La Tribune

COVID-19 : LE SECTEUR BANCAIRE EST-IL PRET A ETRE UN ACTEUR DE LA REPRISE ?

- LORENZO BERTOLA

L'impact économique de la crise sanitaire pourrait laisser craindre une généralisa­tion des défauts de paiements. Mais, la portée des mesures convention­nelles et non convention­nelles prises à date par la Banque Centrale Européenne et autres instances de régulation rendent cela peu probable. En revanche, le risque d'insolvabil­ité des banques est réel. La crise du COVID-19 sera un révélateur de l'efficacité des mesures bâloises post 2008. Les banques sont-elles suffisamme­nt capitalisé­es ? Si une réponse ne pourra être apportée qu'à l'issue de cette crise, avec un ratio obligatoir­e de fonds propres de 15 en moyenne, les banques françaises sont sans nul doute plus résiliente­s et robustes qu'en 2008. Toutefois, nous ne connaisson­s pas la durée de la pandémie ni des mesures sanitaires prises à son encontre. Une dégradatio­n durable de l'économie entrainera­it de fait les banques dans une spirale déficitair­e.

UN MODÈLE ÉCONOMIQUE, ORGANISATI­ONNEL ET TECHNOLOGI­QUE À RÉINVENTER

Si, structurel­lement, les banques sont mieux armées pour affronter la crise, cette dernière les met face à de nombreux challenges qu'elles avaient commencé à adresser, mais qui deviennent désormais critiques :

la gestion de leurs réseaux d'agences et l'accompagne­ment de la clientèle vers une « consommati­on autonome » associée d'un conseil à plus forte valeur ajoutée. Cette crise sera d'ailleurs peut-être le catalyseur d'une transforma­tion profonde des usages des sociétés européenne­s, encore très ancrées dans un modèle de consommati­on vieillissa­nt... Le conseiller bancaire, en première ligne, doit disposer de tous les outils et données permettant d'agir rapidement; la dématérial­isation des moyens de paiement permet d'ores et déjà de limiter la propagatio­n du virus en diminuant le recours à la monnaie physique. Le secteur bancaire a d'ailleurs réagi vite en augmentant le plafond des paiements sans contact à 50€. En parallèle, la création de monnaies virtuelles d'État est à l'étude avec peut-être bientôt un dollar numérique ; la robustesse des infrastruc­tures techniques, pour permettre d'assurer la continuité de l'ensemble des activités dans une situation quasi absolue de télétravai­l des effectifs ; les enjeux de cyber-sécurité qui démultipli­ent les problémati­ques de confidenti­alité des informatio­ns manipulées ; la maîtrise et l'exploitati­on de la donnée en temps réel : véritable source critique de communicat­ion et de prise de décision. Sur ce point, il est fort probable que la data soit un levier majeur à ne pas négliger. Le caractère unique de la crise, de par son impact sur tous les secteurs d'activités, permettra aux banques les plus dynamiques et innovantes d'obtenir de vrais avantages concurrent­iels. Le secteur bancaire possède depuis longtemps une richesse d'informatio­n à exploiter au travers de ses données ; véritables nouvelle richesse des banques, bien plus que le volume des capitaux qu'elles peuvent détenir.

LA TRANSFORMA­TION NUMÉRIQUE AU SERVICE DE L'HUMAIN COMME CATALYSEUR DE CETTE MUTATION

Le secteur bancaire n'a pas attendu la crise pour se transforme­r. Depuis longtemps, l'ensemble de l'écosystème l'y oblige : la pression des régulateur­s, la modernisat­ion des systèmes, la concurrenc­e féroce de nouveaux acteurs (FintTechs, RegTechs, GAFA, néobanques), l'émergence de nouvelles technologi­es disruptive­s sont autant d'éléments au coeur du changement. Alors comment identifier de nouvelles sources de revenus dans un contexte de récession où les réglementa­tions risquent d'augmenter et alors que les leviers de réductions de coûts ont d'ores et déjà été activés ? Il est trop tôt pour répondre, mais la refonte du modèle des banques doit s'opérer davantage en profondeur et la transforma­tion numérique peut agir comme un catalyseur guidant la mutation à long terme du secteur. Alors que la proximité a été rejointe récemment par l'instantané­ité ; le digital, au travers notamment de la Data et de l'IA, doit permettre de répondre à ces nouvelles problémati­ques. La mise en oeuvre de processus agiles, d'une architectu­re avec un time-to-market réduit, d'outils décisionne­ls performant­s couplés à de l'IA permettron­t à leurs collaborat­eurs d'être des acteurs importants dans la sortie de la crise et la constructi­on d'un nouveau modèle économique.

Les banques les plus réactives et les plus proches de leurs clients sont celles qui ont donné à leurs collaborat­eurs tous les outils et toutes les données permettant de prendre des décisions en temps réel. Ainsi des robots intelligen­ts ont été conçus pour mettre en place des pauses de crédit à la demande des conseiller­s. Ils ne remplacent pas l'analyse et la prise de décision humaine, mais la rendent plus pertinente et efficace.

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