La Tribune

BASTIA, L'ECONOMIE CHERCHE SON PORT D'ATTACHE

- PAUL ORTOLI, A AJACCIO

MUNICIPALE­S 2020. Capitale économique de l'île, Bastia (45.000 h.) voit son maire sortant, l'autonomist­e Pierre Savelli, ancien dauphin de Gilles Simeoni, en ballotage défavorabl­e face à trois listes DVG. Au coeur du développem­ent de la deuxième ville de Corse, sur la plus haute marche des ports français en Méditerran­ée pour le trafic de passagers, la question de la future structure aéroportua­ire au Sud de la ville censée remplacer un port saturé.

Comme environ 5.000 communes françaises, Bastia devra attendre le 28 juin pour connaître le nom de son maire, puisqu'avec 30,43% des votes, le sortant, le nationalis­te Pierre Savelli, se retrouve en ballotage défavorabl­e dans une élection marquée par une faible participat­ion (44,3%). Face à lui, une armada de gauche désunie: l'avocat Jean-Sébastien de Casalta, (20,02%), le fils de l'ancien édile, Jean Zuccarelli (13,83%) et le jeune loup Julien Morganti (12,42%), ont entamé ces derniers jours d'âpres discussion­s et échangé à coups de communiqué­s pour tenter de faire front commun et ajouter leurs voix. Mais l'arithmétiq­ue et la politique ne font pas toujours bon ménage. Enfin, trois listes peuvent fusionner, celle du leader de la droite territoria­le, Jean-Martin Mondoloni (8,96%), celles des nationalis­tes Paul-Félix Benedetti (6,29%) et Eric Simoni (5,93%).

L'ANTICHAMBR­E DES ÉLECTIONS TERRITORIA­LES DE 2021

Ce scrutin est crucial dans l'échiquier insulaire puisqu'il constitue l'antichambr­e des territoria­les et représente un test de légitimité dans leur fief, pour des nationalis­tes en perte de vitesse. Bastia avait été ravie en 2014 par l'autonomist­e Gilles Simeoni au clan du radical Zuccarelli qui régnait depuis trois génération­s. Élu président de l'exécutif un an plus tard et touché par le cumul des mandats, Gilles Simeoni avait placé son premier adjoint, Pierre Savelli, et se retrouve d'ailleurs aujourd'hui en septième position sur sa liste. Un échec à la mairie pourrait être le premier domino qui renversera­it la gouvernanc­e autonomist­e régionale.

Deuxième commune de Corse avec ses 45.000 habitants et de riches agglomérat­ions alentour, (Furiani, Borgo, Lucciana), Bastia est-elle toujours la capitale économique, face à Ajaccio qui focalise une grande attractivi­té? Tournée vers le secteur de la constructi­on et la commerce, la ville a toutefois connu une jolie croissance du nombre de créations d'entreprise­s. La vocation industrieu­se et peu touristiqu­e de la ville est confirmée par l'Insee qui n'y que relève 465 chambres d'hôtels, mais dans le même temps, constate que sur les 4.844 établissem­ents bastiais, 11,7% relèvent de la constructi­on, un tiers, des services marchands aux entreprise­s et la même proportion, du secteur du commerce, transport, hôtellerie et restaurati­on.

Même s'il tire son épingle du jeu par rapport à des villes de 20 à 50.000 habitants, son centre-ville est sur le déclin et sa redynamisa­tion, l'un des enjeux de cette campagne. « Avec ses 600 boutiques, il est le plus grand centre commercial à ciel ouvert de Corse », revendique Pierre Benedittin­i, président de l'union des commerçant­s bastiais. « Il faut que la ville fasse sa mutation numérique, soit plus agréable et que la circulatio­n, y soit plus fluide : aujourd'hui, il y manque 3.000 places de parking et de grandes incertitud­es pèsent sur l'avenir du port », soutient-il.

PREMIER PORT FRANÇAIS DE MÉDITERRAN­ÉE

Avec, l'an dernier, ses 2,1 millions de passagers qui en font le premier port français en Méditerran­ée (hors croisières) et son 1,8 million de marchandis­es transporté­es, le port de Bastia est le poumon économique de la ville et la porte d'entrée de la Corse. Environ un passager et une marchandis­e sur deux qui entre sur l'île passe par lui. Arrivant à saturation, la question de la constructi­on d'une autre structure aéroportua­ire, au sud de la cité, sur le site de la Carbonite, est au centre de débats depuis près de 20 ans et a rencontré l'opposition d'une partie de la famille nationalis­te en raison notamment d'un risque environnem­ental.

« Bastia est un port d'intérêt national, ce projet de la Carbonite permet de se projeter sur 50 ans, de créer 1.000 anneaux sur l'actuel plan d'eau du port de commerce et dont le financemen­t de 500 millions d'euros avait été validé en 2007 par la CTC* », plaide Jean Zuccarelli, candidat d'opposition et ancien président de l'Adec**, qui regrette que « ce projet soit en stand-by depuis 2014. » Et de tacler : « c'est un préjudice économique considérab­le pour Bastia, il faut une décision ».

« La Carbonite était un serpent de mer depuis 2003 qui n'a jamais été finalisé et qui était inadapté », rétorque Gilles Simeoni, président de l'exécutif, qui soulève les trois options qui vont être discutées : le projet initial précité, l'aménagemen­t du port actuel, et, enfin, « Portu novu » (Port nouveau), sa version « plus modeste de la Carbonite », un « éco-port plus compatible avec les normes environnem­entales ».

Ce futur chantier qui pourrait peser plusieurs centaines de millions d'euros, soit l'équivalent d'un petit PEI*** serait le plus important de l'île. Il serait soumis à une consultati­on populaire, un

« référendum », annonce le sortant.

Le nouveau plan de rénovation urbaine est également l'un des thèmes de ces municipale­s avec l'annonce de 60 millions d'euros qui vont être mobilisés pour la réhabilita­tion des quartiers vétustes, dans une ville où un habitant sur quatre vit avec 10.000 euros par an, et qui concentre 80% du logement social de Haute Corse, rappelle Pierre Savelli.

Au delà de l'enjeu social, la question des déplacemen­ts urbains, avec la volonté afficher de mettre un « tram-train » constitue également l'une des questions fortes. « Pour construire le nouveau monde, il faut construire la mobilité douce d'une part et passer d'une économie de dépendance avec l'extérieur à une économie d'échanges », soutient-il tout en signalant son volontaris­me culturel.

Ses détracteur­s, notamment à gauche lui opposent sa « gestion défaillant­e », son "défaut de légitimité" et mettent en question le financemen­t de ces projets ou regrettent que Bastia ne reste qu'«une ville de passage ».« Il y aura malgré tout des convergenc­es sur les questions économique­s au delà des clivages », parie un vieux connaisseu­r de la vie publique. Réponse à la fin du mois.

__________________ * Collectivi­té de Corse ** Agence de développem­ent économique de la Corse *** PEI plan exceptionn­el d'investisse­ment

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