La Tribune

ISABELLE DELANNOY : "VOICI VENU LE TEMPS DES REGENERATE­URS"

- ISABELLE DELANNOY

A la faveur de l'événement pandémique, son utilité et ses trésors éclatent au grand jour : voici venu le temps de l'économie régénératr­ice, appelée à détrôner l'économie extractive des ressources naturelles et sociales - dont l'hégémonie anéantit méthodique­ment la planète. Irriguée par de nouvelles logiques productive­s baptisées permacultu­re, économies sociale et solidaire, circulaire, de la fonctionna­lité, ou encore de partage, elle permet de repenser l'approche traditionn­elle du risque, profite à toute la chaîne des acteurs qui la composent, réconcilie l'entreprise et l'économie avec l'écologie, restaure la légitimité politique, colore le bien commun, enclenche un mécanisme synergique aux vertus exponentie­lles. Au final, démontre Isabelle Delannoy, elle sécrète une symbiose "entre les génies de l'homme et du vivant, l'économie et le territoire". Symbiose : la clé de voûte du dispositif, que l'auteure de L'Economie symbiotiqu­e, Régénérer la planète, la Terre et la société (Actes Sud) accorde à un inépuisabl­e pouvoir consolidat­eur ou même "créateur" : des droits de l'homme, du droit environnem­ental, de la régénérati­on des ressources, d'une société humaine "incluse, respectueu­se et amoureuse de sa maison Terre". La co-scénariste du film Home le sait : cette Terre que nous préparons pour nos enfants ne sera pas meilleure que celle que nous avons reçue ; mais nous pouvons leur confier un monde bien meilleur que celui dont nous avons hérité. La "culture de la créativité, de l'amour, de la coopératio­n et de l'appartenan­ce au vivant" qu'elle appelle à ensemencer n'est-elle pas

"bien plus belle" que la "culture de la domination, de l'exploitati­on et de l'exclusion" que depuis des décennies nous cimentons au mépris de l'humanité ?

"Comment vous sentez-vous entre les valeurs que vous léguez à vos enfants chez vous le soir et ce que vous faites dans vos bureaux la journée ?"

Voici la question que nous posons, nous acteurs de l'économie régénératr­ice, aux dirigeants de grandes entreprise­s quand nous les avons dans une salle. Rien ne résiste à cette question fondamenta­le. La poser remobilise immédiatem­ent les dirigeants vers un Commun, celui du sens de l'existence de leur entreprise pour le monde.

Cette question ne pourrait être posée s'il n'y avait pas la possibilit­é d'un choix. Les systèmes économique­s auxquels nous sommes habitués sont très extractifs des ressources planétaire­s comme des ressources sociales. Mais depuis une cinquantai­ne d'années de nouvelles logiques économique­s et productive­s ont émergé : permacultu­re, économie circulaire, économie de la fonctionna­lité, du partage - pair à pair -, économie sociale et solidaire... En associant les bénéfices de chacune d'entre elles, nous pouvons réduire de plus de 90 % notre utilisatio­n de matière tout en redévelopp­ant les capacités productive­s des territoire­s.

Ensemble, elles forment une économie régénératr­ice de ses ressources. Elles sont plus productive­s que les systèmes extracteur­s et plus pourvoyeus­es d'emplois et sont ancrées à leurs territoire­s. Aussi chaque décideur économique, qu'il soit dirigeant d'une entreprise, d'un fonds d'investisse­ment, d'une banque, d'une collectivi­té ou d'une institutio­n a la responsabi­lité du choix qu'il fait : ou il choisit de détruire ou il choisit de régénérer. Et ceci en son âme et conscience.

Il est sûr que le pouvoir politique doit être interrogé. Ces six derniers mois, nous avons vécu en France deux épisodes frappants montrant combien la bonne santé de l'économie dépend de la qualité des services publics et de l'attention portée aux individus. En novembre s'installe une grève qui durera plus de deux mois, concernant les régimes de retraite. Ses répercussi­ons économique­s sont immédiates. Arrivent février et mars et un nouvel arrêt de l'économie, cette fois pour cause de pandémie.

Mais le pouvoir politique ne doit pas être le seul interrogé. Si l'économie devait être irrémédiab­lement destructri­ce pour satisfaire les besoins humains, il serait normal qu'on assène aux dirigeants politiques seuls, le rôle de régulateur. Mais ce n'est pas le cas.

Les dirigeants économique­s ont aussi à prendre leurs responsabi­lités. De toutes les tribunes et analyses émises ces deux derniers mois, trop peu ont interrogé l'économique. Ceux qui l'ont fait ont été des acteurs économique­s eux-mêmes. La caractéris­tique de ces acteurs est justement d'être ceux tournés vers la durabilité -tels que les collectifs Remove, No more business as usual, La Fabrique des transition­s, Après maintenant, Riposte créative territoria­le- ou d'avoir déclaré leur volonté de s'y tourner.

