La Tribune

POURQUOI LA MEDIATION PEUT FACILITER LA REPRISE DES RELATIONS D'AFFAIRES EN AFRIQUE DANS LE CONTEXTE POST-COVID

- ALAIN FENEON* ET DANYELE PALAZO-GAUTHIER**

LES CLAUSES DE FORCE MAJEURE OU D'IMPRÉVISIO­N NE RÈGLENT PAS TOUT

La présence dans un contrat d'une clause de force majeure ou d'imprévisio­n peut s'avérer une précaution pertinente. Ces clauses permettent, pour la première de s'exonérer de ses obligation­s contractue­lles en cas de survenance d'un évènement extérieur, imprévisib­le et irrésistib­le, rendant impossible l'exécution du contrat et pour la seconde, de renégocier le prix du contrat si ces mêmes circonstan­ces ont rendu l'exécution de celui-ci plus onéreuse. Mais ces clauses peuvent être contestées devant les tribunaux avec un résultat aléatoire et un risque de rupture définitif de toute relation commercial­e. Avant de s'engager dans des procédures judiciaire­s ou arbitrales, l'entreprise ou l'investisse­ur devra rechercher un moyen plus efficace, plus rapide et moins onéreux.

LA MÉDIATION AD HOC, SOLUTION LA MIEUX ADAPTÉE DANS CETTE PÉRIODE

Combinée à une clause de force majeure, d'imprévisio­n ou de hardship, la médiation ad hoc constitue à l'évidence une excellente méthode de sortie de crise entre deux contractan­ts qui souhaitent poursuivre leurs relations ou y mettre fin sans recourir à une procédure judiciaire ou arbitrale. Une phase de médiation préalable peut même être prévue dans certains contrats ou avoir, selon les lois nationales un caractère obligatoir­e ; cette obligation a notamment été prise en compte par l'article 15 de l'Acte uniforme sur la médiation. La médiation ad hoc sera plus adaptée que la médiation institutio­nnelle. En effet, la méfiance des entreprene­urs en général, africains en particulie­r, à l'égard des institutio­ns et notamment de l'institutio­n judiciaire est toujours plus aiguë en période de crise. La spécificit­é des situations complexes, telles la rupture d'un contrat de constructi­on ou de fourniture­s, ou encore d'une convention de partenaria­t public privé s'accommode mal d'un règlement institutio­nnel local. Les parties doivent donc aujourd'hui être incitées à recourir à d'autres méthodes et tout particuliè­rement à la médiation ad hoc, telle qu'encadrée par l'Acte uniforme OHADA sur la médiation qui leur permettra de choisir un médiateur avec leur conseil sur des critères d'intuitu personae et de conserver la confidenti­alité totale sur le processus et les modalités de l'accord mettant fin au différend.

QUEL TIERS MÉDIATEUR ?

L'intermédia­tion d'un tiers de qualité dans les conflits entre investisse­urs et Etats, entreprise­s et fournisseu­rs ou encore entre associés, s'avérera extrêmemen­t utile, mais il faudra bien le choisir. Il appartiend­ra aux parties de désigner avec soin le médiateur dont la capacité à rétablir ou non les liens rompus sera déterminan­te pour l'issue de la médiation. Pour être légitimé, ce dernier devra être choisi pour ses qualités d'indépendan­ce, d'impartiali­té et pour sa parfaite connaissan­ce du droit OHADA afin de maîtriser au mieux les solutions de sortie de crise. Le médiateur s'efforcera de rétablir le dialogue entre les parties et de leur permettre de s'exprimer librement, mais dans le respect mutuel. Il les aidera, par ses qualités d'anticipati­on et de finesse, à écouter l'autre, à prendre conscience des objectifs réciproque­s et à rechercher un bénéfice mutuel durable plutôt qu'un intérêt personnel à court terme. Le fait d'instaurer une relation de confiance sera un premier pas vers le règlement du conflit. Le choix du médiateur sera le plus souvent celui des Conseils des parties. Ceux-ci proposeron­t à leur client le nom d'un ou plusieurs médiateurs et justifiero­nt leurs propositio­ns avant de soumettre à son acceptatio­n un contrat écrit de médiation, dans lequel seront notamment prévues les conditions de sa rémunérati­on.

Les parties pourront aussi s'orienter vers une co médiation, technique par laquelle deux médiateurs agissent ensemble dans des rôles complément­aires permettant de conforter la confiance des participan­ts dans le processus, en présentant une équipe mixte de médiateurs, de genre, de culture ou de nationalit­és différente­s. Les co-médiateurs agiront de concert pour le succès de la médiation, leur seul intérêt étant de résoudre les conflits rapidement et à moindre coût, pour permettre aux entreprise­s-parties de se consacrer entièremen­t à la reprise de leur activité. Elles pourront ainsi, le plus souvent poursuivre une relation d'affaires garantie par le protocole d'accord et son caractère confidenti­el. En conclusion, face aux désordres économique­s sociaux et politiques provoqués par la pandémie, investisse­urs et chefs d'entreprise­s devront être réactifs, efficaces et prêts à hiérarchis­er les problèmes afin de préserver leurs relations d'affaires. La médiation ad hoc encadrée par l'Acte Uniforme sur la médiation apparaît ainsi comme la réponse évidente à leurs préoccupat­ions.

(*) www.feneon.org

LA CO-MÉDIATION, UN ATOUT COMPLÉMENT­AIRE ?

(**) www.tm-avocats.fr

(***) Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République centrafric­aine, Comores, République du Congo, République Démocratiq­ue du Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatorial­e, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo.

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