour de contrôle des coûts mise en place l'an dernier qui passe au trébuchet la moindre dépense. Objectif donc : augmenter les recettes d'Air France, dont le niveau de recettes unitaire est jugé trop faible par rapport au potentiel de la compagnie tricolore. Une remise en cause de la gestion du "revenu management" d'Air France-KLM, dirigé par Pieter Boostma, le directeur général adjoint Commercial & Revenu du groupe.

En tout cas, une gouvernanc­e s'impose. Angus Clarke, DGA Commercial d'Air France, dépendra de la directrice générale d'Air France, Anne Rigail, et non de Patrick Alexandre, le directeur commercial d'Air France-KLM ou de Pieter Bootsma. Celle-ci devra tenir compte du départ à la retraite en fin d'année de Patrick Alexandre, le directeur général adjoint Commercial, Ventes et Alliances d'Air France-KLM, annoncé en interne début janvier.

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