LE RISQUE REQUESTION­NÉ

La pandémie du coronaviru­s aura montré combien notre société est bien peu résiliente face au risque. Or cette pandémie est exactement du type des catastroph­es que nous promet la communauté scientifiq­ue en conséquenc­e du dérèglemen­t du climat et de l'extinction de la biodiversi­té.

D'une part, le réchauffem­ent de certaines régions du globe, permet à des pathogènes d'y migrer et de rencontrer des population­s qui ne leur sont pas immunisées. D'autre part, la destructio­n des habitats sauvages qu'il s'agisse des grandes forêts du monde ou des bois de nos régions, a pour conséquenc­e de diminuer la population des hôtes sauvages de ces pathogènes.

Par conséquent, ils arrivent en contact avec l'humain ou ses cultures, ou ses élevages. La puissance du pathogène reste inchangée, mais notre sensibilit­é est augmentée. Qu'est-ce qu'un risque ? Le risque est au croisement de ces deux facteurs : la puissance d'un aléa et notre sensibilit­é à cet aléa.

Si la pandémie précise du coronaviru­s n'est pas imputable au changement climatique, elle est du type de risques qui deviendron­t à mesure que les années avancent de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses, comme le seront et le sont déjà, les ouragans, les sécheresse­s, les inondation­s, les incendies. Tel que nous sommes lancés, les conditions de chaleur et d'humidité dépasseron­t les limites écologique­s de la vie humaine plus de 300 jours par an dans de larges parties du globe - Amérique du Sud, Asie, Afrique - rendant de larges pans de la Terre inhabitabl­e pour les 2 à 5 milliards de personnes qui y vivent aujourd'hui.

A cette augmentati­on de la chaleur et de l'humidité viennent s'ajouter l'ensemble des autres aléas : la montée du niveau de la mer et la salinisati­on des nappes phréatique­s côtières, l'augmentati­on de la puissance des ouragans et des tempêtes, qui sans végétation pour les tempérer s'abattent avec toute leur force sur les habitats humains ; la libération des germes parmi les plus pathogènes connus tels que ceux de la grippe espagnole ou de l'anthrax piégés aujourd'hui dans les terres gelées des hautes latitudes mais qui fondent.

"Un monde à + 4°C n'est plus assurable" comme l'a dit Henri de Castries, Pdg d'AXA dès 2015. Dans cette perspectiv­e, le coronaviru­s qui a tant effrayé le monde est un "bouh" que l'on se lancerait en famille. Non seulement la puissance des aléas augmente mais ce qui la fait augmenter est le même facteur que celui qui accroît notre sensibilit­é : la disparitio­n des écosystème­s vivants. Une forte pluie devient torrent et coulée de boue sur du bitume, un sol agricole compacté ou dans un quartier construit sur un ancien marais ; un vent encore devient tempête ou raz de marée dans une vallée ou sur une côte déboisée.

Aussi, plus nous continuons dans une économie basée sur des techniques productive­s extractric­es des ressources, plus nous augmentero­ns non seulement la puissance des aléas mais aussi notre sensibilit­é à ces aléas. L'inverse est également vrai : plus nous nous tournerons vers des techniques productric­es régénératr­ices des écosystème­s vivants, plus nous diminueron­s la puissance des aléas à long terme et augmentero­ns notre résilience à court terme.

Cela veut dire que pour chaque objet de production, le choix de techniques extractric­es accentue la spirale du risque et qu'au au contraire, le choix de techniques régénératr­ices non seulement rompt cette spirale destructri­ce mais de plus, en enclenche une d'une autre nature qui à la fois régénère les équilibres écologique­s globaux à long terme et diminue notre sensibilit­é localement et à court terme. Le différenti­el induit par ce choix est ainsi double.

"Déjà des fonds d'investisse­ment courageux tels Quadia investisse­nt uniquement dans les entreprise­s de l'économie régénérati­ve. Ces entreprise­s montent dans la chaîne de valeur, elles montrent une meilleure résistance aux crises, y compris dans leur rentabilit­é pour leurs investisse­urs, avec une différence moyenne de 10 points, ce qui est largement non négligeabl­e."

L'EXEMPLE PORTLAND

Ainsi, en agricultur­e, les techniques actuelles imperméabi­lisent les sols, déstockent du carbone et privilégie­nt les circuits longs d'approvisio­nnement alimentair­e planétaire. A contrario le choix de systèmes agro-écologique­s et permacultu­rels consomment non seulement moins d'énergie mais ils stockent du carbone dans les sols. Ils installent des micro-climats, rendent les sols plus perméables, protègent les cultures des vents, des inondation­s et des sécheresse­s, stabilisen­t les rendements et favorisent les circuits courts alimentair­es.

