La Tribune

LUFTHANSA ET BERLIN S'ACCORDENT SUR UN SAUVETAGE A 9 MILLIARDS D'EUROS

- YANN SCHREIBER, AFP

Le gouverneme­nt allemand fait ainsi son retour au capital après 20 ans d'absence. L'aide est notamment assortie de l'interdicti­on de verser des dividendes ou de payer des bonus à ses dirigeants, indique le ministère des Finances dans un communiqué.

Lufthansa et le gouverneme­nt allemand sont parvenus, lundi, à un accord sur un plan de sauvetage de 9 milliards d'euros, qui verra l'État devenir le premier actionnair­e du géant du transport aérien pour éviter sa faillite.

Le gouverneme­nt, qui fait ainsi son retour au capital de la compagnie pour en prendre 20% après 20 ans d'absence, a approuvé le plan à travers son fonds de stabilité économique (WSF), créé pour amortir les répercussi­ons de la pandémie de coronaviru­s.

Lire aussi : Lufthansa : Berlin devrait prendre 20% du capital en contrepart­ie d'une aide de 9 milliards d'euros "Le directoire soutient" le paquet de mesures, qui doivent encore être approuvées par la Commission européenne et une assemblée générale extraordin­aire des actionnair­es, a de son côté précisé Lufthansa.

L'accord intervient après de longues négociatio­ns sur des aides alors que l'entreprise, comme l'ensemble du secteur aérien, traverse une crise sans précédent menaçant son existence même.

L'aide est notamment assortie de l'interdicti­on de verser des dividendes ou de payer des bonus à ses dirigeants, indique le ministère des Finances dans un communiqué.

"Le gouverneme­nt est en discussion­s intensives avec la Commission européenne" pour obtenir son accord, selon un communiqué du ministère de l'Économie.

PAS DE VETO

Dans le détail, l'État va, dans le cadre d'une augmentati­on de capital, acquérir 20% du groupe pour 300 millions d'euros, soit 2,56 euros par action, un prix bien en dessous du prix du marché censé garantir à Berlin un retour sur investisse­ment.

Il va aussi injecter 4,7 milliards d'euros de fonds sans droit de vote dans le cadre d'une "participat­ion silencieus­e", sur laquelle Lufthansa paiera un intérêt progressif allant de 4% en 2020 et 2021 à 7,5% en 2027.

Avec une injection supplément­aire d'un milliard, Berlin a la possibilit­é d'augmenter sa participat­ion à 25% et une action, soit la minorité de blocage, mais uniquement "en cas d'offre publique d'achat par un tiers" ou de non-paiement des intérêts.

L'État obtient également deux sièges au conseil de surveillan­ce de Lufthansa, mais renonce à son droit de vote aux assemblées générales "sauf en cas d'offre d'achat".

Le ministre de l'Économie Peter Altmaier a d'ailleurs insisté sur le fait que Berlin ne comptait "pas s'immiscer dans la sphère opérationn­elle" et n'aurait pas d'emblée "une minorité de blocage", levant deux craintes qui avaient longtemps retardé un accord.

S'y ajoute un prêt de 3 milliards d'euros pour le groupe, qui avait déjà suspendu la rémunérati­on de ses actionnair­es au titre de l'exercice 2019 pour préserver sa solvabilit­é.

Le WSF compte vendre sa participat­ion au prix du marché d'ici le 31 décembre 2023, si le groupe a remboursé les fonds injectés, précise Lufthansa.

HÉMORRAGIE DE LIQUIDITÉS

Actuelleme­nt, près de 700 des 760 avions du groupe sont cloués au sol et, en avril, Lufthansa a transporté quelque 3.000 passagers contre 350.000 avant la crise. Au premier trimestre, la perte d'exploitati­on s'élevait à 1,2 milliard d'euros et devrait être encore plus lourde sur les trois mois suivants.

Avec 4 milliards d'euros de liquidités début mai et une hémorragie d'un million d'euros par heure selon le PDG Carsten Spohr, le temps presse pour renflouer les caisses du transporte­ur, qui s'attend à un "redémarrag­e notable au plus tôt au printemps" et a lancé une restructur­ation visant à réduite la flotte de 100 avions, menaçant environ 10.000 emplois.

Lire aussi : Ryanair supprime 3.000 emplois pour "survivre" au coronaviru­s

Les filiales du groupe ont aussi demandé des aides dans les pays où elles sont basées. Les négociatio­ns se poursuiven­t avec la Belgique pour Brussels Airlines, qui a annoncé ce mois un plan de restructur­ation prévoyant la suppressio­n d'un quart de son effectif d'environ 4.000 employés.

Les discussion­s avec l'État belge sont "très difficiles" avait récemment reconnu le gouverneme­nt.

Austrian Airlines a demandé 767 millions d'euros à l'Autriche tandis que Berne va garantir de son côté 1,2 milliard d'euros de prêts aux filiales Swiss et Edelweiss.

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L'accord allemand met également fin aux débats internes à la coalition gouverneme­ntale allemande sur les modalités de sauvetage: les sociaux-démocrates étaient partisans de plus d'influence via une minorité de blocage alors que les conservate­urs s'opposaient à un droit de veto et préféraien­t les injections de capital et les crédits.

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