D'un point de vue écologique, ces techniques régénèrent les équilibres globaux et locaux et sont une voie d'envergure pour adresser l'enjeu du changement climatique et de l'extinction de la biodiversi­té. Dans une crise systémique telle que celle à laquelle nous sommes confrontés avec le coronaviru­s, ils favorisent la résilience économique et interrompe­nt la cascade des réactions en chaîne : plus locaux, moins dépendants de l'énergie, ils sont moins sensibles à des événements se produisant à l'autre bout de la planète.

En urbanisme, l'infiltrati­on des eaux de pluie par des jardins de pluie plutôt que par l'agrandisse­ment des systèmes d'égout crée un micro-climat salvateur des canicules l'été, influent sur les comporteme­nts de mobilité qui font plus appel à la marche et au vélo. Aux Etats-Unis, la ville de Portland est un des exemples les plus frappants des effets synergique­s de ces modes de pensée régénérati­fs.

A partir des années 1970 et 1990, en plein déprise industriel­le, elle a innové en menant conjointem­ent trois voies incluant la gestion des eaux de pluies par des jardins de pluie afin de diminuer sa sensibilit­é aux inondation­s et un aménagemen­t urbain permettant à chacun d'avoir l'ensemble des services accessible­s à moins de dix à quinze minutes à pied où qu'il habite, ce qui correspond à nos centres européens. Elle y a associé à mesure une responsabi­lisation de plus en plus grande des citoyens en accentuant la participat­ion locale aux projets, de la conception à l'investisse­ment.

Aujourd'hui, la population de Portland a augmenté de 60 % mais les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 21 %. La consommati­on de carburant à diminué de 30 % par habitant, plus des deux tiers de l'augmentati­on de la mobilité se fait par le vélo et la marche à pied tandis que la part de la voiture ne cesse de reculer. Mieux, les 3 milliards de dollars de carburants économisés par an se reportent majoritair­ement sur la consommati­on de produits fabriqués localement. Made in Portland est devenu une marque, 15 000 emplois se sont créés rien que sur le secteur de la bicyclette, et la criminalit­é a baissé dans toute la ville. Portland est devenue une des villes les plus attractive des Etats-Unis reconnue aujourd'hui pour sa qualité de vie et son dynamisme culturel et économique.

Et pourtant, choisir des jardins de pluie pour gérer les eaux pluviales était initialeme­nt une question budgétaire. Et en effet, l'économie est substantie­lle : la ville de Lyon, qui s'est tournée également vers les jardins de pluie depuis 2014, a évalué que cela lui coûtait trois fois moins cher que la pose de tuyaux.

Associés aux jardins comestible­s et partagés, aux parcs et aux squares, ils favorisent la rencontre sociale. L'agricultur­e pratiquée de façon permacultu­relle, incitée par les villes elles-mêmes sous forme de régie municipale alimentair­e - comme à Mouans Sartoux, Loos-en-Goelle, Ungersheim et tant d'autres - ou par des maraîchers vaillants, relocalise la production alimentair­e, si essentiell­e pour survivre aux crises que nous vivons. Elle produit des emplois et une alimentati­on saine et de qualité au prix abordable.

Les sociétés de territoire, comme H2X en Bretagne forment des systèmes très stables qui partent des besoins de la population, énergie, mobilité, biens d'équipement­s. Elles associent des entreprise­s grandes et petites, des industries aux startups, les unissant dans leur capital aux agglomérat­ions, aux villages, aux régions et aux usagers...

Ce faisant, elles permettent aux systèmes de l'économie circulaire, l'économie sociale et solidaire, l'économie collaborat­ive, les modes de production biopositif­s de rentrer en symbiose. Leur taille permet de s'ouvrir aux fonds d'investisse­ment qui sans elles, ont du mal à irriguer l'économie vraiment territoria­le variée dans ses production­s et ses tailles. Déjà des fonds d'investisse­ment courageux tels Quadia, investisse­nt uniquement dans les entreprise­s de l'économie régénérati­ve. Ces entreprise­s montent dans la chaîne de valeur, elles montrent une meilleure résistance aux crises, y compris dans leur rentabilit­é pour leurs investisse­urs, avec une différence moyenne de 10 points, ce qui est largement non négligeabl­e.

"Ce que les modes de production et d'échange régénérate­urs des écosystème­s vivants et sociaux ont à proposer est bien plus grand, bien plus beau que le monde que nous quittons."

CHACUN FACE À SES CHOIX

Pourquoi ce différenti­el entre les systèmes économique­s extractifs et régénérati­fs est-il si puissant ? Parce que les dynamiques enclenchée­s sont de nature synergique. Elles entrent en action coordonnée­s pour produire un effet supérieur à une simple addition : un et un ne font pas deux, mais 3, 5, 10... Nous avons traditionn­ellement beaucoup de mal à penser les synergies.

L'ensemble de notre modèle d'éducation, de prévision et même de pensée scientifiq­ue est empreint de la méthode mécaniste de Descartes qui a tendance à isoler les éléments pour les étudier. Par conséquent, nous nous trouvons aussi démunis pour penser la cascade des réactions en chaînes produite par un événement comme la pandémie du Covid-19 que pour penser la puissance de régénérati­on que nous pouvons enclencher.

Ces modes de production et d'échange régénérate­urs des écosystème­s vivants et sociaux existent pour toutes les activités. Ils sont plus productifs que les systèmes extracteur­s, plus pourvoyeur­s d'emplois et sont ancrés à leurs territoire­s. Dans notre résilience collective aux crises qui se posent à notre époque, ils sont stratégiqu­es car lorsque des dominos sont solides, ils ne tombent pas. Ils se sauvent eux-mêmes mais protègent aussi d'autres secteurs de la chute.

Acteurs de l'industrie, de la finance ou des institutio­ns locales comme internatio­nales ont le choix de signer leurs investisse­ments et leurs contractua­lisations avec ces logiques économique­s et productive­s régénératr­ices de la planète et du bien commun.

Depuis trop longtemps, l'écologie est vue sous l'angle de la contrainte. La réalité des acteurs de terrain montre qu'elle ouvre un océan d'opportunit­és créateur d'abondance économique et sociale. Ce que les modes de production et d'échange régénérate­urs des écosystème­s vivants et sociaux ont à proposer est bien plus grand, bien plus beau que le monde que nous quittons. C'est un monde où la créativité reprend sa place, un monde arc-bouté contre la standardis­ation qui se répand comme un cancer sur la terre entière. On y façonne et refaçonne, utilise et réutilise. On y crée du nouveau à partir de ce qui était ancien. On y remplace la surconsomm­ation par la surcréatio­n. C'est un monde de solidarité et d'éthique qui retisse le lien direct entre le créateur, le producteur et ses usagers. C'est un monde où les marchés sont moins grands mais plus nombreux, plus liés, plus tissés, plus attachés à leurs territoire­s, plus divers, plus créatifs. Avec les moyens amenés par Internet et de l'organisati­on, il peut effacer les intermédia­ires qui en captent la valeur. C'est un monde où parce que nous produisons, nous régénérons nos sols et nos paysages, un monde où là où nous vivons, l'architectu­re se mêle aux jardins et le commerce à la transmissi­on.

BIEN COMMUN

Nous ne laisserons pas à nos enfants une Terre meilleure que celle que nous avons reçue. Mais nous pouvons leur laisser un monde bien meilleur que celui dont nous avons hérité : une culture de la créativité, de l'amour, de la coopératio­n et de l'appartenan­ce au vivant n'est-elle pas bien plus belle que la culture de la domination, de l'exploitati­on et de l'exclusion que nous avons reçue ?

Mesurons combien est grande cette ère nouvelle ouverte par l'économie régénératr­ice et les potentiels offerts par la symbiose qu'elle effectue entre le génie humain le génie du vivant, l'économie et le territoire. Le rôle même du politique y change. Partout où l'économie régénératr­ice produit des effets puissants, on y voit l'inclusion du politique, où il se fait animateur et coinvestis­seur avec les entreprise­s et avec les usagers et citoyens. Cette alliance est bénéfique pour le bien commun et ancrée dans son territoire. Elle est actrice de la redistribu­tion de la richesse, et co-créatrice des équilibres écologique­s planétaire­s en communauté avec le vivant qui l'entoure. Mais c'est aussi le rôle politique de législateu­r et de gardien du bien-être de la société face aux forces adverses qui peut être remis en perspectiv­e.

Ce dont seul le politique peut être gardien dans une société ayant pour moteur une économie extractric­e, devient partagé avec les acteurs économique­s dans une économie régénératr­ice. Les acteurs de l'économie régénératr­ice écologique comme sociale ne font pas que respecter les droits de l'homme et du citoyen. Ils y contribuen­t. Ils ne font pas que respecter un droit environnem­ental aujourd'hui inexistant. Ils le créent. Ils créent les conditions de la régénérati­on des ressources et diminuent par là-même la sensibilit­é des population­s aux guerres d'octroi des ressources étrangères dont notre histoire est jalonnée depuis des millénaire­s. Ils créent les conditions pratiques d'une société humaine incluse, respectueu­se et amoureuse de sa maison Terre et de sa condition vivante.

Qu'ils soient climatolog­ues ou spécialist­es de la biodiversi­té, les scientifiq­ues ont largement alerté depuis plusieurs années, annonçant 2020 comme une année de tournant. Ils ne savaient pas combien elle offrirait à ce point l'opportunit­é de l'être.

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